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Entretien entre le linguiste Jean Szlamowicz et le sociologue Shmuel Trigano

Le sociologue Shmuel Trigano, né en 1948 à Blida, professeur émérite de l’Université Paris-Nanterre, est l’auteur d’une œuvre considérable qui couvre un large champ, à la fois politique, philosophique et sociologique. On pourra retenir notamment en philosophie juive, L’odyssée de l’être (Hermann, 2020) et Le judaïsme et l’esprit du monde (Grasset, 2011).

Animateur de la revue Controverses, de Pardès, du mouvement Raison Garder, il a accumulé depuis presque trente ans des données témoignant des mutations idéologiques et sociologiques de la société française. Il en fait un récit saisissant dans Quinze ans de solitude : juifs de France, 2000-2015 (Berg international, 2015).

Lanceur d’alerte, il fonde au début des années 2000 un Observatoire du monde juif qui s’était donné pour tâche d’étudier la flambée de faits antisémites que le pouvoir avait choisi de taire et d’en recenser les manifestations avec l’aide divers chercheurs comme Jacques Tarnéro, Gérard Rabinovitch, George-Elia Sarfati, etc. Cela aboutira notamment à son ouvrage La démission de la République : juifs et musulmans en France (PUF, 2003).

Avec une grande exigence méthodologique, il inscrit son analyse de l’idéologie dans le cadre de la sociologie de la connaissance, augmentée d’une attention aux faits de discours et aux faits politiques. Penseur du fait national et du fait culturel, il apporte un regard d’une grande profondeur de champ appliquant les concepts de la sociologie avec l’originalité d’un penseur non conformiste. On lui doit un ouvrage d’une grande acuité sur l’instrumentalisation politique du discours mémoriel (Les frontières d’Auschwitz : les ravages du devoir de mémoire, Livre de Poche-Hachette, 2005).

Il dirige également un magnifique ouvrage en deux volumes intitulé Le monde sépharade (Seuil, 2007) ainsi que des analyses poussées des racines historiques et culturelles des conflits (Le sionisme face à ses détracteurs, Éditions Raphaël, 2002 ; L’exclusion des Juifs des pays arabes, Pardès 33, 2003).

L’actualité est considérablement éclairée par son court et très dense ouvrage de 2012 La nouvelle idéologie dominante, le post-modernisme (Prix des impertinents 2013 du journal Le Figaro). Il y fait la synthèse de la grande confluence qui voit le développement de l’antisémitisme-antisionisme, de l’approche décoloniale, de l’islamo-gauchisme, des théories du genre, du trans-humanisme. La force de son texte est d’articuler tous ces éléments pour en montrer la cohérence.

Jean Szlamowicz. Comment définissez-vous le post-modernisme ? La dimension discursive de cette idéologie ouvre sur la déconstruction qui relève de la post-vérité…

Shmuel Trigano. C’est une mouvance intellectuelle post-marxiste, née en France entre les années 1960 et 1970, qui n’eut pas d’écho immédiat en France, à l’Université, et immigra vers les campus américains où elle connut une mutation avant de s’étendre en retour à toutes les sociétés démocratiques par le canal universitaire. Cette école, au départ philosophique, s’est essayée — antécédents marxistes obligent — à des jugements concernant la société et la politique, relevant en apparence des sciences sociales, mais cette proximité aux sciences sociales s’est développée et déformée en se voyant transposée dans les départements de littérature des campus américains qui ont été son cadre de développement. De ce fait, l’apport des sciences sociales originelles s’est vu en quelque sorte dévoyé. Je n’en donnerais qu’un seul exemple, Nous n’avons pas attendu la « déconstruction » pour savoir en sociologie que discours et représentations sont « construits ». Par contre, jamais on n’a pensé que l’imaginaire social n’avait aucune épaisseur sociale et pouvait être « déconstruit » et « changé » d’un revers de mains comme si la réalité n’était qu’un narratif — départements littéraires obligent — et pas une donnée mesurable statistiquement et extérieure à l’acteur social. Le vacillement de la réalité auquel conduit la déconstruction, sortie du champ littéraire, porte une atteinte fondamentale à l’Université, au statut de l’objectivité. C’est pourquoi l’extension contemporaine de cette démarche pourrait bien être un signe de déclin de l’Université occidentale.

