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Lettre d’information du 26 mars 2021

Observatoire du décolonialisme et des Idéologies identitaires

Édito (par François Rastier)

Une gauche racialiste et antilaĂŻque ? Affirmer que la critique de l’islam est une atteinte contre les musulmans ou assimilĂ©s, c’est confondre toute critique de l’islamisme et mĂŞme de l’islam (ce qui relève de la libertĂ© d’opinion) avec une attaque contre des croyants : c’est lĂ  une nĂ©gation du principe mĂŞme de la laĂŻcitĂ©.   [Lire la suite]


Retour sur quelques éléments d’information

Sciences Po Grenoble, Sciences Po Strasbourg, Sciences Po Paris : dĂ©cidĂ©ment… Si Nonna Mayer est sans conteste un grand chercheur et quelqu’un qui a largement contribuĂ© Ă  faire Ă©voluer sa discipline, il est Ă©galement incontestable qu’elle a par exemple contribuĂ©, par la prudence de sa rĂ©flexion, Ă  rapporter la question de l’islamophobie dans l’enceinte respectable des droits humains. Retour sur une polĂ©mique [Lire la suite]

La liberté d’adhérer à une communauté n’est vraiment effective que subordonnée à la liberté de s’en défaire. Le droit de non-appartenance ne se juxtapose pas au droit d’appartenance : il en est la condition. Catherine Kintzler


La CNCDH, entre aveuglement volontaire et lucidité ?

On lira les remarquables analyses de Philippe d’Iribarne sur le rĂ´le jouĂ© par la CNCDH depuis 2014. Selon une vision relativement commune, la façon dont la composante majoritaire des sociĂ©tĂ©s occidentale considère l’islam ne reposerait que sur un tissu de prĂ©jugĂ©s. En France, la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme) est en pointe pour rĂ©pandre cette vision. Dans son rapport annuel, La lutte contre le racisme, l’antisĂ©mitisme et la xĂ©nophobie, elle dĂ©peint la sociĂ©tĂ© française comme hantĂ©e par une islamophobie viscĂ©rale qui affecterait sans nuances le regard portĂ© sur l’islam et les musulmans. Dans cette reprĂ©sentation, le degrĂ© d’ouverture Ă  l’égard de « l’autre » est vu comme l’alpha et l’omĂ©ga des rapports que l’on entretient avec lui. Les Français, indiffĂ©rents Ă  la manière d’être et d’agir d’autrui, rĂ©agiraient d’une manière aveugle envers ceux qui ne leur ressemblent pas. Si tel « autre » particulier est rejetĂ©, cela n’aurait rien avoir avec ce qu’il a en propre ; ce ne serait qu’une « facette » d’un rejet gĂ©nĂ©ral de « l’autre » dont « seules varient les cibles et les modalitĂ©s2 ». Une attitude gĂ©nĂ©rale de fermeture Ă  l’autre, associant l’autoritarisme3 et l’ethnocentrisme4, enfermerait dans un monde de prĂ©jugĂ©s. 


Lire le décolonialisme dans le texte ?


On lira la retranscription intĂ©grale de l’échange d’un membre de l’Observatoire avec Sandra Laugier sur le plateau de LCP : Les Propos de Sandra Laugier, LCP, « Genre, race : la dictature des identitĂ©s ? » | Ça Vous Regarde – 05/03/2021. : “je ne crois pas du tout Ă  ce que je viens d’entendre, je crois que toutes ces gĂ©nĂ©rations sont universalistes et elles considèrent que ce qui se dit universaliste est en rĂ©alitĂ© un modèle hypocrite et archi-faux. Par exemple on va dire c’est universaliste on ne fait pas diffĂ©rence entre par exemple les blancs et les noirs ou les personnes .. mais en rĂ©alitĂ© il y a d’énormes diffĂ©rences sociales, ils sont dans des situations sociales très diffĂ©rentes, exactement comme les hommes et les femmes, il y a effectivement des hommes et des femmes, personne ne va le nier”. 


