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Le Catéchisme français républicain (1793)

Le Catéchisme français républicain (1793)

Xavier-Laurent Salvador

Linguiste, Président du LAIC

[par Xavier-Laurent Salvador]

Nos concitoyens se posent beaucoup de questions sur la citoyenneté, la République. Que disaient les fondateurs de l’école républicaine ? Ces prêtres apostats emmenés par Étienne Bias Parent à proposer les premières écoles, quelque part dans le nivernais… On a ici l’édition du catéchisme de 1793 qui illustre le dialogue entre D, le Demandant (le professeur) et R, le Répondant (l’élève).

CATHÉCHISME FRANCAIS, RÉPUBLICAIN

En parcourant les annales du monde, on seroit tenté de croire que l’homme n’a été placé sur la terre que pour y devenir la proie du mensonge et de l’imposture. Partout les prêtres lui ont prêché une doctrine absurde,extravagante, meurtrière; et si les lumières de la philosophie ne fussent pas venues dissiper les épaisses ténèbres, dont depuis des milliers siècles, la superstition a couvert le globe, nous livrerions encore nos biens aux ministres des cultes, soit par crainte des peines de l’enfer, soit par celle de la métempsychose. 

Ces rêveries sont enfin dissipées, et le républicain, qui ne prodigue son encens qu’au Dieu de la Liberté, ne fléchit pas le genou devant les idoles du vice et de l’hypocrisie: le génie de la Liberté éclaire l’esprit autant qu’il élève l’âme et forme le coeur. Ce changement subit, qui s’est fait dans nos maximes politiques, exige une nouvelle éducation. Il est temps qu’on apprenne aux enfants ce qu’ils ont à faire en ce monde; après avoir employé plusieurs siècles à les instruire des chimères de l’autre. Tel est le but de ce petit Cathéchisme ; et s’il est éloigné d’atteindre au but qu’un homme libre doit se proposer, il est au moins plus raisonnable que celui que nos curés de village mettoient autrefois sous les yeux des enfans.

  1. Les sociétés
  2. Les Gouvernements
  3. La Religion
  4. Les Vertus sociales

CHAPITRE I
Des sociétés en général

D. Q’entendez-vous par société politique?

R. J’entends un rassemblemen d’hommes, réunis sur une étendue quelconque de terrein, pour leur protection mutuelle et la défense de leurs propriétés.

D. Quelle est l’origine des sociétés?

R. Elles remontent au berceau même du monde ; car dès qu’il y eut deux individus sur la terre, ils se rapprochèrent pour opposer une résistance efficace aux animaux malfaisans qui les environnoient.

D. Quelle est la plus ancienne société politique de la terre?

R. Je l’ignore. Tous les peuples de l’antiquité ont eu la fatuité de se dire les plus anciens peuple du globe, et ils n’ont pas négligé d’enrichir de nombreux prodiges l’histoire de leur antique origine ; mais leur prétentions ne sont fondées sur aucune preuve; car l’usage de l’écriture qui nous transmet les événements, est vraisemblablement postérieur de plusieurs milliers d’années à l’origine du monde.

D. Quel âge croyez-vous qu’ait le monde?

R. Je n’en sais assurément rien, et je n’ai aucun intérêt à approfondir un sujet qui ne présent qu’incertitude et obscurité.

D. Mais n’avons-nous pas des livres qui nous l’apprennent ?

R. Il est en effet quelques écrivans qui se sont avisés de balbutier des fables sur ce point  ; mais il faut etre aussi fous, aussi imbecilles que nous l’avons été pendant plusieurs milliers de siècles, pour croire aux rêveries qu’ils ont (i)maginées sur l’origine du monde et sur son antiquité.


CHAPITRE II
Des gouvernemens

D. Quel est le plus ancien des gouvernemens qui sont actuellment en activité.

R. Je n’en sais rien, et les plus savans docteursn’en savent pas plus que moi.

D. Quel est le meilleur des gouvernemens?

R. Celui où le peuple est à sa place, le républicain.

D. Qu’entendez-vous par gouvernement républicain?

R. J’entends celui qui a pour base la souveraineté du peuple.

D. Qu’entendez-vous par le mot peuple ?

R. Les tyrans entendent par là un amas de malheureux, placés sur la terre pour leurs capricese ; mais dans les gouvernemens libres, on range dans cette classe honorable tous mes citoyens, quelle que soit leur naissance ou leur dignité.

