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Le « colonialisme », cet autre virus qui frappe la France…

Le « colonialisme », cet autre virus qui frappe la France…

Xavier-Laurent Salvador

Linguiste, Président du LAIC

[par Xavier-Laurent SALVADOR]
Originellement publié sur le site du Point

Saviez-vous que Socrate avait des gens dans le pif ? On les appelait des « sophistes ». Il les combattait, et ces derniers l’ont tué. La raison pour laquelle ils étaient détestables était simple: ils développaient des raisonnements dont la logique n’était pas tournée vers le service de la vérité – la vraie science – mais par le souci de convaincre l’auditoire, leur cause fût-elle un mensonge. Ils incarnent depuis ces temps l’imposture puisqu’ils se paraient des apparences du discours savant, mais n’avaient aucune ascèse morale qui les guidait. Certains prétendaient que les mots de la langue étaient motivés, liés à la chose qu’ils désignaient. Depuis ce temps-là, on sait que c’est une ânerie. 

Or on s’étonne à peine de lire sous la plume de G. de Lagasnerie dans La Conscience politique que: « Si on en arrive au masculin de « fauteuil», plus rien de métaphorique, […] je ne vois pas quoi que ce soit qui puisse être pris pour mâle dans un siège à bras […] Sans rapport ? A mon sens il y a bien un rapport: celui d’une certaine sorte de poids ou d’importance ». 

On dit « métaphorique », « à mon sens », « celui d’une certaine sorte de »; on publie des livres, on dit « Je ». Tout ça connote son savant. Mais en réalité, c’est Socrate qu’on assassine une deuxième fois.

Rappelons-le: la juxtaposition de mots scientifiques ne construit pas le discours scientifique. Comme un enfant qui met bout-à-bout les mots « vaccins », « endorphines » et « thrombocalcinose » est sans doute admirable pour sa mémoire mais ne mérite pas tout de suite le titre de docteur qu’il revendique, il en est certains aujourd’hui qui ânonnent des mots savants et jouent les docteurs d’une maladie imaginaire puis réclament le titre de docteur. 

Le mot « décolonialisme » qui a pénétré les revues universitaires, les agences de financement européennes et françaises est un mot fascinant: il implique que le « colonialisme » est un mal moderne dont tout le monde admet qu’il frappe la France. Vous, moi : sommes-nous d’accord ? Pourtant, ce sont nos impôts qui les financent. 

Et sur ce mot admis, on peut évidemment fonder une science qui le combat farouchement. Un peu comme si aujourd’hui la médecine disparaissait au profit d’une multitude de nouvelles sciences qui s’appelleraient « sciences du Remdesivir », « science de la Chloroquine », « science de l’Aspirine ». Et que les médecins français étaient sommés de se taire pour laisser parler les vrais spécialistes qui, par le plus grand des hasards, se mettraient tous à jargonner dans la langue anglaise (qui n’est pas coloniale, n’est-ce pas ?). Il n’y aurait plus d’études mais des studies. On ne parlerait plus de « riposte » mais de counter-speech, etc.

Transposée aux sciences sociales, cette maladie: c’est le colonialisme qui vous frappe; le malade: c’est vous et moi. En un mot: notre République. Et les symptômes: c’est la langue française, son école, ses Institutions toutes mourantes d’être « racistes », « oppressives » et « stigmatisantes » pour les « identités alternatives » à celle de « citoyen ». Le remède est simple: refuser sa citoyenneté, c’est se libérer d’un mal profond. Répudier la République, c’est se sentir mieux. Nier la grammaire, c’est exprimer le vrai français. S’affranchir de la laïcité, c’est en fait libérer l’Humanité d’un mal profond. Bref: le remède est une resucée occidentale de la théologie de la libération…en moins bien.

Le décolonialisme part d’un aphorisme simple: toute affirmation « tu es » procède d’une grille de lecture culturelle liée à un « Je » qui reflète en miroir l’opinion majoritaire de cette culture. Majoritaire, donc normative. Normative ? Donc oppressive. Et l’oppression, c’est mal. Soit le « Je » y adhère, soit au contraire il s’y soumet. Marabout, bout-de-ficelle, selle-de-cheval…

Ce mécanisme qui consiste à affronter la norme pour s’en affranchir n’a rien d’un mal-être adolescent. C’est une mécanique subversive bien connue qui vise à libérer les âmes d’une culpabilité émotionnelle, originelle dont il faudrait tomber le masque. En l’occurrence, l’expiation collective en occident en 2021 est un « décolonialisme » de l’esprit reposant sur un aphorisme simple:

Coloniser c’est mal.

Or éduquer: c’est coloniser les esprits.

Donc éduquer c’est mal.

Ce colonialisme existe selon ces gens à tous les niveaux d’une société: au niveau micro-local où les rapports de force sont soutenus par une vision condescendante du colon pour le colonisé; au niveau démocratique où le colon impose sa grille politique; au niveau scolaire, où le colon impose sa vision de l’histoire; au niveau mondial, où le colon impose sa vision de l’économie. 

Cheval-de-course, course-à-pied… Et cahin-caha, les mots du discours imposent les sophistes, ces âmes damnées, aux manettes de l’Université, de la formation des enseignants et des citoyens de demain en leur fournissant les mots du discours qui justifient tous les séparatismes.

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