On a l’impression de convergences thématiques entre les différents aspects du post-modernisme : décolonialisme, déconstruction du genre, anti-capitalisme… Comment cela s’articule-t-il?

Un ordre nouveau s’y profile. Je l’esquisse dans mon livre paru en 2012. Je constate que cette idéologie pose les cadres d’une nouvelle réalité, en parfait accord avec ses croyances, et notamment une résurgence de l’utopie de « l’homme nouveau » qui fut l’horizon de tous les totalitarismes. La doctrine du genre vise notamment à remettre à zéro la stature de l’humain et de la collectivité. Regardez la diabolisation coloniale de la « nation », par différents concepts comme la « multitude » de Negri, le « rassemblement » de Judith Butler, le « vivre ensemble », toutes les élucubrations sur l’homme bionique, le transhumanisme, l’antispécisme, l’écologie profonde… Ce discours porte une métaphysique, une physique, une théologie, une épistémologie…

Comment la sociologie définit-elle ce qu’est une idéologie, au juste ? Et en quoi se mettrait en place aujourd’hui une nouvelle configuration idéologique ?

Une idéologie, dans son acception sociologique, est un phénomène social qui combine des représentations, partagées par un grand nombre d’individus, et des bases sociales (économiques, politiques et culturelles), sans nécessairement tenir ces dernières pour la cause déterminante des représentations. Ces représentations exprimeraient la perspective du groupe humain concerné qui voit et comprend la réalité à partir de la position qu’il occupe dans la société. Quand ce groupe est dominant et donne le ton à la vie collective, il y a pensée dominante. Elle n’est dominante qu’à l’insu de la conscience collective qui ne la perçoit pas comme « idéologie » mais comme le discours de la vérité et la réalité. Aujourd’hui c’est ce post-modernisme que « certifie » l’Université.

En quoi considérez-vous que le post-modernisme est dominant ? Est-ce vrai dans tout le champ social ? Peut-on « remplacer » une idéologie ? Était-ce là le projet d’Antonio Gramsci ?

Le postmodernisme apparaît comme le discours dominant véhiculé et relayé par les médias, l’université, la sphère juridique et j’ajouterai, par sa nature et ses modes d’action, l’économie financiarisée. Les élites propres à ces milieux se reconnaissent en lui et ont d’ailleurs contribué à le créer et l’asseoir institutionnellement. On ne « change » pas une idéologie à volonté dans le mesure où elle draine toute une formation sociale. Elle s’éteint et devient conservatrice quand elle a perdu le pouvoir en fonction d’un quelconque ébranlement de sa base sociale (ainsi d’utopie le communisme est devenu stalinisme « réactionnaire »). Si l’on en croit Karl Mannheim, fondateur de la sociologie de la connaissance, une doctrine est toujours révolutionnaire à ses origines, on la qualifie alors d’« utopie ». Dès qu’elle se saisit du pouvoir elle devient inéluctablement une « idéologie », une catégorie qui a ses yeux est toujours conservatrice, dans ce sens que, une fois au pouvoir, l’utopie s’agrippe à lui et ne veut pas le lâcher face aux attaques d’une nouvelle utopie qui la concurrence. L’utopie est le discours qui prône un ordre social qui n’existe pas encore et qu’une nouvelle base sociale émergente tente d’installer. L’idéologie est la même utopie devenue conservatrice et qui défend un ordre social qui n’est plus pertinent dans la société. Concernant Gramsci, il fut un visionnaire quand il pensa que, la lutte des classes ayant échoué, il fallait désormais mener une lutte culturelle qui déracinerait la culture bourgeoise et mettrait un terme à son influence sur le prolétariat. Cette idée, passée par la moulinette des campus américain, le multiculturalisme, le problème racial américain, la culture post-1968, etc, a donné le programme de déconstruction de l’Occident libéral qu’est le post modernisme, traduisant les mouvements de fond qui se produisaient dans la société concernée (immigration de masse, affaiblissement des identités nationales, mondialisation, déterritorialisation, « nomadisme » fonctionnel des élites)… Il est important de préciser que le programme de déconstruction vise l’Occident seul tandis qu’il préserve et sanctuarise tout ce qui n’est pas occidental et sur quoi ne s’exerce pas la « déconstruction ». Dans ce paysage, lorsque le discours postmoderniste exalte la cause immigrée il sanctuarise l’histoire de ces populations, leur religion, en décrétant leur innocence de principe, leur victimitude compassionnelle, leur excellence culturelle, etc, et surtout les déresponsabilisent pour leurs travers passés et contemporains. Ils essentialisent ainsi ces entités. À ce propos, je dirais que le post marxisme gramscien a trouvé un champ d’application inattendu dans ce que fut la politique arabe de l’URSS qui, durant toute la guerre froide, avait entrepris de soutenir les régimes arabes (rappelons-nous le « socialisme arabe ») pour les opposer à l’Occident libre, au nom de l’anticolonialisme. L’antisionisme constituait bien sûr un cœur de cible central comme il l’est aujourd’hui pour l’extrême gauche dandy des campus américains dans la mesure où dans leur représentation Israël est le condensé de l’Occident, de la domination, de la nation, de l’identité suprématiste, de la domination raciale.

