Depuis plus d’un an, le collectif des Hijabeuses attaque la Fédération Françaises de Football pour obtenir le droit de porter le hijab lors de compétitions. La FFF s’y est refusée. Les Hijabeuses ont trouvé un soutien juridique et logistique auprès d’une association activiste, Alliance Citoyenne, à l’origine de l’affaire du burkini. Et l’affaire a été portée devant les juges du Conseil d’Etat.
Une association LGBT, Les Dégommeuses, s’y est jointe. Et la Ligue déboussolée des Droits de l’Homme a emboité le pas, abjurant au passage son attachement aux valeurs républicaines.
Les médias ont créé le storytelling nécessaire. L’histoire est belle : des jeunes filles portant le hijab revendiquent la liberté de jouer au foot. Eurosport1 réalise un docu-fiction, “The inspiring story of the French football team Les Hijabeuses”, au son d’un piano mélancolique, de portraits vidéo sans parole au flou moderne, et déroule en 3 mn une histoire “inspirante”. La FFF briserait la carrière potentiellement extraordinaire de ces jeunes joueuses en leur interdisant de jouer au foot. La France serait “bloquée” par son obsession de la laïcité, comprendre ringarde. D’ailleurs, ce ne serait pas une question religieuse, ni politique, se serait une question de liberté individuelle…
Quelques larmes compassionnelles plus tard, l’avis du rapporteur du Conseil d’Etat tombe. Il est favorable aux Hijabeuses, au titre de la laïcité justement. On imagine claquer les bouchons de Champomy jusqu’à ce que le Conseil d’Etat annonce sa décision finale. Non, les Hijabeuses n’auront pas gain de cause. Le rapporteur a en effet mal analysé la situation (à quoi sert-il ?) : la question de la laïcité n’est pas en jeu. C’est la notion de neutralité qui donne raison à la Fédération Française de Football. La neutralité est exigée pour jouer au football : pas de signe distinctif, si ce n’est l’uniforme de son équipe. Aucun élément religieux, ethnique, politique n’est autorisé en vertu de l’exigence de neutralité. Cette valeur est en effet la condition essentielle pour qu’aucun conflit, aucune valeur autre que celles du sport, ne viennent perturber le plaisir d’être ensemble et de jouer. D’ailleurs, la notion de neutralité est inscrite à tous les étages du sport, notamment dans la Charte Olympique elle-même à l’article 50.
La FFF n’était défendue que par une seule association : la Ligue du Droit International des Femmes (LDIF), fondée par Simone de Beauvoir. Nous avons interviewé sa présidente, Annie Sugier (voir notre nouvelle rubrique de vidéos en ligne). Elle raconte précisément comment la revendication du port du Hijab dans le sport est une demande expresse de l’Iran depuis les années 1990. “Vous voyez, précise Annie Sugier, que cette stratégie, née en 1990 en Iran, est reprise par les réseaux « femmes et sport » qui sont dans le relativisme culturel, reprise par les fédérations sportives, reprise par les ministres des Sports, et finalement reprise par les Nations Unies. Donc on peut suivre cette logique d’une, encore une fois, stratégie intelligente.” Ça fait 50 ans de lobbying… “Où étaient les Français ?”, s’interroge Annie Sugier…
Alors, “on a gagné !” avons-nous envie d’entonner. Pas si sûr. “Je pense qu’il va y avoir d’autres tentatives. On a en face de nous des gens, encore une fois, qui ont compris l’importance des enjeux autour du sport, surtout dans la perspective des Jeux olympiques. C’est un lieu de prosélytisme évident qui s’adresse à la jeunesse”, explique Annie Sugier.
En réalité, on peut craindre que le mal soit fait. Pourquoi ? La stratégie identitariste a mis au point une stratégie “win-win” : soit elle gagne auprès du Conseil d’Etat, et renverse littéralement les règles pour l’ensemble des fédérations sportives. Soit elle perd, mais a eu le temps de distiller dans tous les médias, nationaux, internationaux, mais surtout dans les réseaux sociaux 2 auprès de la Génération Z son message victimaire compassionnel.
La GenZ ne lit pas les journaux, ni papier ni en ligne. Ses sources d’informations sont YouTube et TikTok. YouTube est d’ailleurs le second moteur de recherche au monde juste derrière Google Search. En juillet dernier, Prabhakar Raghavan, senior vice-président de Google, déclarait 3 même : “d’après nos études, près de 40 % des jeunes, lorsqu’ils cherchent un endroit pour déjeuner, ne vont pas sur Google Maps ou Search. Ils vont sur TikTok ou Instagram.” Les activistes sont déjà très présents sur ces médias et publient quotidiennement des messages revendiquant un identitarisme racialiste, ethnique ou religieux. Ce qui est refusé aux Hijabeuses sera sans doute compris par les plus jeunes comme une action coercitive fomentée par de vieux conservateurs à cheval sur leurs principes d’un autre siècle.
A nous de faire passer un autre message : le refus de l’identitarisme, et son corollaire qu’est la laïcité, sont l’avenir du XXI° siècle.