Une AMIF qui (ne) vous veut (pas que) du bien
Salma est militante laïque depuis des années. Elle alerte sur le projet gouvernemental d’un « islam de France ». Les notes sont d’elle. Propos recueillis le 8 juillet 2019 et publié le 12 juillet 2019 sur le site Lieux Communs.
Depuis cette publication, le projet de l’AMIF (Association Musulmane pour l’Islam de France) dont il est question a été intégré dans le FORIF (Forum de l’Islam de France), initiative pilotée par le Bureau Central des Cultes (BCC) du Ministère de l’Intérieur et lancée le 5 février 2022 dans les locaux du Conseil Economique, Social et Environnemental où Gérald Darmanin y déclare que « Si les musulmans s’organisent, ce n’est pas seulement le Ciel mais c’est l’État qui les aidera ».
Le projet gouvernemental de créer un « islam de France » ne date pas d’hier, c’est un peu l’Arlésienne… Pourrais-tu nous dire de quoi il s’agit ?
C’est la nouvelle tentative de l’État français d’« encadrer » les pratiques musulmanes sur son territoire. Ce besoin se fait de plus en plus pressant avec l’augmentation du nombre de pratiquants due à l’immigration légale ou illégale, aux descendants d’immigrés et aux « re-conversions » mais aussi pour lutter ou au moins contrôler la radicalisation de la religion musulmane à laquelle on assiste depuis maintenant une cinquantaine d’années, fortement liée à l’ingérence de beaucoup de pays musulmans, notamment par des financements opaques.
La première tentative remonte, je crois, à 1990 avec le Corif (Conseil d’orientation et de réflexion sur l’islam de France), entre le déclenchement de la guerre civile algérienne et la deuxième guerre du Golfe. Puis il y a eu la Fondation des œuvres de l’islam de France (FOIF) presque en même temps que le célèbre Conseil français du culte musulman (CFCM), entre 2002 et 2003 et, dernièrement, la Fondation de l’islam de France (FIF) en 2016. Mais ce ne sont que des coquilles vides qui n’ont rien « encadré » du tout…
Pourquoi ces échecs successifs ?
Ce ne sont des échecs que du point de vue républicain, parce que du point de vue islamiste toutes ces tractations ont encouragé les courants musulmans les plus radicaux donc l’islamisation progressive du pays. De là à dire qu’il y a sabotage, je ne sais pas, mais en tous cas, il y a clairement rapport de force entre les islamistes et l’État, même de ce point de vue institutionnel… On avance souvent comme explication principale les intérêts des pays d’origine des imams (Algérie, Maroc, Turquie essentiellement) et leur mise en concurrence, mais il y a aussi l’arrivisme des personnalités – qui ne connaît pas le fameux recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur ? – habitués à un fonctionnement quasi-maffieux. Donc rien de très représentatif ou démocratique…
Peut-être aussi des résistances des laïques ?
Oui : de l’autre côté du spectre il y a, tout autour des militants laïques, la réticence diffuse mais très forte de la population française, attachée à l’esprit et à la lettre de la laïcité, c’est-à-dire au fait que, selon la formule consacrée, « l’État ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte ». Que la France se mette à organiser l’islam, cela revient, pour beaucoup, à revenir progressivement au Concordat, avec des curés, des rabbins, des imams fonctionnaires… Et entre les deux, il y a la « base musulmane », elle aussi réticente et sans doute pour plusieurs raisons contradictoires : certains sont attachés à la laïcité à la française, d’autres y verraient des contraintes à leurs croyances et pratiques religieuses – les meilleures comme les pires – mais tous refusent l’émergence d’un clergé qui n’a jamais existé dans l’histoire traditionnelle de l’islam sunnite (contrairement aux Chiites, comme en Iran, les imams et les ulémas ne sont théoriquement que consultatifs). Nous sommes donc ici à un point de contact entre plusieurs blocs culturels contradictoires : tradition catholique vs. tradition sunnite, laïcité vs. religion mais aussi libertés individuelles vs. intérêts communautaires.
Et donc le gouvernement actuel veut remettre le couvert en créant un « islam de France » ?
