Read More ©Lionel Bonaventure / AFPL’encyclopédie en ligne Wikipédia, alimentée et mise à jour par des bénévoles, est une réussite incontestable, avec plus de deux millions d’articles créés depuis son lancement pour la seule version francophone. Son classement dans les recherches sur Google lui assure une visibilité importante, qui en fait un espace d’information privilégié. Malheureusement, de nombreux exemples rappellent régulièrement que les bénévoles qui contribuent peuvent se tromper, rapporter des erreurs, voire faire pencher l’information dans le sens de leurs préférences partisanes. Une offensive idéologique en cours (qui traite pêle-mêle des sujets de la transidentité, de la santé publique, de l’économie), menée par quelques contributeurs militants, devrait inquiéter les défenseurs d’une encyclopédie neutre. Un phénomène dont une étude universitaire consacrée à Wikipédia permet d’éclairer les soubassements. Récemment, des débats internes à Wikipédia ont mis en lumière le fossé idéologique qui traverse la communauté française en coulisse. D’un côté, quelques contributeurs influents qui tentent de pousser les règles de l’écriture inclusive, proscrivent l’usage du deadname (état civil abandonné par personne ayant choisi de changer de genre) et imposent le recours au pronom personnel non genré « iel ». Un petit clan qui est aussi à la manœuvre sur les sujets traditionnels de l’extrême gauche radicale anticapitaliste (au sein du « projet anti-pub » notamment), dont certains membres vont jusqu’à considérer que la science (inféodée aux « puissances d’argent ») ne peut pas être légitime. En face, les contributeurs historiques de l’encyclopédie, qui adoptent plutôt une ligne universaliste, et s’émeuvent que les principes de Wikipédia soient tordus au bénéfice d’un agenda idéologique. Un face à face que les chercheurs Guillaume Carbou et Gilles Sahut, dans un article consacré aux Désaccords éditoriaux dans Wikipédia, analysent comme reflétant des « tensions entre régimes épistémiques ». En effet, un rapide coup d’œil sur les articles consacrés aux grandes entreprises françaises et à leurs dirigeants met en lumière un biais anticapitaliste (avec 80 % de contributeurs de gauche et extrême gauche et une forte proportion de lycéens et étudiants), avec le plus souvent des réussites entrepreneuriales réduites à la portion congrue, et des parties « controverses » qui recensent avec une précision qui confine à la maniaquerie les divers accrocs que vivent les entreprises au cours de leur développement. Un investissement de plusieurs milliards d’euros sera à peine mentionné au motif qu’il serait promotionnel, quand une condamnation banale aux prudhommes (pour des groupes qui emploient des milliers de salariés) sera rapportée en détail. Une tendance « anti-business » particulièrement française, car la Wikipédia anglophone, pour des raisons culturelles, est beaucoup plus neutre dans son traitement des acteurs de la vie économique. Pour les tenants de ce régime épistémique dit « critique » (qualifiés par Carbou et Sahut de « Nemesis des régimes encyclopédiques et scientifiques »), l’objectif n’est pas de produire des énoncés neutres, mais de pousser un agenda politique. Pour cela, il s’agit d’adopter une attitude para-complotiste. « Dans le régime critique, écrivent les deux chercheurs, aucun savoir n’est neutre ou objectif, et tout peut toujours être remis en cause par une suspicion de collusion avec quelque intérêt particulier ». En contradiction avec le principe premier de l’encyclopédie, les tenants de ce régime ne se soucient donc pas de la qualité de ce qui est écrit, mais de « qui » a écrit, en une forme d’argument d’autorité renversé. On le constate avec l’obsession de quelques contributeurs (proches de l’extrême gauche radicale et qui revendiquent sur Twitter leur volonté d’interdire toute publicité en France…) actifs dans le projet « anti-pub », et focalisés sur la traque de potentiels « comptes rémunérés ». Une obsession qui les pousse d’ailleurs à l’erreur : une rapide lecture critique des publications de l’un de ces jeunes activistes (qui partage sous le pseudonyme Jules* des analyses présentées abusivement comme des « enquêtes »), montre la fragilité de ces accusations. Des erreurs matérielles nombreuses, une utilisation cavalière des identifications d’IP, le recours extensif à « l’intuition » comme élément probatoire le conduisent à accuser une dizaine d’agences de communication d’œuvrer dans l’ombre pour la quasi-totalité des dirigeants et des entreprises du CAC 40 ! Il croit voir des centaines de comptes dissimulés, quand ces agences en revendiquent en réalité deux ou trois chacune, avec lesquels elles procèdent à des modifications tout à fait justifiées. Des allégations rocambolesques fondées sur des amalgames grossiers et des naïvetés confondantes, mais reprises complaisamment par une certaine presse qui partage ce narratif conspirationniste. C’est que, dans cette vision du monde caricaturale, toute information positive sur une entreprise est suspicieuse, et ne saurait être que rémunérée, puisque par définition les entreprises sont néfastes. Ainsi, notre apprenti enquêteur comprend ce qu’il qualifie « d’ajouts mélioratifs » comme autant de traces de l’action d’agents occultes au service du grand capital. Pour les deux chercheurs français, ce