D. Quels sont ceux qu’on appelle en France citoyens .

R. « Tout homme né et domicilié en France, agé de 21 ans accomplis, tout étranger agé de 21 ans accomplis, qui domicilié en France depuis une année, y vit de son travail ou acquiert une propriété, ou épouse une Française, ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard; tout étranger enfin qui sera jugé par le corps législatif avoir bien mérité de l’humanité, est admis aux droits de citoyen français. »

D. Comment se perd en France, l’état de citoyen ?

R. « L’exercice des droits du citoyen se perd, par la naturalisation en pays étranger, par l’acceptation de fonctions ou faveurs émanées d’un gouvernement non populaire; et par la condamnation à des peines infamantes ou afflictives jusqu’à réhabilitation. »

D. Comment l’exercice des droits de citoyen peut-il etre suspendu?

R.  «  Par l’état d’accusation, etpar un jugement de contumace, tant que le jugement n’est pas anéanti »

D. Vous dites que la volonté du peuple est le fondement du gouvernement républicain ; mais, comment le peuple peut-il donc manifester sa volonté?

R. Le peuple manifeste sa volonté par les loix qu’il fait par l’organe de ses représentants. Ainsi, dans un gouvernement républicain, le peuple s’assemble par canton, et nomme ses mandataires, qui, réunis en assemblée générale, font les loix, que le peuple a ensuite le droit de discuter dans ses assemblées primaires, de les rejetter ou de les approuver.

D. De quelle manière s’exerce en France la souveraineté du peuple?

R. « Le peuple Français est distribué, pour l’exercice de sa souveraineté, en assemblées primaires de canton ; et il est distribué pour l’administration et pour la justice en départemens, districts  et municipalités. »

D. Est-il quelqu’un dans la société qui ait le droit de se soustraire à l’empire des loix?

R. Personne ; et c’est l’un des principaux caractères qui distingue les gouvernemens libres.

D. Dans un état républicain, quelqu’un n’est-il pas chargé spécialement de l’exécution des loix ?

R. Oui, ce sont des ministres choisis par le peuple ou par ses représentans.

D. Quels sont les ministres dans la république Française?

R. Nos ministres ne sont pas isolés comme la plûpart des cours de l’Europe. La constitution les a établis en une espèce de corps, sous le titre de Conseil exécutif. L’assemblée électorale de chaque département nomme un candidat ; et le corps législatif choisit sur la liste générale les membres du Conseil.

D. Quelles sont les obligations des divers membres de ce Conseil ?

R. Ils n’en ont qu’une ; celle de faire exécuter les loix, chacun dans son département. Ils répondent sur leur tête de toutes les prévarications qu’ils auroient pu éviter.

D. Notre constitution n’a-t-elle pas une disposition sur ce sujet?

R. Oui, sans doute. Voici comment elle s’exprime : « Le Conseil  est responsable de l’inexécution des loix et des décrets, et des abus qu’il ne dénonce pas. »

D. lorsqu’un citoyen est opprimé dans sa personne ou dans ses propriétés, a-t-il le droit de se plaindre?

R. Oui, sans doute; et c’est pour cela que la constitution lui assure le droit de pétition. « Ce droit, dit le code national, ne peut-être suspendu ou limité. »

D. A qui doit-il s’adresser en pareil cas ?

R. A toutes les autorités constituées ; et si elles négligent de faire droit à ses réclamations, il a le droit de recourir au corps législatif.

D. S’il arrivoit que le gouvernement violât les droits du peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. A quels caractères connoît-on l’oppression?

R. il y a oppression contre le corps social, lorsqu’un seul de ses membres est opprimé: il y a oppression contre chaque membre, lorsque le corps social est opprimé.


CHAPITRE III
De la Religion .

D. Qu’entendez-vous par religion.

R. j’entends la haute opinion que l’homme a de son être, et la reconnoissance qu’il doit à l’Être suprême pour les bienfaits dont il l’a comblé.

D.Quel est le principal devoir prescrit par la religion?