C’était dans le programme d’E. Macron et le chantier a été repoussé successivement – la dernière fois à cause du surgissement du mouvement des « gilets jaunes ». Il s’agit donc de désigner des interlocuteurs pour les pouvoirs publics, de leur décerner un label officiel afin de leur accorder la mainmise idéologique et financière sur l’ensemble des musulmans de France. Et il est évident que dans le contexte actuel, ça ne peut revenir qu’à donner un statut national à l’UOIF (Union des organisations islamiques de France), renommée en 2017 « Musulmans de France » – rien que la nouvelle dénomination donne l’ambition hégémonique… C’est donc, évidemment, la confrérie des Frères Musulmans, cette organisation internationale fondée en Égypte en 1928 par Hassan al-Banna et qui vise l’expansion de l’islam par tous les moyens, en commençant toujours « par le bas » et le pacifisme (éducation, action sociale, noyautage, entrisme) et en finissant si besoin par le djihad armé pour imposer la charia et un État islamique1. C’est Ennahdah en Tunisie, l’AKP en Turquie, le Hamas en Palestine, etc. En France, c’est l’UOIF, fondée en 1980-1983.
Bref : il y a aujourd’hui trois grands projets en lice mais, dans les trois, on trouve des Frères Musulmans – financés par le Qatar et soutenu par la Turquie – qui apparaissent comme un rempart contre le salafisme, financé par l’Arabie Saoudite, la radicalisation et le « passage à l’acte » violent.
Donc quel que soit le projet retenu, ce sera celui des Frères Musulmans ?
En tous cas, très fortement marqué : de toute façon neuf institutions musulmanes sur dix en France est sous influence « frériste », quel que soit le pays de rattachement– et le reste est de diverses obédiences, dont salafiste…
Le premier projet avancé, le plus radical, est celui de Marwan Muhammad du CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France), proche des mouvances indigénistes de S. Bouamama ou de Nacira Guenif-Souilamas, au discours communautariste, racialiste et largement anti-républicain, quel que soit le sens que tu lui mets… Il regroupe des salafistes, comme Rachid Eljay le tristement célèbre imam de Brest ou Nader Abou Anas, l’imam du Bourget. Bref, lui c’est vraiment le pire…
Ensuite il y a les « traditionnels » du CFCM, les notables inamovibles, les poids lourds, les éléphants, complètement corrompus, empêtrés dans des luttes personnelles et clairement dans une stratégie de sabotage ou du moins de rapport de force dur. On ne change pas une équipe qui perd.
Et enfin, le projet qui semble avoir les préférences du gouvernement, un tout petit peu plus à l’écart de l’UOIF : l’AMIF, l’Association musulmane pour l’islam de France, dont les statuts ont été déposés en avril dernier, d’Hakim El Karoui, encore peu connu.
Pourquoi cette préférence pour l’AMIF ?
Parce que c’est l’option la moins répugnante ! Du moins en apparence… Prends cet Hakim El Karoui : il présente très bien, parle sans accent, père tunisien musulman et mère française protestante, c’est un enfant naturel de l’oligarchie, avec des parents universitaires, des oncles ministres en Tunisie… Il a été conseiller technique de J. P. Raffarin puis de T. Breton, directeur chez Rothschild & Cie, maître de conférence, collaborateur de Rachida Dati avec qui il a fondé le Club du XXIe siècle et le programme Young Mediterranean Leaders… On lui doit aussi en 2016 le sondage de l’Institut Montaigne auprès des musulmans résidant en France qui avait fait du bruit puisqu’il dépeignait, en gros, des mahométants répartis en trois grands ensemble : un tiers de sécularisés, un tiers de « conservateurs » et un tiers de « radicaux »… Dans ce même rapport, il ne préconisait pas l’abrogation de la loi de 1905 et se questionne à peine sur sa réforme2. Bref, il est rassurant et le mettre en avant est un signe fort envoyé aux bonzes du CFCM.
En effet, ça donne presque envie, ce gendre idéal au milieu d’un panier de crabe !
