Read More Les présidents français Emmanuel Macron (g) et algérien Abdelmadjid Tebboune à l’aéroport d’Alger, le 27 août 2022afp.com/Ludovic MARINLe rappel d’un ambassadeur n’est ni un geste banal, ni un geste fréquent, souligne Pierre Vermeren, historien et professeur à l’Université de la Sorbonne. L’absence des deux ambassadeurs en France est un signal très ferme adressé à la France sur sa diplomatie, ajoute ce spécialiste du Maroc contemporain et du Maghreb. La fin de la politique française de restrictions des visas pour le Maghreb, actée en décembre, avait pourtant laissé entrevoir une nouvelle ère dans les relations diplomatiques, en particulier avec le Maroc et l’Algérie.La ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna et son homologue marocain Nasser Bourita à Rabat, le 16 décembre 2022 © / afp.com/FADEL SENNALa ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, avait elle-même porté un message d’apaisement à Rabat.Une visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Maroc était alors envisagée au premier trimestre 2023.Mais un vote récent du parlement européen condamnant la dégradation de la liberté de la presse au Maroc a profondément irrité Rabat, qui a dénoncé une campagne anti-marocaine orchestrée par le parti présidentiel Renaissance à Bruxelles.On était en train de sortir d’une crise intense liée à la politique des visas et on repart à l’envers en raison d’une initiative émanant de proches du président Emmanuel Macron, a déploré Christian Cambon, président du groupe d’amitié France-Maroc au Sénat dans un entretien avec l’AFP.De fait, le voyage de M. Macron paraît d’autant plus s’éloigner que le royaume chérifien n’a plus d’ambassadeur à Paris et qu’aucun remplaçant n’a été encore désigné.Pourtant, à l’Elysée, on assure continuer à travailler à la visite du président français au Maroc et on dément toute crise entre les deux pays.Au Quai d’Orsay, on loue un partenariat d’exception.Au delà de la résolution parlementaire européenne, sont apparues d’autres pommes de discorde: allégations de réseaux et trafic d’influence marocains, soupçons d’espionnage (Pegasus), etc.Enfin et surtout, Rabat s’impatiente car Paris ne semble pas enclin à bouger les lignes sur l’épineux dossier du Sahara occidental. La chose primordiale pour Rabat, qui englobe tout le reste, est que la France reconnaisse la souveraineté marocaine sur le Sahara, à l’instar des Etats-Unis et de l’Espagne, rappelle Pierre Vermeren.- Capharnaüm géopolitique -De son côté, Zakaria Abouddahab, professeur de relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat, analyse ce coup de froid à l’aune d’un nouveau cycle de relations bilatérales avec son lot de recompositions, de reconfigurations et de repositionnement.Le discours rassurant du Quai d’Orsay a eu le mérite de remettre un peu d’ordre dans ce capharnaüm géopolitique, relève-t-il, mais cela reste insuffisant pour remettre sur les rails le partenariat franco-marocain.D’autant que les liens entre Paris et Rabat restent étroitement liées à la politique de Paris envers l’Algérie.Sur ce point, Emmanuel Macron s’est montré déterminé à réchauffer les relations franco-algériennes.Mais ce rapprochement reste fragile. Comme le montre l’affaire de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui, rapatriée récemment en France alors qu’elle était en situation irrégulière en Tunisie. Alger a fustigé une exfiltration illégale et rappelé son ambassadeur.Cette semaine, la porte-parole du Quai d’Orsay a assuré que Paris continuait à travailler à l’approfondissement de sa relation avec l’Algérie, comme pour maintenir le cap coûte que coûte.- Phase critique -Aux côtés des partisans de la normalisation des relations avec la France, il y a une ligne dure anti-française qui s’est vivement exprimée, explique Pierre Vermeren. Celle-là même qui s’est rapprochée de la Russie.Nous pouvons compter sur les Russes pour accentuer la brouille comme ils le font partout en Afrique, opine-t-il.L’incident est-il susceptible de remettre en cause la visite du président algérien prévue en mai en France ?Sur les réseaux sociaux ont fleuri des appels à annuler le déplacement d’Abdelmajid Tebboune. Pour autant, aucune déclaration des autorités ne le suggère à ce stade.Visite ou pas, la relation de la France avec les pays du Maghreb est dans une phase durablement critique, poursuit Pierre Vermeren.Pour Zakaria Abouddahab, le professeur de Rabat, la seule manière de sortir de ce casse-tête diplomatique est de cesser d’apprécier les relations entre le Maroc et la France à l’aune des rapports avec l’Algérie.Mais pour l’heure, c’est une véritable gageure, reconnaît-il. Rivales régionales, Alger et Rabat sont à couteaux tirés depuis des années. Le seul moyen de s’en sortir serait d’avoir une diplomatie européenne mais il n’y en a pas et chaque pays tire la couverture à lui, abonde Pierre Vermeren. C’est catastrophique, d’autant que l’on est dans un contexte extraordinaire de crises qui s’enchaînent depuis un an avec la guerre en Ukraine, met-il en garde.