Comment les sciences sociales ont fait le lit des nouvelles idéologies totalitaires ?

On peut encore lire l’article de Michel Messu, Professeur en Sociologie, intitulé Comment les sciences sociales ont fait le lit des nouvelles idéologies totalitaires. Cela a commencé avec les disciplines relevant de l’anthropo-sociologie et des sciences politiques, cela s’est poursuivi avec l’histoire et les sciences du langage, ce sont désormais toutes les disciplines enseignées dans les ex-facultés de Lettres qui se trouvent contaminées. La pensée « décoloniale », le point de vue du « genre », le « racialisme » et autres néologismes importés des campus américains dans les années 1990-2000 fournissent aujourd’hui les cadres obligés de l’enseignement dans nos universités. Ce ne sont pas là seulement des notions que l’on glisse, à titre de pensée alternative, dans un enseignement « classique », ce sont de véritables cadres de pensée dans lesquels il devient impératif d’exercer son esprit pour comprendre le monde contemporain. Au besoin, les adeptes les plus convaincus et les plus virulents de ces courants de pensée, vont agir directement pour interdire l’expression d’une pensée qui n’a pas l’heur de leur plaire ou pour inscrire dans les programmes d’enseignement leurs délires idéologiques. Et, les autorités universitaires de reculer.


Décolonialisme et idéologies identitaires représentent 25% de la recherche

Les tenants du dĂ©colonialisme et des idĂ©ologies identitaires minimisent ou nient leur existence. La montĂ©e en puissance de ces idĂ©ologies dans la recherche est pourtant flagrante et on peut la mesurer, dĂ©montrent les trois universitaires Xavier-Laurent Salvador, Jean Szlamowicz et Andreas Bikfalvi.Les Chiffres en effet sont au cĹ“ur de la problĂ©matique sur la mesure de la pĂ©nĂ©tration des thĂ©matiques dĂ©coloniales en SHS. En s’attachant au mot, on occulte l’argumentation [lien FigaroVox, article en PJ] – c’est ce Ă  quoi se sont employĂ©s quelques chercheurs qui ont publiĂ© des statistiques dont le rĂ©sultat est si petit qu’on en vient mĂŞme Ă  se demander si la sociologie n’est pas une science en danger. A les lire, on rĂ©alise que le dĂ©colonialisme n’existe pas, puisque le mot n’est pas employĂ©. A ce compte lĂ , la connerie non plus n’existe pas, puisque personne ne s’en revendique… Et un livre aussi extraordinaire que Les Blancs, les Juifs et nous ne passerait aucune mesure puisque le mot “indigĂ©nisme” n’est pas prĂ©sent dans le titre. Parler de « dĂ©colonialisme », ce n’est donc pas s’intĂ©resser au mot « dĂ©colonial » mais aux notions qui le structurent dont le vocabulaire est un reflet, mais pas seulement. La rhĂ©torique, la syntaxe, la stylistique : tout participe Ă  un ensemble qui dĂ©termine le caractère d’un Ă©crit. Par exemple, « pertinent » est un adjectif qui nous sert Ă  caractĂ©riser un essai. On dit par exemple d’un article qu’il est « pertinent » – Mais le mot « pertinent », c’est nous qui l’employons. Il n’est pas prĂ©sent dans le texte Ă©valué… C’est le propre du jugement de dĂ©gager une idĂ©e synthĂ©tique Ă  partir des mots exprimĂ©s. Et Ă  ce compte, c’est 50.4% de la recherche en SHS qui est concernĂ©e par les thĂ©matiques dĂ©coloniales. Coupons la poire en deux: c’est 25%, soit un quart, de la production en SHS qui est touchĂ©e.


