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Retranscription des entretiens de mars 2022 – Parents d’élèves scolarisés dans les zones REP ou REP+

[ Par Tarik Yildiz]

  • Kerim (54 ans, travaille dans le bâtiment) et Fatma (42 ans, mère au foyer), parents originaires de Turquie, parents d’une élève au collège XXX à YYY (A, en classe de quatrième).  
  • Ahmed (42 ans, au chômage depuis septembre 2021) et Samira (40 ans, au foyer), parents d’un élève de sixième (B) au collège XXX à YYY)
  • Fatoumata, mère célibataire de 51 ans, née au Mali habitant à YYY. Sa fille est scolarisée au classe de cinquième.

Qu’est-ce que l’école ? Qu’est-ce que cela représente ?

Kerim : « J’ai toujours dit aux enfants que l’école était très importante. C’est là où ils peuvent apprendre, ils peuvent se préparer pour avoir un bon métier, pas comme nous ! Moi je leur dis toujours qu’il faut bien travailler à l’école. Je ne peux pas les aider, je ne parle pas très bien le français mais s’ils travaillent ils pourront avoir de bonnes notes. » 

Fatma « Je dis toujours à mes enfants que mon rêve serait d’être à leur place. Nous, nous n’avons pas eu la chance d’aller à l’école longtemps. Maintenant tout le monde y va, tout le monde a le droit d’apprendre, tout le monde a le droit de faire des études. Tout le monde sait que l’école c’est le plus important, que sans ça les enfants ne pourront pas avoir un métier correct. Moi je pousse mes enfants mais ce n’est pas toujours facile parce qu’ils ne se rendent pas compte que c’est une chance »

Ahmed : « L’école normalement c’est pour apprendre des choses, avoir des diplômes, choisir un travail, gagner de l’argent sans être obligé de faire des choses trop difficiles comme j’ai fait moi quand je travaillais dans le bâtiment. L’école c’est tout ça, il faut avoir des diplômes pour être chef ou responsable ou des choses comme ça… »

Samira « Il faut bien travailler à l’école bien sûr. Je crois que tout le monde dit ça aux enfants. Mais parfois, c’est difficile de suivre les devoirs, les classes. Quand je vais aux réunions entre les parents et les professeurs, je suis souvent un peu triste. Les professeurs me disent que mon fils bavarde par exemple ou a des problèmes de comportement. Moi je lui dit que l’école est important mais je ne suis pas avec lui en classe. En classe, il y a les professeurs : je leur dis punissez le s’il fait des problèmes. C’est vous les professeurs, c’est avec vous qu’il fait des bêtises. Eux disent qu’ils peuvent pas faire à la place des parents… Mais c’est pas ce qu’on leur dit avec mon mari, juste de punir pour qu’il ne fasse plus ça et qu’il progresse. »

Sur le besoin d’autorité 

Ahmed « Moi un jour j’ai dit au professeur principal de mon fils : il faut le taper s’il ne vous écoute pas. Avec moi il écoute ! Mais le problème en France c’est qu’ils sont trop mous, ils ne savent pas punir. Ils disent juste que ce n’est pas bien. Je ne dis pas qu’il faut forcément frapper mais au moins être un peu dur. Sinon ça ne sert à rien, les enfants n’écoutent rien du tout. C’est normal : c’est des enfants ! »

Fatma : « Notre fille est sage elle ne fait pas de problème à l’école. Mais elle nous raconte : dans la classe, c’est toujours le bordel. Ils [les autres élèves] crient, ils jettent des choses en classe, ils se battent dans la cour parfois même dans la classe. Certains professeurs sont sévères, et là il n’y a pas de bruits, ils peuvent travailler. Mais d’autres n’arrivent pas à se faire respecter, et là c’est impossible de travailler. Ma fille ne me raconte pas tout mais je sais qu’elle a peut parfois quand elle voit des enfants qui sont violents comme des sauvages ! Et vous savez quoi ? Personne ne leur dit rien ou presque… Ils sont encore dans la classe, même s’ils se battent comme des animaux. Il n’y a aucune conséquence à ce qu’ils font. Ils gâchent la vie de tous les élèves et personne ne fait rien. Un jour, un élève a insulté un professeur : il y a eu un conseil de discipline et il a été exclu quelques jours. Qu’est-ce que c’est que cette punition ? Il a dû bien s’amuser, avoir des vacance sen plus, et revenir encore pire à l’école ! »