Eh oui, et on dirait presque que c’est fait exprès… Mais la réalité est un peu plus sordide puisque pour lui, le modèle d’assimilation à la française – qui fait qu’aujourd’hui tu ne distingues plus un descendant d’immigré italien d’un descendant d’immigré polonais – est, je cite : « un modèle d’oppression de la majorité sur la minorité », expression d’une « énorme, immense xénophobie qu’on voit dans le niveau des discriminations, qui est extrêmement élevé »… Il en est sans doute lui-même victime, tout comme sa copine Rachida Dati ou encore Najat Vallaud-Belkacem ou Myriam El Khomri, toutes ministres de la République… Bref, pour lui, l’AMIF permettra de lutter contre la « xénophobie anti-musulmane »… qui ne semble pourtant pas dissuader les musulmans du monde entier de venir s’installer ici, d’y faire venir leur famille et d’affirmer leur foi de manière de plus en plus visible…
Pour lui, ce serait ça le problème de l’islam en France ; la xénophobie et pas la radicalisation ?
Exactement. D’ailleurs pour lui les problèmes que pose l’islamisme viennent essentiellement du salafisme (d’origine saoudienne ou indo-pakistanaise, le Tabligh), pas des Frères Musulmans, dont le projet d’islamisation serait, « s’il existe », je cite ; « plus un vœu pieux qu’un complot »3… Ce n’est donc pas étonnant si dans son équipe qui forme l’AMIF on ne retrouve que des Frères issus ou proches de l’UOIF comme Tareq Oubrou, Mohamed Bajrafil,…
Tareq Oubrou ? Le copain de Juppé ? Il est plutôt réputé modéré celui-là, non ?
Dans un milieu d’islamo-psychopathes au bord de la décompensation, il n’est pas difficile de passer pour le « good cop », celui qui va réconcilier et éviter la guerre civile en France ! C’est comme ça qu’on se fait avoir… Mais en réalité, c’est un realpolitiker d’origine marocaine qui a fourbi ses premières armes dans « l’islam radical » qui prônait l’instauration d’un Califat4. Très logiquement, les extrême-droite se rejoignant, on l’a vu aux côtés d’Alain Soral en 2009. Depuis, il s’est calmé, il ne fréquente plus que Robert Ménard et Nicolas Dupont-Aignant, et a adopté le discours « intelligent » de l’islamisme patient5 : il est désormais partisan d’une « charia de minorité », c’est-à-dire la discrétion musulmane en attendant des jours meilleurs, ne pas brusquer la société française, faire doucement chauffer l’eau pour que la grenouille reste tranquille6… Ce n’est pas lui qui a trouvé l’idée : il ne fait que suivre les enseignements de son maître, Youssef Al-Qaradawi, principale référence théologique de la confrérie des Frères Musulmans qui prône l’adaptation comme tactique fondamentale tout en étant fondamentalement antisémite, sexiste, totalitaire, d’ailleurs interdit de séjour en France et recherché par Interpol… On comprend que T. Oubrou déclare que « s’il n’y avait pas eu l’UOIF, je serais un taliban »… Nous voilà rassurés ! Quoique : il a quitté l’UOIF après 30 ans d’activité7 pour se placer auprès d’El Karoui, tout est donc possible…
Et Mohamed Bajrafil que tu as cité, il est aussi à l’AMIF ?
Absolument. K. El Karoui est président de l’AMIF versant culturel (association loi 1901) et T. Oubrou est président de l’AMIF versant cultuel (association 1905) dont M. Bajrafil est vice-président. Prédicateur d’origine comorienne, très prosélyte sur internet avec plus d’un millier de vidéos sur son blog, il est le petit protégé de Tariq Ramadan qui voit en lui « la relève »8 et en retour Mohamed souhaiterait « qu’il y en ait 36.000 »9 comme lui… Comme son maître, c’est un grand adepte du double discours : une version pour les musulmans une autre pour les kouffar [infidèles] ! Aux premiers il déclare que le voile pour les femmes est une obligation religieuse10, mais sur les plateaux télé il affirme que ce n’est pas nécessaire11… mais que sa petite fille de 4 ans est habillée « comme elle s’habillera plus tard »… Et puis il te laisse le choix de croire ou pas, mais pour le mécréant ou l’apostat, « il y a l’enfer qui l’attend »12… Bref, rien que de très classique, au fond.