R. D’être honnête homme.

D. A quels traits reconnoissez-vous un honnête homme?

R. Celui qui obéit scrupuluseusement aux loix de son pays, et qui ne fait à autrui que ce qu’il voudroit qu’on lui fît, est assurément un honnête homme.

D. La Divinité exige-t-elle un culte public et bruyant ?

R. Je ne le crois pas ; aussi la plûpart des momeries religieuses qui ont parcouru le monde, depuis plusieurs siècles, ont-elles été inventées par les prêtres, dont le crédit a toujours été fondé sur la superstition.

D. Mais enfin, quel culte public pourroit le mieux convenir à la Divinité ?

R. Le travail ; car la fainéantise est de tous les vices celui qui déplaît le plus à l’Etre suprême.

D. Mais, croyez-vous qu’il y ait un Dieu ?

R. Oui, assurément ; et s’il étoit quelqu’un qui osât nier son existence, qu’il jette les yeux sur le ciel, la terre, la mer, sur tout ce qui l’environne, et qu’il prononce.

D. Quelle  religion convient le mieux à l’homme ?

R. Toutes sont égales aux yeux du sage, pourvu que leur morale et leur doctrine soient conforme aux loix de l’Etat.

D. Les prêtres sont-ils nécessaires?

R. Ils ne sont pas même utiles. En général, ils ont fait beaucoup plus mal que de bien ; et chacun pouvant adorer Dieu comme bon lui semble, il seroit ridicule d’exiger de lui qu’il confiât à un autre le soin de faire ce que lui-même peut exécuter.

D. Est-il nécessaire qu’il y ait des temples?

R. Cette institution-là est fort indifférente ; mais, en laissant à chaque culte le soin d’organiser à sa manière ; les diverses sectes peuvent prendre sur cela le parti qui pourra leur convenir le mieux.


CHAPITRE IV
Des vertus sociales . 

D. Quelles sont les vertus du républicains ?

R.Celles de l’homme libre, l’obéissance aux loix, et la ferme résolution de ne faire à autrui que ce qu’on voudroit qu’on nous fît.

D. N’est-il pas une vertu républicaine, plus éminente encore, et qui n’est pas comprise dans ces deux préceptes ?

R. Oui, c’est la charité, vertu propre à l’homme libre, dont le christianisme s’est approprié la découverte, et qui existoit à Athènes, à Rome et à Lacédémone surtout, et dans toutes les anciennes républiques, longtemps avant son institution.

D. Qu’entendez-vous donc par la charité ?

R. J’entends l’empressement d’un citoyen à secourir cordialement un malheureux, à le soulager dans sa misère, et à le consoler dans ses adversités.

D. Quels sont les sentimens qu’un homme libre doit avoir pour mes vieillards?

R. La plus profonde vénération.

D. Quels sont les sentimens qu’un homme doit avoir pour son épouse ?

R. Ceux qu’une épouse doit avir pour son mari ; car entre le mari et la femme, les droits sont réciproques; c’est la tendresse, la décence, les égards et la condescendance pour ses foiblesses.

D. Quels sont les sentimens d’un enfant envers ses père et mère?

R. le plus profond respect ; car la piété filiale ne connoît d’autres bornes que celles que peuvent lui prescrire les loix, pour l’intérêt de la patrie; et s’il étoit jamais un fils dans la république, qui osât outrager ce beau sentiment, il n’est pas de châtimens assez sévères pour expier une telle faute.

D. Les pères et mères ne doivent-ils rien à leurs enfans ?

R. Ils leur doivent beaucoup ; la subsistance et l’éducation. Celle-ci sur-tout leur impose de très grands devoirs.

D. Quels sont les sentimens qui doivent unir les frères et soeurs ?

R. Ceux de la franchise, de l’union et de la cordialité.

D. Quels doivent être les sentimens du citoyen envers ses magistrats ?

R. Les mêmes que ceux d’un fils à l’égard de ses père et mère: respect, soumission, obéissance.

D. N’est-il pas encore, dans une république, des citoyens qui méritent d’être distingués ?

R. Oui, ce sont ceux qui ont bien mérité de la patrie, soit par leurs exploits à l’armée, soit par leurs lumières et leur patriotisme, dans les différens postes de la république.

D. Quelle est la base de l’éducation française  ?

R. Ce sont les Droits de l’Homme et la Constitution.


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