Kerim « Les enfants ne respectent pas les professeurs. Je le vois partout, même quand je passe devant le collège. Ils ne respectent pas parce que personne ne les oblige à les respecter. On leur trouve des excuses, on leur dit que ce n’est pas bien… Mais c’est tout, sans acte, sans être sévère. Je veux mettre ma fille dans une école privée mais malheureusement pour le moment son dossier n’a pas été accepté. Là-bas, si un enfant fait quelque chose d’irrespectueux il est tout de suite sanctionné ou alors il est directement viré. Le principal du collège un jour a dit qu’il ne pouvait pas virer les enfants comme ça parce que c’était transférer le problème ailleurs. Mais moi c’est ce que je veux : on a qu’a transféré les élèves qui font des problèmes dans une école spéciale, comme ça les autres seront tranquilles ! »

Sur les programmes

Samira « honnêtement, moi je ne connais rien des programmes. Je ne sais pas ce qu’ils étudient vraiment, je n’ai pas le niveau. Je fais confiance aux professeurs mais le problème c’est que ce n’est pas comme dans les bonnes écoles. Qu’est-ce qu’une bonne école ? Une école ou il n’y a pas autant de problèmes de violence, ou on fait du latin, du grec, des matières pour les meilleurs… Ici il n’y a pas tout ça ou alors ce sont des professeurs qui sont jamais présents. Une année ils ont mis du latin ou du grec je ne sais plus mais le professeur n’était jamais là. »

Ahmed : « Oui, je sais que c’est que dans les meilleurs quartiers, les meilleures écoles qu’on apprend certaines choses. Ici ils ne le font pas, ils se disent que les élèves peuvent pas apprendre, que c’est trop difficile.  Moi j’aimerais bien que les professeurs fassent augmenter le niveau, qu’on puisse être à égalité mais non, ce n’est pas le cas. Ils apprennent juste la base alors que dans les bonnes écoles ils vont plus loin, ils apprennent le français mais aussi d’autres langues, même des langues anciennes. Ils font un programme plus difficile pour les enfants et ça les fait progresser. Chez nous ils ne font pas ça… »

Fatoumata : « Au début j’aimais bien les activités de l’école, les danses, les évènements qu’ils organisaient. Mais un jour ma fille Haby m’a dit qu’ils écoutaient maître gims à l’école, un chanteur. Je lui ai dit de mettre la musique moins fort et elle m’a dit : on apprend ça en français ! Moi je suis sûre qu’ils font pas ça dans les autres écoles où il n’y a pas d’étrangers [d’élèves issus de familles immigrées). Moi je croyais qu’ils apprenaient des grandes choses, de la musique classique, un bon français et tout ça ! En fait non, c’est pour ça que les enfants ne peuvent pas aller loin ! »

Sur les religions à l’école

Fatoumata : « On parle trop de religion. Il faut laisser les gens croire ce qu’ils veulent. Moi je ne veux pas que mes enfants mangent du porc à la cantine, même le voile je comprends pas pourquoi c’est un problème à l’extérieur de l’école pour les sorties scolaires. On ne dérange personne. L’Etat es sévère sur ça mais pas sévère sur tout le reste alors que certains font n’importe quoi à l’école. Il faut d’abord punir ceux-là »

Kerim : « Je suis d’accord avec la laïcité, chacun fait ce qu’il veut chez lui et à l’école on ne parle pas de religieux. Mais par contre attention, parfois l’école fait des choses bizarres, ils peuvent apprendre aux enfants des choses que je ne veux pas. Par exemple dès la sixième ils ont parlé de l’homosexualité des choses comme ça, du mariage pour les homosexuel… Pourquoi ils parlent de ça aux enfants ? Ils sont là pour apprendre des matières. La religion ou les principes, c’est le rôle des parents de la maison, pas de l’école ! Je voulais mettre mes enfants dans une école catholique mais c’était trop compliqué de les accompagner et après c’était trop tard car ils acceptent qu’en sixième… » 

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