Le Décolonialisme dans le Supérieur
Peut-on être militant et être chercheur ?
En aucun cas nous ne posons la question de la personne elle-même ni de son rapport personnel à la
politique ni au sens qu’elle doit donner à sa mission. Mais la question en revanche peut se poser dès lors
que l’on devient « militant-chercheur7 » et que l’on transforme son poste institutionnel pour en faire la
tribune d’une idéologie dont on peine à discerner si elle l’emporte sur la mission d’analyse. Si l’on veut
bien se rappeler ce que disait autrefois Jean-François Revel, à savoir que « l’idéologie, c’est ce qui pense
à votre place », il peut être légitime de s’interroger sur les enjeux d’une université qui se mettrait au
service d’un appareil politique.
démarche militante ? Si la liberté de chacun est totale de pouvoir s’engager sur le chemin qui lui
convient, il est revanche tout aussi nécessaire de poser la question de la sincérité et de la loyauté de la
démarche de recherche quand elle se soumet par anticipation à des objectifs militants qui lui interdisent
par définition de constater le réel, puisque ce réel ne peut être vu que par le prisme d’une grille de
lecture fournie par le dispositif idéologique et politique.
point. Il ne s’agit pas non plus de remettre en cause la légitimité des champs disciplinaires en
Littérature(s) et Sciences Humaines pas plus que de porter entraves à la souveraineté académique. Bien au
contraire, il s’agit d’acter l’étendue d’un champ d’études et de le circonscrire à la manière d’un laboureur
méthodique pour en fin de compte explorer chaque parcelle du terrain, la comprendre et en rendre
compte avec fidélité. Toute publication scientifique se soumet à la critique. Et partant de ce principe, il
ne s’agit pas non plus de remettre en cause la liberté d’expression : chacun est libre, en dehors de
l’Institution, de dire et d’écrire. Mais, dès lors que rentrant dans le champ institutionnel, chacun prend
l’habit du chercheur pour pérorer depuis sa chaire, le discours ne peut plus être le même dès lors qu’en
parlant il exprime la voix collégiale de l’Institution. En des temps heureux où les concepts sont
partagés, cela ne fait sans doute aucune difficulté. Mais lorsqu’un désaccord paraît, chacun est libre de
questionner la sincérité de la démarche objective de celui qui parle. L’Université n’étant ni une famille,
7 https ://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01354220
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