régime épistémique bascule irrémédiablement dans le complotisme, puisque les contributeurs en viennent à attaquer des sources solides, scientifiques, au motif que leur auteur aurait des « intérêts ». Cela a notamment été le cas lors du Covid ou des débats sur l’homéopathie, qui ont agité ces sphères, et durant lesquels l’un des tenants de ce régime a même pu écrire, par exemple, que « The Lancet (l’une des plus prestigieuses revues médicales) est clairement l’un des représentants de l’establishment scientifique, son interprétation est seulement la sienne ». Pour Carbou et Sahut, « le défi principal que pose ce régime épistémique à la constitution d’une encyclopédie est donc son usage quasi systématique de la suspicion. » Une suspicion qui se retrouve dans les accusations récurrentes de « mégenrage », de « modifications rémunérées dissimulées », d’« intérêts » cachés ou plus largement dès lors qu’un élément neutre ou positif est ajouté sur l’article d’une figure de la vie économique.Cette menace doit être prise au sérieux : l’histoire n’est pas faite par la majorité mais par de petits groupes d’activistes ayant réussi à représenter cent fois en communication ce qu’ils pèsent réellement dans le débat d’idées. La sur-représentation de l’extrême gauche dans les médias traditionnels en France ou aux USA le confirme. Ces personnes repèrent les médias d’influence en parfaits opportunistes. La prétention à la pureté idéologique est toujours servie par un cynisme total sur les moyens employés. Wikipédia étant la source encyclopédique majoritaire, il n’est pas étonnant qu’il attire de tels équarisseurs de la pensée.Aucune époque n’a parlé autant que la nôtre de « factualité » de « vérification par les faits » et jamais cette notion n’a été autant pervertie. Nous avons déjà mentionné(1) la tendance inquiétante de la « zététique » à vouloir s’affranchir de la discussion critique, pourtant notre seule ressource permettant d’approcher une connaissance objective. La zététique tout comme Wikipédia est envahie par un très fort biais idéologique wokiste et d’extrême-gauche, qu’elle aimerait faire passer pour une vérité scientifique. Certains semblent fascinés par des outils qui leur permettraient d’avoir toujours raison. Ainsi de la dérive récente de la « TEB », auparavant concentrée sur des sujets scientifiques, dérivant de plus en plus vers des engagements idéologiques wokistes. Le glissement sémantique est pervers : « je suis la source de l’objectivité et de la vérité, mes croyances idéologiques sont donc également des vérités objectives ». Nous sommes en plein lyssenkisme. Le « certificat » que représente Wikipédia et son mode de vérification attire ces déviants du savoir, qui en repèrent toutes les brèches et en usent à merveille. La vigilance est d’autant plus nécessaire.Dès lors, il appartient aux tenants du « régime encyclopédiste » et du « régime scientifique » de mettre un terme à la dérive de ce qui apparait n’être en définitive qu’un petit clan (mais soudé et influent), en leur opposant une exigence de neutralité à l’égard de leurs préférences idéologiques. On ne peut qu’espérer qu’ils y parviendront pour l’avenir de l’aventure de l’encyclopédie libre. (1) https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/zetetique-fact-checkers-debunkers-la-regression-de-lesprit-critique/
©Lionel Bonaventure / AFP
L’encyclopédie en ligne Wikipédia, alimentée et mise à jour par des bénévoles, est une réussite incontestable, avec plus de deux millions d’articles créés depuis son lancement pour la seule version francophone. Son classement dans les recherches sur Google lui assure une visibilité importante, qui en fait un espace d’information privilégié. Malheureusement, de nombreux exemples rappellent régulièrement que les bénévoles qui contribuent peuvent se tromper, rapporter des erreurs, voire faire pencher l’information dans le sens de leurs préférences partisanes. Une offensive idéologique en cours (qui traite pêle-mêle des sujets de la transidentité, de la santé publique, de l’économie), menée par quelques contributeurs militants, devrait inquiéter les défenseurs d’une encyclopédie neutre. Un phénomène dont une étude universitaire consacrée à Wikipédia permet d’éclairer les soubassements.
Récemment, des débats internes à Wikipédia ont mis en lumière le fossé idéologique qui traverse la communauté française en coulisse. D’un côté, quelques contributeurs influents qui tentent de pousser les règles de l’écriture inclusive, proscrivent l’usage du deadname (état civil abandonné par personne ayant choisi de changer de genre) et imposent le recours au pronom personnel non genré « iel ». Un petit clan qui est aussi à la manœuvre sur les sujets traditionnels de l’extrême gauche radicale anticapitaliste (au sein du « projet anti-pub » notamment), dont certains membres vont jusqu’à considérer que la science (inféodée aux « puissances d’argent ») ne peut pas être légitime. En face, les contributeurs historiques de l’encyclopédie, qui adoptent plutôt une ligne universaliste, et s’émeuvent que les principes de Wikipédia soient tordus au bénéfice d’un agenda idéologique. Un face à face que les chercheurs Guillaume Carbou et Gilles Sahut, dans un article consacré aux Désaccords éditoriaux dans Wikipédia, analysent comme reflétant des « tensions entre régimes épistémiques ».
