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Du wokisme comme arme politique

Du wokisme comme arme politique

[par Christophe Boutin]

[On lira l’article de la honte paru ans la Dépêche à l’adresse suivante:https://www.ladepeche.fr/2022/01/28/a-la-fac-de-droit-de-toulouse-le-tweet-sexiste-dun-professeur-agrege-fait-polemique-10074025.php]

Depuis 2018, la région Occitanie et Toulouse métropole ont mandaté une mission, « Objectif 2022 », soutenue par le ministère de l’Enseignement supérieur, pour fusionner la communauté universitaire locale autour du projet Université de Toulouse. Les divergences restent nombreuses, d’autres pistes sont explorées, mais le 27 janvier 2022, malgré les oppositions très nettes de certains conseils d’administration de ses composantes, le projet est validé par le conseil d’administration de l’actuelle université Toulouse 1 – Capitole.

C’est dans ces circonstances, hélas fréquentes de nos jours, du passage en force d’un projet, que le directeur de l’École doctorale droit et science politique, le professeur Joël Andriantsimbazovina, poste deux tweets : « Quand le CA d’une université ignore ostensiblement les votes exprimés par les conseils élus de plusieurs composantes dont les trois les plus importantes, cette université est en grave crise institutionnelle et démocratique. Légalité vs Légitimité », puis : « Dans d’autres circonstances, comment on appelle le passage en force quand les interlocutrices disent non ? »

Le second conduit à cette réponse de Nadia Pellefigue, vice-présidente du conseil régional en charge de l’enseignement supérieur – et donc partie prenante :

« Ce tweet est absolument honteux. Ces comparaisons hors de propos sont insultantes et méprisantes des victimes d’actes criminels. Je suis scandalisée et espère que leur condamnation sera unanime. »

Sans surprise, Hugues Kenfack, président de Toulouse Capitole, écrira que

« Ce tweet n’est pas acceptable et entièrement déplacé. Rien ne peut expliquer cette comparaison avec des personnes victimes d’actes criminels. Désapprobation totale ».

Sans surprise aussi, le journal La Dépêche relaie cette polémique sous le titre « À la fac de droit de Toulouse, le tweet sexiste d’un professeur agrégé fait polémique ».

On pourrait dire, d’abord, que rien dans le passé de Joël Andriantsimbazovina, spécialiste des libertés publiques, commentateur avisé de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, directeur du Code des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne laisse supposer chez lui la moindre complaisance à l’égard d’agresseurs criminels ou de ceux qui tiendraient des propos sexistes, et que ces attaques sont des insultes. Tout cela est vrai. Mais ce n’est pas suffisant.

On pourrait constater, ensuite, l’inquiétant appauvrissement de la langue. Le Littré donne comme première acception du mot violer : « Enfreindre, agir contre », le dictionnaire de l’Académie : « Enfreindre, porter atteinte à », et le TLF, après avoir évoqué pour définir « viol » le « Rapport sexuel imposé à quelqu’un par la violence », donne lui aussi comme seconde acception : « Manque grave de respect, transgression ». Le tweet incriminé ne fait que mettre en parallèle ces deux sens, sans comparer, sans insulter, sans mépriser.

Mais l’évidence de ce qui vient d’être dit permet enfin de voir la polémique toulousaine pour ce qu’elle est : un moyen de détourner l’attention d’une réforme que l’on accouche au forceps, en sacrifiant sur la place publique une victime dont on a altéré les propos. Il serait trop facile en effet de croire à l’erreur ou à l’aveuglement de ceux qui ont manifesté cette indignation surjouée : les réflexes devenus moutonniers du wokisme et de la cancel culture sont ici clairement utilisés au profit de projets personnels. On déstabilise un opposant à une politique, on écarte un rival à un poste, en travestissant ses propos, usant ensuite de la presse pour tétaniser l’adversaire.

Les souffrances des victimes d’actes criminels et les luttes courageuses de ceux qui les défendent contre toutes les attaques méritent mieux que de servir à de pareilles manipulations. En simplifiant la langue, au point de se refuser de voir les divers sens des mots, en jouant sur de fausses confusions, il s’agit bien ici d’interdire tout débat, toute critique, en pénalisant – au double sens du terme ! – le contradicteur que l’on veut écarter. 

Les politiques qui se livrent à de pareilles pratiques, et, plus encore, les universitaires qui les cautionnent, sapent ce faisant les fondements mêmes de nos sociétés démocratiques. Nous avons tous à y perdre collectivement si nous les laissons faire, et l’exemple de Toulouse doit être une nouvelle mise en garde.

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