Quel rôle joue l’Europe dans cette idéologie ?

Le post modernisme est l’idéologie la plus adéqate à l’Union Européenne et c’est de toute évidence le milieu dans lequel il s’est développé. Le nature de sa cible principale, à savoir la nation, nous renseigne à ce propos de façon évidente : c’est à défaire les liens nationaux existants que s’affaire l’unification européenne, pour croiser les populations au moyen de liens et de fonctions transversales (les commissions transnationales), non plus sur la base de sujets individuels comme collectifs. Dans cet ordre d’idées la décision de l’U.E. de récuser toute dimension identitaire, de ne pas reconnaitre sa culture de 20 siècles, cachée derrière sa prétention d’incarner – elle, une puissance- les droits de l’homme universel ouvre la porte à la contestation de sa culture, de son identité historique par les populations immigrées qui, elles, sont toutes dévouées au kulturkampf. L’UE est un sujet politique tentaculaire qui se dénie illusoirement toute identité. L’identité est ainsi devenue l’ennemi universel comme s’il existait des entités collectives ou individuelles sans identité. La doctrine du genre quant à elle, ne peut qu’affaiblir le sujet individuel à l’avantage du nouveau pouvoir. L’autre versant de ce syndrome, met, en vis à vis de la nation, l’empire. Au 17ème siècle les États nations européens se sont forgés sur les ruines des empires. L’inverse est vrai aujourd’hui : l’Union Européenne qui mettrait un terme aux États-Nations serait un pouvoir de type impérial. Le cadre unique de la démocratie est l’État nation.

Quelle est la place de l’antisionisme dans ce dispositif ? La critique de l’État Israël et la critique de l’État-Nation en général sont-elles comparables ? On a l’impression que le discours décolonial qui s’applique aujourd’hui à la France et à l’Europe s’est calqué sur la dénonciation d’Israël : État d’apartheid et de discrimination, État colonial, État « ethnique » (parce que juif ou « blanc »)…

La première salve du post-modernisme a été pour Israël et le sionisme. Déjà, au lendemain de Vichy, les philosophes du post-modernisme français exaltaient l’« exil » judaïque au moment même ou une communauté juive se reconstruisait en France et un État d’Israël se constituait. Dans les années 1990 les mêmes intellectuels, auxquels les transfuges du marxisme politique s’adjoignaient au lendemain de la chute du Mur, se redécouvraient « démocrates » et investissaient la démocratie libérale en découvrant la menace que la communauté juive d’après-guerre et l’État d’Israël faisaient peser sur son universalité, celle des droits de l’homme[1]. L’héritage de l’Union soviétique fourrier de l’anticolonialisme arabe ressuscitait. Une saga martyrologique fut construite, avec la Nakba comme « anti-Shoah » et le peuple palestinien devint le héros martyr et la victime absolue. Les gauchistes avaient trouvé l’épouvantail absolu de la nation, de la race, du suprématisme. Ils portent à ce propos une grave responsabilité, car en entretenant ces mensonges, ils ont légitimé en France une vieille haine islamique qu’illustra Mohamed Merah, lequel assassina des enfants juifs pour « venger les enfants de Gaza ». Au passage, je ferais aussi un sort aux médias nationaux qui n’informent sur la situation au Moyen-Orient que dans le prisme du discours de la propagande palestinienne à destination des Occidentaux. Tout ce dont Israël fut alors accusé, durant les années 2000, se retourna par la suite contre la France et les États européens, jusqu’au terrorisme islamique.