Toujours le discours des Frères Musulmans…
Toujours, alors que l’organisation est classée comme terroriste dans pas mal de pays. Alors Bajrafil se tient à l’écart de l’UOIF mais bon, il est de tous les rassemblements, il est secrétaire du Conseil théologique de l’UOIF et c’est aussi un adepte admiratif de Youssef Al-Qaradawi13. Il apprécie aussi Safwat Higazi14, un obscurantiste qui déclare que « nous serons maîtres du monde, l’un de ces jours »15. C’est cela, le « nouvel islam » « serein et apaisé » promu par tous ces « progressistes » que l’État veut adouber !
Et dans cette fine équipe, il y a aussi Hosni Maati, moins connu, qui est avocat « anti-discriminations » – entendre pro-islamiste – qui a travaillé pour la CRI (Coordination contre le Racisme et l’islamophobie) dirigé par Abdelaziz Chaambi, fiché S pour radicalisation, et de l’association de Rockaya Diallo Les Indivisibles, qui décernaient les « Y’a bon awards ». C’est aussi un proche de la sinistre Houria Bouteldja, du Parti des Indigènes de la République et du CCIF, que l’on ne présente plus…
Il y a donc un lien clair avec les racialistes ?
Très clairement. Mais pour comprendre ce lien, il faut envisager ce que produira un « islam de France » aux mains de l’AMIF…
Alors allons-y : dans le moins pire des cas, l’AMIF serait reconnue par l’État pour représenter les musulmans. Que se passerait-il ?
Ce serait, encore une fois, la victoire des Frères Musulmans qui régneront sans partage sur la pratique religieuse de tous les musulmans en France, par l’intermédiaire de l’UOIF qui méritera effectivement sa nouvelle dénomination : Musulmans de France.
Ce sont leurs centres de formation d’imams (Château-Chinon et St Denis16) qui deviendront alors des passages obligés pour tous les cadres musulmans. Aujourd’hui, c’est plus de 2.000 personnes par an qui y reçoivent leurs enseignements politico-religieux en Taqiya [dissimulation], en double langage et en séparatisme ethno-religieux – demain, bien plus… Et avec l’assentiment de l’État français puisque le diplôme sera reconnu et obligatoire ! Parallèlement, il y aurait l’institution d’une autorité théologique et juridique s’imposant aux musulmans français, un « Conseil National des Imams » ou un « Conseil de la fatwa français », reconnu par l’État. Ces imams, théologiens et muftis émettraient des « avis juridiques », des fatwas qui feraient autorité sur les musulmans en France. Cela existe déjà – on a vu que Bajrafil était au conseil théologique de l’UOIF – et c’est chapeauté par un organisme européen, lui-même subordonné à l’UISM (Union internationale des savants musulmans), basée au Qatar et présidé jusqu’en 2018 par Youssef Al-Qaradawi himself, grand inspirateur de tout ce beau monde. Le changement c’est que l’État français devra reconnaître, d’une manière ou d’une autre, ces fatwas, sur le modèle de celles déjà parues qui imposent l’autorité des hommes sur les femmes ou qui condamnent les apostats à mort17…
Mais ces fatwas ne seraient pas appliquées par les pouvoirs publics ?
Bien sûr que non, pas dans un avenir prévisible. Mais, d’abord, ça renforcera la « police » informelle qui régit les familles, les quartiers, les secteurs de la société qui sont déjà majoritairement musulmans tout en entérinant le séparatisme de fait (« eux et nous »). Les autorités fermeront les yeux sur les mœurs et les « règlements de comptes » qui s’y dérouleront, les toléreront puisqu’ils sont l’application de fatwas officielles donc contraignantes, avec le soutien appuyé des fidèles les plus actifs. C’est déjà le cas avec le blasphème : en France, depuis les massacres de Charlie-Hebdo, il est rétabli dans les faits. Même chose pour les juifs : c’est à eux de déménager suite aux pressions qu’ils subissent en zones musulmanes, ça ne fait plus question. Plus tard, comme en Grande-Bretagne, il pourra y avoir des Tribunaux Islamiques reconnus, que les gens peuvent saisir pour régler leurs différends, en fonction de la juridiction musulmane en cours. C’est l’institution d’un traitement juridique différencié en fonction de ta communauté, déjà partiellement acceptée et pratiquée par nos propres tribunaux aujourd’hui : il suffit de voir le « deux poids – deux mesures » dans la liberté d’expression de certains rappeurs, par exemple, sans commune mesure avec le politiquement correct exigé de gens comme toi et moi… Ou la répression des gilets jaunes d’un côté et de l’autre les zones grises des « quartiers » en sécession.
