[Nous reprenons le texte de la lettre publiée sur Vox mardi 21 décembre]
Madame la Ministre,
La situation à l’IEP de Grenoble et les poursuites engagées contre notre collègue Klaus Kinzler démontrent, s’il en était besoin, que la liberté d’expression des universitaires, de même que leur liberté académique dans le cadre de leur enseignement et de leur recherche, libertés dont vous êtes la première garante, sont en péril dans notre pays.
Depuis quelques années un courant militant -et se revendiquant comme tel- cherche à imposer, dans de nombreux établissements d’enseignement supérieur, en particulier dans le domaine des sciences sociales, un discours exclusif. Or c’est une chose d’accueillir de nouveaux champs d’études et de nouveaux paradigmes ; c’en est une tout autre de leur laisser acquérir une domination voire une hégémonie institutionnelle, alors même que leur pertinence scientifique fait l’objet, comme vous le savez, d’un intense débat intellectuel.
Vous vous étiez vous-même émue de l’extension dans l’Université de ce que vous avez nommé « l’islamo-gauchisme » – qui est l’une des manifestations de ces dérives – et aviez annoncé un rapport sur ce sujet en février de cette année. Force est de constater que, près d’un an plus tard, ce rapport, sans cesse promis et sans cesse reporté, n’a toujours pas vu le jour.
De même, nous attirons votre attention sur le rapport de l’Inspection générale que vous avez missionné à l’IEP de Grenoble, relevant qu’ « au terme de ses travaux, il ne fait pas de doute[…] que ce sont les accusations d’islamophobie qui sont la cause de la grave détérioration du climat de l’IEP » (p. 2) et « qu’un climat de peurs’était installé depuis plusieurs mois parmi les étudiants de l’IEP du fait de cette utilisation par l’U[nion] S[yndicale] d’accusations (graves, puisqu’il s’agit de délits, voire de crimes tels que le viol) diffusées sur les réseaux sociaux contre tous ceux qui ne lui semblent pas partager ses positions » (p. 3). Or, il s’avère que la personne désormais poursuivie est celle là-même qui a alerté sur ces agissements et qui, nous vous le rappelons avec gravité, est menacé de mort pour une prétendue « islamophobie » : notre collègue Klaus Kinzler. Et ce, au rebours des traditions de l’université française comme de la jurisprudence de la CEDH.
De même, force est de constater que, malgré des circulaires précises du premier Ministre et du Ministre de l’éducation nationale, l’écriture dite « inclusive », elle aussi fort contestée, tant sur le plan linguistique que pédagogique, n’en est pas moins de règle dans les correspondances administratives au sein de nombreux établissement et du Ministère lui-même, notamment à travers certains de ses organismes de formation et de ses Rectorats.
Dans ce contexte, où la liberté d’expression est menacée par des sanctions disciplinaires, voire pénales ; où le pluralisme de l’enseignement et de la recherche est contrecarré par des manœuvres d’intimidation, et donc par l’autocensure croissante de nos collègues, en particulier des plus jeunes, puisque leur carrière en dépend ; où le triomphe d’une idéologie s’opère par la captation des fonds publics français et européens sous couvert « d’appels à projets », et des nominations sous couvert de « diversité » ; où, enfin, un nombre croissant d’étudiants font part de leur inquiétude devant ce qu’ils ressentent comme une entreprise de formatage et de propagande, notre question est simple : que comptez-vous faire précisément, Madame La Ministre ?
Michel Albouy, professeur émérite en sciences de gestion, Université Grenoble Alpes
Claudine Attias-Donfut, sociologue
Sami Biasoni, essayiste, docteur en philosophie
Chantal Bosse, Licra, Neuilly-la-Défense
Christophe Boutin, professeur de droit public, Université de Caen-Normandie
Jean-François Braunstein, professeur de philosophie, Université Paris 1 Sorbonne
Florence Bergeaud-Blacker, Chargée de recherche, CNRS
Pascal Bruckner, essayiste et philosophe
Guylain Chevrier, Formateur en travail social et enseignant
Joseph Ciccolini, professeur des Universités – Praticien Hospitalier
Charles Coutel, Philosophe
Albert Doja, professeur d’anthropologie, Université de Lille
Jean Dupèbe, professeur émérite des Universités(littérature française), Paris-Ouest-Nanterre)
Michel Erman, Professeur de langue et littérature françaises, Université de Bourgogne
Renée Fregosi, philosophe et politologue
Michel Fichant, Professeur émérite, Sorbonne Université
Laurent Fedi, université de Strasbourg
Monique Gosselin-Noat, professeur émérite de littérature
Yana Grinshpun, linguiste, Paris 3
Gilles Guglielmi, Professeur de droit public, Université Paris II Panthéon-Assas
Philippe Gumplowicz, professeur de musicologie Université Evry-Paris-Saclay
Nathalie Heinich, sociologue
Emmanuelle Hénin, professeur de littérature, Sorbonne Université
Hubert Heckmann, maître de Conférence en Littérature médiévale, Université de Rouen
François Henn Professeur de Chimie-Physique, Université de Montpellier, membre honoraire IUF
Patrick Henriet (École Pratique des Hautes Etudes)
Catherine Kintzler, professeur honoraire de philosophie, Université de Lille
Mustapha Krazem, linguiste, université de Lorraine
Arnaud Lacheret, associate Professor
Franck Lessay, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3
Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’Université Rennes 1
Andrée Lerousseau, maître de Conférence à l’université Lille 3 en Philosophie
Samuel Mayol, maître de Conférence, Paris 13
Michel Messu, Sociologue
Frank Muller, professeur émérite d’histoire moderne
Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires
Bernard Paqueteau, sociologue
Mireille Quivy, Linguiste
Rémi Pellet, professeur à la faculté de Droit Université de Paris et à Sciences Po Paris
René Pommier, Maître de conférences honoraire à Paris IV et essayiste
Gérard Rabinovitch, philosophe
Pascal Perrineau, professeur émérite des universités à Sciences Po
François Rastier, linguiste, Directeur de Recherche émérite au CNRS
Philippe Raynaud, philosophe, Paris II
François Roudaut, professeur (Université Montpellier III)
Xavier-Laurent Salvador, linguiste, Sorbonne Paris Université
Bruno Sire, Ancien président de l’université Toulouse 1 Capitole
Perrine Simon Nahum, historienne et philosophe
Jean Paul Sermain, professeur émérite de Littérature
Wiktor Stoczkowski, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales
Jean Szlamowicz, linguiste
Pierre-Henri Tavoillot, philosophe, Sorbonne-Université
Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS
Thibault Tellier, professeur des universités, Sciences Po Rennes
André Tiran, Professeur émérite université Lyon2
Vincent Tiffon, PR musicologie, Aix-Marseille Université
Dominique Triaire, professeur émérite de littérature française, Université de Montpellier
Pierre Vermeren, professeur d’Histoire, université Paris I
Christophe de Voogd, historien
Nicolas Weill-Parot, directeur d’études à l’EPHE