« Norge, det andre Wokistan ! « 

Sur un plan international encore, on lira les réflexions que nous inspirent les multiples intrusions de chercheurs étrangers dans le débat national. La semaine dernière, c’était Angela Davis qui sommait les “chercheurs-activistes” (ce sont ces mots) de prendre son parti contre le danger de l’Universalisme républicain, cette semaine après Erdogan qui explique à la communauté musulmane de France que la Laïcité est une menace, c’est au tour d’un laboratoire norvégien spécialisé dans la lutte contre l’extrême-droite dans le Monde d’y aller de sa ritournelle contre l’Observatoire qui a osé parler de l’élection en cours au sein de l’association de Sciences Politiques. Décidément, il est des sujets tabous. Le C-Rex est en effet un centre d’étude sur l’extrême-droite norvégien. Disons les choses simplement: Anders Breivik commet son attentat en 2011; nos chercheurs créent leur centre en 2015. Il leur a fallu 4 ans pour s’apercevoir que c’était un problème. En revanche, il leur a fallu 5 jours pour réagir à la probable éviction de Nonna Mayer de la tête de la FNSP.


Les Associations intersectionnelles


Un excellent article de Charles Coutel aborde la question des associations intersectionnelles. Depuis moins de trois annĂ©es maintenant, fleurissent dans les universitĂ©s, souvent greffĂ©es Ă  des collectifs ou associations fĂ©ministes comme Nous Toutes, de nombreuses associations Ă©tudiantes se revendiquant de l’intersectionnalitĂ©. Construites sur le terreau des thĂ©ories dĂ©coloniales nĂ©cessaires Ă  la comprĂ©hension de la domination blanche et du privilège associĂ©, de jeunes Ă©tudiantes, convaincues par leurs pairs enseignants et professeurs de l’islamophobie et du racisme français, se politisent afin d’entrer dans le monde des idĂ©es. Originaires des universitĂ©s de Lyon, Marseille, Paris, elles sont exportĂ©es avec les thĂ©ories dĂ©coloniales et les enseignants chercheurs qui les portent sur tout le territoire, dans de plus petites universitĂ©s et dans ses composantes, comme dans les INSPE, censĂ©s assurer la formation des professeurs des Ă©coles et lycĂ©es de la RĂ©publique. 


Infos, actus, news
– L’Observatoire Ă©tait invitĂ© rĂ©cemment chez Élie Chouraquie, sur le plateau de L24. VĂ©ronique Taquin y discutait des enjeux des rĂ©centes problĂ©matiques: un article Ă  regarder.
– La rĂ©cente polĂ©mique sur l’islamo-gauchisme Ă  l’universitĂ© a eu le mĂ©rite de mettre sur le devant de la scène intellectuelle la question de la «militantisation» de l’enseignement et de la recherche, pour tenter un nĂ©ologisme rendu hĂ©las nĂ©cessaire par la rĂ©alitĂ© de ce qui est en train de se produire sous nos yeux: l’emprise croissante d’un militantisme dĂ©voyĂ©, qui tend Ă  transformer les salles de cours en lieux d’endoctrinement, et les publications en tracts. Nathalie Heinich revient sur ce phĂ©nomène dans La militantisation de la Recherche et ses ravages, Ă  lire ici !

Par ailleurs, un récent débat a agité la communauté scientifique anglaise, débouchant sur un rapport parlementaire concernant la question des libertés académiques et sobrement intitulé: “Y-a-til un problème ?”. Nous reprenons ici le lien vers le rapport de Sue Hubble et Joe Lewis remis au Parliament Britannique et rendu public par la House of Commons, sur les atteintes à la liberté académique en Grande-Bretagne sous le régime de l’Open Parliament Licence.


La démasculinisation et l’argent du contribuable

L’homme (opposĂ© Ă  la femme) a dĂ©cidĂ©ment mauvaise presse dans les sciences humaines et sociales. Il ne se passe pas un jour sans qu’un sĂ©minaire, une journĂ©e d’étude, un colloque ne proposent une action ou une rĂ©flexion pour « dĂ©masculiniser les sciences Â», « fĂ©miniser la recherche Â» , « fĂ©miniser les textes Â», « fĂ©miniser l’espace Â» et « dĂ©masculiniser la langue Â». Tel sĂ©minaire de recherche propose un programme diversifiĂ© sur la dĂ©construction de « l’androcentrisme Â», telle thèse soutenue en sciences du langage explique doctement que le langage est « un lieu des luttes fĂ©ministes Â» contre le pouvoir des hommes qui sont toujours dominants, et que la langue a Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment « masculinisĂ©e Â» par les mĂŞmes.