C’est donc un pas de plus vers l’islamisation de la société…
Et plus que tu ne l’imagines puisque ces autorités musulmanes vont se multiplier à tous les échelons locaux, par exemple départementaux. Un Conseil départemental du Culte Musulmans existe déjà dans le Vaucluse par exemple, mais c’est le département du Rhône qui fait figure de précurseur : il y a déjà un Conseil Théologique des Imams du Rhône et un Conseil des Musulmans du Rhône, donc un versant cultuel et un versant culturel, animés par Azzedine Gaci, membre de l’AMIF… Là aussi, tout est prêt, il n’y a plus qu’à attendre l’aval de l’État. Alors ces instances sont en relations étroites avec des associations musulmanes locales de tous types, sportives, culturelles, sociales, éducatives, etc., que l’UOIF multiplie pour encadrer tous les muslims du territoire, régenter leurs pratiques, leurs activités, leur quotidien, etc18. Évidemment, ce serait un levier d’influence très important pour les dérogations, le clientélisme, le lobbying, les pressions qui existent déjà à l’endroit des élus et de la population locale pour obtenir des prérogatives supplémentaires. C’est un pas vers un retour du concordat et c’est ce qui s’est expérimenté déjà pendant quelques années dans le Rhône avec le préfet Delpuech, très discrètement.19 Un des nombreux effets pervers de la décentralisation…
Retour du concordat, cela veut dire un financement du culte par l’État.
Alors voici le nerf de la guerre ! Le grand but de l’AMIF, c’est l’auto-financement de « l’islam de France », pour éviter les fonds étrangers dont nous parlions. Pour Hakim El Karoui, le financement du culte s’élèverait à 10 millions d’euros, prélevés sur la certification halal, les pèlerinages à la Mecque, les services funéraires, les dons et les legs. Tout cela financerait la machine « islam de France » ; la formation et la rémunération des imams, la construction et la rénovation des mosquées, la diffusion de la doctrine, les actions « contre les discriminations », etc. Évidemment, l’État encadrerait et contrôlerait la récolte des fonds, mais n’aurait rien à dire sur leur dépense, le contrôle, etc, puisque le but c’est l’indépendance financière de l’islam… C’est la Grande Affaire de l’AMIF – et des islamistes très attachés aux arcanes de la finance islamique – mais aussi très floue… Je crois qu’il va se passer comme avec l’Institut du Monde Arabe à Paris (où travaille d’ailleurs officiellement Houria Bouteldja) : les pays de la Ligue Arabe devaient en financer la moitié – trente ans plus tard, c’est l’État qui finance à 90 %. On va donc se retrouver très vite avec des tours de bonneteau où c’est le contribuable qui va payer in fine pour l’islamisation de son pays… De toute façon, on tend à la jizya, l’impôt que versent les dhimmis, les minorités en terres d’islam, pour ne pas avoir de problèmes… C’est ça aussi, les milliards perdus dans les « politiques de la ville » destinées exclusivement aux « territoires perdus de la République ».
C’est l’instauration d’un islam qui devient un corps parfaitement étranger et indépendant au sein de la société française ?
Oui, mais ce n’est pas pour ça qu’il arrêterait son offensive politique, au contraire : avec l’AMIF, il est inévitable que l’entrisme et le noyautage soient redoublés, puisque financés et légitimés par la puissance publique. Les islamistes ont déjà largement infiltré des associations comme Act up ou le planning familial, bientôt ce seront les syndicats ou les partis, comme l’UNEF, Sud Solidaires ou la France Insoumise. La promotion de la « lutte contre l’islamophobie » prendra alors une autre dimension, c’est la perspective d’Hosni Maati, l’avocat de l’AMIF qui pourra se constituer partie civile afin de faire taire officiellement tous les opposants et les critiques, qui sont déjà terrorisés voire sous protection policière. C’est le djihad judiciaire, dont raffolent les islamistes. Et sera complètement entériné le « padamalgam » lors des attentats, puisque l’AMIF aura un pôle de « déradicalisation », préfiguré par Mohammed Chirani, ancien délégué du préfet du 93 et consultant en prévention de la radicalisation religieuse, et le CAPRI, le Centre d’action et de prévention contre la radicalisation des individus, organisme présidé par l’islamiste Marwan El Bakhour, proche de Tareq Oubrou. Face à l’islamisme et au terrorisme, il faut plus d’islam, toujours, puisque le slogan des Frères Musulmans c’est : « L’islam est la solution »… Pour eux, former dès le plus jeune âge la jeunesse à l’islam, c’est de la « théologie préventive » qui évite toutes les dérives ; délinquance, troubles mentaux, échecs, mécréance, etc. Il faut comprendre le principe : tout ce qui est bien vient de l’islam, s’il y a du mal, c’est qu’il n’y a pas assez d’islam.