Comment définiriez-vous l’islamo-gauchisme ? La CPU et de nombreux universitaires nient l’existence d’un tel courant et prétendent que le terme n’a aucun fondement « scientifique ». C’est un terme critique, mais il décrit bien un fait politique. Vous l’avez distingué, je crois, du terme d’« islamo-communisme »…

La notion d’« islamo-gauchisme » a un passé méconnu. Cette idée est en fait apparu pour la première fois au Liban sous le terme d’« islamo-progressisme » pour désigner l’alliance passée entre le leader druze Kamal Joumblat et les Palestiniens, une alliance qui contrôla avec l’OLP 70 % du Liban. Kamal Joublat, tiers-mondiste, fondateur du Part socialiste progressiste (PSP) en 1949, prix Lénine de la paix, défenseur d’un nationalisme anti-confessionnel (et anti-chrétien) fut assassiné en mars 1977. Entre l’islamo-communisme de fait de la guerre froide, le palestino-progressisme libanais et l’islamo-gauchisme d’aujourd’hui, il y a bien sûr une synergie. Ces termes déclinent la même convergence de la gauche et de la cause arabo-musulmane. Durant la guerre froide, quand l’Union soviétique soulevait les États arabes contre l’Occident et l’état d’Israël, l’OLP devint le fer de lance de la cause arabe contre l’Occident et de ses supplétifs occidentaux — les gauchistes mais aussi les socialistes. Aujourd’hui à l’époque post-communiste et sous l’impact des migrations en provenance du monde arabo-musulman, la même configuration se présente, pour désigner le mariage contre nature de la gauche dans toutes ses formes et de la cause arabo-musulmane, qui remplace un Prolétariat qui n’existe plus et qui vote Le Pen. Nous avons un exemple concret de cet islamo-communisme avec la « ceinture rouge » de Paris, tenue depuis toujours par le Parti communiste, qui aujourd’hui, après le reflux du communisme, se retrouve dans ses municipalités avec une population d’électeurs issus de l’immigration jusqu’à adopter la cause palestinienne,[2] devenue la cause de l’identité immigrée en France.

La doctrine de l’intersectionnalité a donné à cette convergence (gauche-islam) une ampleur inégalée car elle a fait de la Palestine « imaginée » et imaginaire l’équivalent général mondial des dominations et des persécutions. On tombe ainsi en plein mythe. Alain Badiou en est un bon exemple. Dans son livre sur l’universel, il endosse l’antijudaïsme de l’apôtre Paul pour condamner le communautarisme et le particularisme juif et israélien, tout en défendant le voile pour les musulmanes et en déclarant qu’il est athée (et… communiste). Une image illustre cette mystification et cette mythification : un jour je traversais la Place de la République occupée par une manifestation pour les droits handicapés et j’y ai vu un handicapé dans sa petite voiture agiter un grand drapeau palestinien… On comprend là que cet état de fait est la porte ouverte à un antisémitisme de grande puissance.

Cette confluence idéologique n’apparaît pas de manière magique : elle est portée par des groupes sociaux. Quelle est la base sociale de ces idéologies ?

