fbpx

En Algérie sévit aussi cette dérive idéologique…

[par Kamel Daoud – Un autre islamo-gauchisme, d’après un article publié le 05/04/2021 à 09h00 (Le Point) sous le titre « un autre islamo-gauchisme« ]

En France, on donne le nom d’« islamo-gauchisme » à ce courant politique qui offre vocation à la culpabilité et aime jouer à la contrition pour espérer à la fois être innocenté et accéder au pouvoir. De quoi s’agit-il ? D’une propension à la culpabilité face aux « minorités », face à l’histoire des ancêtres, face à soi et face à sa classe sociale. D’un recyclage naïf des utopismes du siècle dernier. Mais ce mal que l’on croit français est peut-être universel.

L’Algérie est un pays qui a connu les affres d’une guerre civile sans nom et sans images de 1990 à 2000. Des centaines de milliers de morts, des torturés et des déplacés. Entre un régime féodal et des islamistes barbares, on fut broyé et décimé. On aurait pu croire que certains des intellectuels algériens qui avaient vécu cette décennie allaient en sortir au moins avec la vocation minimale de lanceurs d’alerte sur ce que l’islamisme est, ce qu’il utilise comme ruse et stratégies et sur le bilan de cet utopisme barbare. Ce ne fut pas le cas. Ici aussi, de ce côté de la Méditerranée, on a droit à cet « islamo-gauchisme » qui monopolise le postcolonial , adore refaire la guerre à la France et y vivre ou en vivre, et cède, dans un gémissement presque sensuel, à la fascination pour l’islamisme séducteur.

Le danger d’une « révolution » à l’iranienne. Aujourd’hui, deux ans après les grands soulèvements du 22 février qui ont fait basculer une partie du régime, voilà que ce grand élan qui aurait pu fonder une république enfin saine cède à de curieuses noces : depuis quelques semaines, des intellectuels algérois appellent à « protéger » la présence des islamistes dans les rangs des manifestants du vendredi, à les aimer, à les soutenir et à les blanchir de leurs crimes, à leur offrir l’autre joue des survivants de leurs massacres. Des chefs islamistes qui avaient béni les attentats et les meurtres se voient, depuis peu, accueillis dans des radios et des médias algérois dits « démocrates », invités à exprimer leur nouvelle « foi en la démocratie » en Algérie. Une version locale de cet islamo-gauchisme, en mode mouche du coche, qui se croit tête pensante du changement universel et qui veut ignorer qu’il n’est que la vitrine d’un mouvement fasciste qui va l’utiliser avant de le pendre aux poteaux aux premières aubes d’une « révolution » à l’iranienne.

De même qu’en France ou ailleurs où l’islamisme joue de l’hyperculpabilisation et de la mémoire coloniale ou du communautarisme, on retrouve ces compromissions déguisées en partage de luttes, ces mensonges sur l’alliance sacrée contre le « régime », cette même béatitude amoureuse de l’intellectuel futile face au barbare qui rafraîchit le sang en le versant, cette radicalité haineuse envers ce que l’on est, ce même érotisme politique morbide. Les islamistes algériens jurent aujourd’hui vouloir se dissoudre dès que l’Algérie abordera aux rives de la démocratie et ceux-là, les idiots utiles, y croient et le répètent. On peut rire ou pleurer de tant de bêtises, mais également conclure à la nécessité de faire front à cette étrange maladie, à l’urgence d’un diagnostic majeur, mondial, contre cette alliance.

Arnaque des islamistes. Les « gauchos » algériens connaissent bien ce dont sont capables ces prêcheurs haineux au nom d’un dieu ; ils ont vécu, en mode procuration, l’arnaque des islamistes tunisiens et savent intimement que ce courant, même s’il affiche des têtes auréolées de repentance, n’est pas contrôlable, qu’il est violent par nature, totalitaire, qu’il use de la peur et des milices et que son but est le pouvoir absolu et la conversion universelle, pas la démocratie. Mais les rêveurs en velours, qui se hérissent quand on les secoue, cèdent toujours à ces étranges rendez-vous galants avec l’instinct de la mort. Pour quelles raisons abyssales ? Le désir, inexplicable, d’un suicide voluptueux qui les emportera. Et nos pays avec eux.

Une nouvelle génération d’idiots utiles est en train de naître en Algérie. Elle prépare (et ce n’est pas une fatalité) un bel Iran sunnite en Afrique du Nord.

Collectif

Collectif

Tribune des observateurs