Est-ce que tout cela garantirait, au moins, la paix civile, la fin de cette guerre sans nom que mènent les djihadistes sur le territoire ?
D’abord, il ne faut pas oublier des dissidences interminables entre islamistes : quel que soit le projet retenu par le gouvernement, les autres ne l’accepteront pas. Par exemple l’AMIF n’a que peu de soutien de la jeunesse, contrairement à Marwan Mohammed, et la vieille garde du CFCM ne veut même pas en entendre parler… Plus globalement, la réponse est assez simple : il suffit de regarder ce qui se passe dans les pays musulmans puisque c’est cela, la perspective finale. Les violences ne cessent pas, puisqu’il y a toujours des radicaux plus radicaux qui considèrent que les autres ne sont pas assez musulmans alors qu’ils sont engagés dans la voie d’Allah. Les minorités sont opprimées, le pouvoir est autoritaire, les libertés restreintes, etc. Il faut regarder l’Algérie, le Maroc, la Turquie… C’est cela qui est devant nous.
Mais la France ne sera jamais un pays musulman, si ?
Peut-être, mais ce sera un pays où l’islam sera un pôle de pouvoir important, régissant directement la vie de millions de personnes et, de proche en proche, modifiant la vie culturelle, sociale, politique de tout le monde. C’est d’ailleurs ce qui se passe déjà, ici ou en Belgique, par exemple, et de ce point de vue, l’AMIF est une machine de guerre.
C’est au fond une grande dynamique de sécession, l’éclatement de la société française, du principe de nation, de communauté de destin par l’instauration d’un multiculturalisme de fait, où chaque communauté est régie par ses propres principes, ses propres valeurs, ses propres normes, ses propres institutions, et leur mise en concurrence. D’où l’alliance entre les « indigénistes » communautaires sur la base des diasporas immigrées, quels qu’elles soient, et les islamistes obsédés par la restauration d’un empire universel, un califat prétendument multiculturel dont ils géreront les « minorités », même majoritaires, comme un troupeau.
Il est difficile de croire que l’État français pourrait accompagner ça…
C’est ce qu’on a du mal à admettre, mais il suffit de regarder l’évolution de la situation française (ou européenne, la dynamique est semblable) depuis quarante ans : la régression est tellement hallucinante qu’on a du mal à seulement croire ce que l’on voit.
Il faut d’abord comprendre les pressions géopolitiques qu’exercent les pays musulmans, soit comme fournisseur de pétrole et de gaz – l’Algérie par exemple –, soit comme source de financement – le Qatar et tout son patrimoine, le PSG au hasard –, soit en régulant l’envoi de migrants légaux ou illégaux en en faisant un cheptel infiltré à son service – le cas d’Erdogan en Allemagne est édifiant.
Et puis, au fond, pour les oligarchies, régner sur un peuple profondément atomisé, clivé, divisé non seulement en classe sociales mais en communautés ethno-religieuses, c’est s’assurer de sa domination ad vitam æternam en se posant comme arbitre des conflits entre groupes. On l’a vu avec le mouvement des gilets jaunes : les banlieues et une bonne partie de la jeunesse, immigrées et musulmanes pour une bonne part, sont restées totalement à part, sinon pour y introduire leurs revendications spécifiques. Et puis une société en peau de léopard, ça accompagne la disparition des institutions de solidarité comme la sécurité sociale ou les retraites, donc leur privatisation… Donc pour les couches dominantes, ce fractionnement du corps social, cette fracturation du territoire, cette archipellisation de la société et des institutions sont loin d’être à leur désavantage. D’où leur complaisance incroyable pour le communautarisme et l’islam qui en est le fer de lance. Et puis, laisser entrer ou prospérer un « ennemi intérieur » comme le sont les djihadistes de plus en plus nombreux (doublement des fichés S en quelques années… 20.000 aujourd’hui), ça permet de démultiplier les moyens administratifs et technologiques de contrôles, de fichage, de flicage en faisant du chantage à la sécurité
Il y a donc des personnalités politiques qui sont favorables à cette perspective ?