Telle autre thèse discute, sur 400 pages, les caractĂ©ristiques du regard « androcentrĂ© Â», en prenant soin de le distinguer du regard « cis-centrĂ© et hĂ©tĂ©ronome Â». Telle chercheuse de Sciences Po, forte de sa science, explique dans la presse nationale comment faire pour obliger les hommes Ă  faire le mĂ©nage. L’universitĂ© Paris 8 propose carrĂ©ment un Master d’Études sur le Genre, avec ses moyens de luttes contre la discrimination dont les femmes sont Ă©videmment victimes. Des revues entières discutent de misogynie, laquelle va de pair avec l’islamophobie, et glosent sur la « masculinitĂ© bienveillante Â» ou le « masculinisme aseptisĂ© Â» (ici).


Quoi lire encore  ?

Pour s’amuser, on regardera les contributions vidĂ©o de Joseph Ciccolini . La première, pastiche d’un film connu nous montre sous forme caricaturale un Nazisme furieux d’apprendre qu’un petit village rĂ©siste encore et toujours contre l’envahisseur. La seconde illustre avec humour la question de L’enfer du Woke et de la Cancel Culture. 
Tout le monde sait qu’encore récemment L’Enfer de Dante vient de paraître en néerlandais dans une nouvelle traduction. Le style a été adapté pour être plus accessible, notamment aux jeunes, et quelques coupes ont été faites. Ainsi le passage où figure le prophète Mahomet a été légèrement modifié “pour ne pas blesser inutilement”. Ce monde la réécriture des classiques de la littérature ou de l’Histoire illustre parfaitement dans quel camp se trouve la panique morale.
Pour rendre justice à l’écriture inclusive, ce point de maîtrise qui consacre l’apogée d’une civilisation, nous ouvrons une série d’éditions de grands textes littéraires en écriture inclusive pour rendre justice à des auteurs qui le méritent. Cette semaine, nous commençons avec un grand auteur, Pérec, et son chef-d’oeuvre incontournable sur la question du point “incis”: La Disparition.


A Lire encore pour aller encore plus loin:

Notre compte-rendu tĂ©moignage : L’essai publiĂ© par Rachel Khan aux Ă©ditions de l’Observatoire: c’est d’abord une cure salutaire contre la bĂŞtise ambiante, un peu d’air frais dans la morositĂ© ambiante et un pur cocktail de dynamisme qui fait encore espĂ©rer que la littĂ©rature puisse faire autre chose que servir la soupe Ă  des idĂ©ologies fumeuses ou Ă  des injonctions politiques. Cela ne veut pas dire que la littĂ©rature ne doive pas parler de politique, ni que la littĂ©rature doive obĂ©ir forcĂ©ment Ă  l’injonction Ă  ne rien dire, ni surtout que la littĂ©rature ne doive pas ĂŞtre militante ou autobiographique. 

“Vocabulaire flou, mĂ©thodologie contestable et cooptations: l’intersectionnalitĂ© et le dĂ©colonialisme dĂ©cryptĂ©s”

On peut encore lire à ce propos l’excellente enquête de Ronan Planchon avec notamment l’ interview de notre collègue Charles Coutel dans FigaroVox.


“Comme disait Jaurès, La RĂ©publique n’est pas une gnose; ce n’est pas un dogme. C’est une mĂ©thode. Â» Notre site laisse entendre un discours de la mĂ©thode. Nous comptons sur vous et sur votre soutien dans les combats lĂ©gitimes que nous portons. 
Les attaques contre Vincent T. Ă  Sciences Po Grenoble sont alarmantes, et la voix que nous portons est faible. 

L’équipe de l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires

Collectif

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Tribune des observateurs