Les présidents français Emmanuel Macron (g) et algérien Abdelmadjid Tebboune à l’aéroport d’Alger, le 27 août 2022
afp.com/Ludovic MARIN
Le rappel d’un ambassadeur n’est ni un geste banal, ni un geste fréquent, souligne Pierre Vermeren, historien et professeur à l’Université de la Sorbonne.
L’absence des deux ambassadeurs en France est un signal très ferme adressé à la France sur sa diplomatie, ajoute ce spécialiste du Maroc contemporain et du Maghreb.
La fin de la politique française de restrictions des visas pour le Maghreb, actée en décembre, avait pourtant laissé entrevoir une nouvelle ère dans les relations diplomatiques, en particulier avec le Maroc et l’Algérie.
La ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna et son homologue marocain Nasser Bourita à Rabat, le 16 décembre 2022
© / afp.com/FADEL SENNA
La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, avait elle-même porté un message d’apaisement à Rabat.
Une visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Maroc était alors envisagée au premier trimestre 2023.
Mais un vote récent du parlement européen condamnant la dégradation de la liberté de la presse au Maroc a profondément irrité Rabat, qui a dénoncé une campagne anti-marocaine orchestrée par le parti présidentiel Renaissance à Bruxelles.
On était en train de sortir d’une crise intense liée à la politique des visas et on repart à l’envers en raison d’une initiative émanant de proches du président Emmanuel Macron, a déploré Christian Cambon, président du groupe d’amitié France-Maroc au Sénat dans un entretien avec l’AFP.
De fait, le voyage de M. Macron paraît d’autant plus s’éloigner que le royaume chérifien n’a plus d’ambassadeur à Paris et qu’aucun remplaçant n’a été encore désigné.
Pourtant, à l’Elysée, on assure continuer à travailler à la visite du président français au Maroc et on dément toute crise entre les deux pays.
Au Quai d’Orsay, on loue un partenariat d’exception.
Au delà de la résolution parlementaire européenne, sont apparues d’autres pommes de discorde: allégations de réseaux et trafic d’influence marocains, soupçons d’espionnage (Pegasus), etc.
Enfin et surtout, Rabat s’impatiente car Paris ne semble pas enclin à bouger les lignes sur l’épineux dossier du Sahara occidental.
La chose primordiale pour Rabat, qui englobe tout le reste, est que la France reconnaisse la souveraineté marocaine sur le Sahara, à l’instar des Etats-Unis et de l’Espagne, rappelle Pierre Vermeren.
– Capharnaüm géopolitique –
De son côté, Zakaria Abouddahab, professeur de relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat, analyse ce coup de froid à l’aune d’un nouveau cycle de relations bilatérales avec son lot de recompositions, de reconfigurations et de repositionnement.
Le discours rassurant du Quai d’Orsay a eu le mérite de remettre un peu d’ordre dans ce capharnaüm géopolitique, relève-t-il, mais cela reste insuffisant pour remettre sur les rails le partenariat franco-marocain.
D’autant que les liens entre Paris et Rabat restent étroitement liées à la politique de Paris envers l’Algérie.
Sur ce point, Emmanuel Macron s’est montré déterminé à réchauffer les relations franco-algériennes.
Mais ce rapprochement reste fragile. Comme le montre l’affaire de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui, rapatriée récemment en France alors qu’elle était en situation irrégulière en Tunisie. Alger a fustigé une exfiltration illégale et rappelé son ambassadeur.
Cette semaine, la porte-parole du Quai d’Orsay a assuré que Paris continuait à travailler à l’approfondissement de sa relation avec l’Algérie, comme pour maintenir le cap coûte que coûte.
– Phase critique –
Aux côtés des partisans de la normalisation des relations avec la France, il y a une ligne dure anti-française qui s’est vivement exprimée, explique Pierre Vermeren. Celle-là même qui s’est rapprochée de la Russie.
Nous pouvons compter sur les Russes pour accentuer la brouille comme ils le font partout en Afrique, opine-t-il.
L’incident est-il susceptible de remettre en cause la visite du président algérien prévue en mai en France ?
Sur les réseaux sociaux ont fleuri des appels à annuler le déplacement d’Abdelmajid Tebboune. Pour autant, aucune déclaration des autorités ne le suggère à ce stade.
Visite ou pas, la relation de la France avec les pays du Maghreb est dans une phase durablement critique, poursuit Pierre Vermeren.
Pour Zakaria Abouddahab, le professeur de Rabat, la seule manière de sortir de ce casse-tête diplomatique est de cesser d’apprécier les relations entre le Maroc et la France à l’aune des rapports avec l’Algérie.
Mais pour l’heure, c’est une véritable gageure, reconnaît-il. Rivales régionales, Alger et Rabat sont à couteaux tirés depuis des années.
Le seul moyen de s’en sortir serait d’avoir une diplomatie européenne mais il n’y en a pas et chaque pays tire la couverture à lui, abonde Pierre Vermeren.
C’est catastrophique, d’autant que l’on est dans un contexte extraordinaire de crises qui s’enchaînent depuis un an avec la guerre en Ukraine, met-il en garde.
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