Bien sûr, sous couvert de régler les problèmes monstrueux que pose l’islam en France, certains sont quasiment prêt à restaurer le concordat. C’est d’abord le cas de tous les islamo-gauchistes et autres « compagnons de route » de Raphaël Liogier à Jean Baubérot, de Libé à C. Taubira, etc. Mais même des oligarques bon teint se sont déclarés favorables à ce que l’État français reconnaisse et aide l’islam à se structurer : évidemment Jean-Pierre Chevènement, Jean-François Copé, Alain Juppé, mais aussi Valérie Pécresse, Gérard Darmanin, François Grosdidier, Jean-Christophe Lagarde, Benoist Apparu ou des « conseillers du prince » comme Didier Leschi ou des philosophes pourtant respectables, comme Pierre Manent, qui ne voient pas d’autre issue à la situation qu’une négociation entre la République et l’islam – encore faudrait-il que la République arrête de reculer… Plus concrètement, on a des gens comme Yassine Belattar qui chuchotent à l’oreille du président, ou Hakim El Karoui, banquier d’affaire rappelons-le…
C’est cauchemardesque… Qu’est-ce qu’on peut faire ?
Il faut une mobilisation sans précédent de tout ceux qui sont attachés à certains principes de laïcité, d’égalité, de liberté et qui sont encore, pour quelques années, majoritaires dans le pays. Il y a une infinité de choses à faire et en premier lieu s’informer et informer à ce sujet, provoquer des discussions, interpeller les élus, les maires, les députés, les ministres, les préfets. Mais au fond, il faudrait surtout s’organiser, au-delà des clivages idéologiques, en commençant par former des groupes locaux autonomes et coordonnés, dans les villes et les quartiers, c’est-à-dire sur des bases démocratiques. Parce que cette lutte qui est à mener va exiger des forces importantes, permanentes et organisées pour revenir sur quarante ans de recul, de compromissions et de lâcheté. Et ça ne se fera pas dans la douceur des fauteuils feutrés des ministères : ceux qui sont en face ne sont pas des anges, ont des ressources internationales, des enracinements locaux, des soutiens au cœur même de l’État. Il faudrait un nouvel élan démocratique, qu’a peut-être préfiguré le mouvement de gilets jaunes, pour contrer cette régression fantastique que nous vivons et qui n’est possible que dans une société moribonde politiquement, sans projets ni repères.
Qu’est-ce que ça pourrait être, alors, un « islam de France » pour toi ?
Je ne crois pas qu’il puisse y avoir autre chose qu’un islam en France, mais que l’on pourrait dévitaliser au maximum, comme les autres religions l’ont été. Les principes fondamentaux de l’islam sont absolument incompatibles avec toute démocratie – = comme toute religion d’ailleurs, mais comme l’islam est intrinsèquement un projet politique qui place ses lois sacrées au-dessus des lois humaines, c’est une lutte à mort et particulièrement pour la France et ses siècles de luttes anti-religieuses face à l’admiration de tous les musulmans pour un Mahomet seigneur de guerre… On ne peut que renouer avec le vieux principe de l’assimilation, qui exige de l’immigré qu’il assume sa venue en devenant progressivement français, et que l’on expulse immédiatement les colons – parce que c’est de cela dont on parle. Mais, je le répète, tout cela exigerait un véritable réveil populaire, la renaissance d’un courant populaire profondément démocratique qui réinventerait des formes de souveraineté et le mouvement des gilets jaunes a montré que tout espoir n’était pas perdu. Parce que parler d’islamisme, c’est aussi parler des intérêts des oligarchies, de la question énergétique, de la politique démographique, de nos valeurs, de notre identité, de l’intérêt collectif, d’un projet commun à faire respecter, donc du type de société que l’on veut. L’islamisme prospère sur ce vide.