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Quand une enquête sur les Frères musulmans déchaîne l’islamo-gauchisme

Quand une enquête sur les Frères musulmans déchaîne l’islamo-gauchisme

Vincent Tournier

Maître de conférences en science politique à l'IEP de Grenoble.

Une déferlante s’est abattue sur l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler, dont le tort est d’avoir publié fin janvier un livre sur les Frères musulmans

L’ouvrage est pourtant remarquable. Préfacé par Gilles Kepel, il est le fruit de longues années de travail et d’enquête. Il décrit par le menu la confrérie des Frères musulmans, ses objectifs, ses stratégies d’entrisme, ses alliés plus ou moins explicites. Tout y est. On ne pourra plus dire qu’on ne savait pas. 

Mais ce livre est trop sérieux pour ne pas susciter des réactions. Car les Frères aiment la discrétion. Leur projet d’islamisation se fait dans les coulisses, au niveau de la société civile, des associations, bref loin des projecteurs. Les Frères n’aiment pas la lumière, et c’est exactement ce que fait Florence Bergaud-Blackler : elle dévoile tout.

Les attaques contre elle ont commencé sur les réseaux sociaux, où elle a été prise à partie par une armée de faux compte. Sa page wikipédia a été visée : quelqu’un a par exemple tenté de remplacer la phrase « en 2023 elle publie une enquête sur les Frères musulmans » par « elle publie un essaie polémique ». 

La principale attaque est venue de François Burgat et Souhail Chichah qui, sur le blog de Mediapart, ont publié un texte caricatural et méprisant, où Florence Bergeaud-Blackler est transformée en réincarnation des nazis. « Cette antienne raciste s’affirme aujourd’hui à nouveau, parée des oripeaux de la science. A l’anthropologue Vacher de Lapouge, figure française du racisme scientifique du tournant du XXe siècle, nourricier de l’idéologie nazie, succèdent aujourd’hui d’autres voix s’autorisant de l’anthropologie pour dénoncer “l’impureté nationale” ».

On connaît ce genre de procédés, aussi classiques que grotesques : démolissez, il en restera toujours quelque chose. On pourrait en rire si le contexte s’y prêtait. Mais la vraie question est de savoir où sont les soutiens médiatiques et académiques. Au-delà, c’est aussi la recherche qui se trouve interpellée. Les livres comme celui de Florence Bergeaud-Blackler sont bien trop rares. Elle-même ne cesse d’alerter sur l’étrange attitude des institutions publiques, notamment européennes, qui préfèrent soutenir et financer les études sur l’islamophobie plutôt que sur l’islamisme, sans être d’ailleurs très regardantes sur les organismes bénéficiaires. 

Au moment où l’ONU annonce fièrement que ce 10 mars l’ONU est la première journée internationale contre l’islamophobie, ce dont François Burgat n’a pas manqué de se féliciter en ajoutant perfidement que ce n’est « pas vraiment un soutien pour les thèses nauséabondes de Florence Bergeaud-Blackler », on comprend que la partie est loin d’être gagnée. 

Petite anecdote révélatrice : au lendemain du 10 mars, la journaliste Elise Lucet réagissait avec incrédulité, lors d’un échange avec Sonia Mabrouk, à l’idée selon laquelle « les islamistes n’aiment pas la France ». En un sens, elle n’a pas tort : les islamistes doivent certainement aimer un pays où ils peuvent faire prospérer leurs petites affaires en toute tranquillité. 

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