Elle repose sur quatre milieux : médiatique, académique, juridique, financier, qui se ressemblent dans leur mode de fonctionnement, de professionnalisation, etc. Leur action prend la forme d’une incursion ponctuelle dans le débat public suivie d’un retrait dans des places closes et fortifiées (la sphère audio-visuelle, l’université, le tribunal, la bourse). Chacun a un levier d’action de prédilection : l’enquête d’investigation, le rapport des ONG, l’enquête scientifique, l’ordre du jour académique (la déconstruction !), la mise en examen, les « agences de notation ». En somme tout ce qui a le pouvoir de définir la réalité, le vrai, le droit, la norme et les valeurs, le droit de parler. C’est le story telling, comme ils disent, de la déconstruction / destruction. L’exercice du pouvoir de ces milieux, qui ont pris la place des « classes » d’hier dans la définition du pouvoir, se fait sous la forme de « raids » dans le domaine public, suivis de retraits dans leur citadelle, qui évite toute assomption de responsabilité. Il faut souligner que cette action ne dépend pas d’un pouvoir physique. Aujourd’hui, en effet, le pouvoir est dématérialisé, voire se dénie lui-même comme tel. « La « Vérité ! Les valeurs ! la Démocratie ! » : c’est la litanie qui accompagne en général cette intervention. L’autorité dans ces milieux découle d’une autorité collégiale et professionnelle, entre collègues et pas du tout une autorité bureaucratique. Les détenteurs du pouvoir ne sont pas contrôlés et dépendent de l’évaluation des collègues. Ils agissent sur des flux (informations, sondages, affaires judiciaires, bourse) et pas sur des territoires. Telle est la base sociale de la domination de cette idéologie.

Quel rôle y a joué la sociologie elle-même ? On trouve souvent la prétention à « lutter contre les discriminations » comme projet de recherche, ce qui semble poser un diagnostic fondé sur une moralisation avant même de procéder à l’analyse des phénomènes. Comment trouver l’équilibre entre description objective et tentation réformatrice pour la sociologie ?

La sociologie est une science réactionnaire, pourrait-on dire, et révolutionnaire à la fois. Elle vient dire à la modernité qu’elle n’est pas ce qu’elle croit être, parce que l’univers prémoderne est toujours présent en elle : « liberté égalité fraternité » ne sont pas encore à l’œuvre. Mais elle est aussi une science critique et révolutionnaire parce qu’elle désigne rationnellement ces défaillances en pouvant rendre plus efficace la concordance avec le projet moderne. Le post-modernisme, par contre vient nous dire que le projet moderne fut dès le départ défaillant et il nous invite à vivre parmi les vestiges et les ruines de la modernité. Loin d’appeler à se relever, il appelle la modernité à s’effacer, se neutraliser, se désidentifier, s’animaliser, se végétaliser, se déstructurer, ce qu’il présente comme le summum de la moralité. C’est le message d’une civilisation finissante. La morale invoquée soir et matin est la feuille de vigne de ce renoncement.

Je voudrais mentionner cependant un trait spécifique au message du postmodernisme. Un clivage structurel traverse en effet tout son discours, très révélateur de sa cible. Ce clivage s’entend dans plusieurs directions. La déshumanisation de l’homme s’accompagne de l’humanisation de la réalité (animaux, nature) ; la dépolitisation va de pair avec une pan-politisation (le sexe politique), la quête du neutre va de pair avec une revendication exacerbée d’identité ; la déterritorialisation va de pair avec la périphérisation ; le posthumain se fonde sur les droits de l’« homme »… Il y a là l’indice que ces milieux s’adressent à deux publics différents ? Ils envoient un message de toute puissance à l’élite du nouveau pouvoir (la définition performative du langage — « dire c’est faire » — en est le symbole), alors que l’appel à la déstructuration du sujet sous toutes ses formes fait miroiter aux individus massifiés une « libération » totale qui ne promettrait en fait qu’une plus puissante domination, dont on voit déjà l’effet dans le politiquement correct, l’égalité par quotas, l’empire des GAFA, etc.


[1] Cf. S. Trigano L’idéal démocratique, à l’épreuve de la Shoa, Odile Jacob, 1999

[2] Cf. En 2015, des municipalités commmunistes, Aubervilliers, La Courneuve, Bezons…, décidèrent de faire de Marwan Barghouti, un des leaders de la deuxième Intifada condamné et emprisonné pour meurtres, un citoyen d’honneur de leurs villes et de le mettre à l’honneur sur les panneaux d’affichage …

Jean Szlamowicz

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