En effet, un rapide coup d’œil sur les articles consacrés aux grandes entreprises françaises et à leurs dirigeants met en lumière un biais anticapitaliste (avec 80 % de contributeurs de gauche et extrême gauche et une forte proportion de lycéens et étudiants), avec le plus souvent des réussites entrepreneuriales réduites à la portion congrue, et des parties « controverses » qui recensent avec une précision qui confine à la maniaquerie les divers accrocs que vivent les entreprises au cours de leur développement. Un investissement de plusieurs milliards d’euros sera à peine mentionné au motif qu’il serait promotionnel, quand une condamnation banale aux prudhommes (pour des groupes qui emploient des milliers de salariés) sera rapportée en détail. Une tendance « anti-business » particulièrement française, car la Wikipédia anglophone, pour des raisons culturelles, est beaucoup plus neutre dans son traitement des acteurs de la vie économique.
Pour les tenants de ce régime épistémique dit « critique » (qualifiés par Carbou et Sahut de « Nemesis des régimes encyclopédiques et scientifiques »), l’objectif n’est pas de produire des énoncés neutres, mais de pousser un agenda politique. Pour cela, il s’agit d’adopter une attitude para-complotiste. « Dans le régime critique, écrivent les deux chercheurs, aucun savoir n’est neutre ou objectif, et tout peut toujours être remis en cause par une suspicion de collusion avec quelque intérêt particulier ». En contradiction avec le principe premier de l’encyclopédie, les tenants de ce régime ne se soucient donc pas de la qualité de ce qui est écrit, mais de « qui » a écrit, en une forme d’argument d’autorité renversé. On le constate avec l’obsession de quelques contributeurs (proches de l’extrême gauche radicale et qui revendiquent sur Twitter leur volonté d’interdire toute publicité en France…) actifs dans le projet « anti-pub », et focalisés sur la traque de potentiels « comptes rémunérés ».
Une obsession qui les pousse d’ailleurs à l’erreur : une rapide lecture critique des publications de l’un de ces jeunes activistes (qui partage sous le pseudonyme Jules* des analyses présentées abusivement comme des « enquêtes »), montre la fragilité de ces accusations. Des erreurs matérielles nombreuses, une utilisation cavalière des identifications d’IP, le recours extensif à « l’intuition » comme élément probatoire le conduisent à accuser une dizaine d’agences de communication d’œuvrer dans l’ombre pour la quasi-totalité des dirigeants et des entreprises du CAC 40 ! Il croit voir des centaines de comptes dissimulés, quand ces agences en revendiquent en réalité deux ou trois chacune, avec lesquels elles procèdent à des modifications tout à fait justifiées. Des allégations rocambolesques fondées sur des amalgames grossiers et des naïvetés confondantes, mais reprises complaisamment par une certaine presse qui partage ce narratif conspirationniste.
C’est que, dans cette vision du monde caricaturale, toute information positive sur une entreprise est suspicieuse, et ne saurait être que rémunérée, puisque par définition les entreprises sont néfastes. Ainsi, notre apprenti enquêteur comprend ce qu’il qualifie « d’ajouts mélioratifs » comme autant de traces de l’action d’agents occultes au service du grand capital.
Pour les deux chercheurs français, ce régime épistémique bascule irrémédiablement dans le complotisme, puisque les contributeurs en viennent à attaquer des sources solides, scientifiques, au motif que leur auteur aurait des « intérêts ». Cela a notamment été le cas lors du Covid ou des débats sur l’homéopathie, qui ont agité ces sphères, et durant lesquels l’un des tenants de ce régime a même pu écrire, par exemple, que « The Lancet (l’une des plus prestigieuses revues médicales) est clairement l’un des représentants de l’establishment scientifique, son interprétation est seulement la sienne ». Pour Carbou et Sahut, « le défi principal que pose ce régime épistémique à la constitution d’une encyclopédie est donc son usage quasi systématique de la suspicion. » Une suspicion qui se retrouve dans les accusations récurrentes de « mégenrage », de « modifications rémunérées dissimulées », d’« intérêts » cachés ou plus largement dès lors qu’un élément neutre ou positif est ajouté sur l’article d’une figure de la vie économique.
Cette menace doit être prise au sérieux : l’histoire n’est pas faite par la majorité mais par de petits groupes d’activistes ayant réussi à représenter cent fois en communication ce qu’ils pèsent réellement dans le débat d’idées. La sur-représentation de l’extrême gauche dans les médias traditionnels en France ou aux USA le confirme. Ces personnes repèrent les médias d’influence en parfaits opportunistes. La prétention à la pureté idéologique est toujours servie par un cynisme total sur les moyens employés. Wikipédia étant la source encyclopédique majoritaire, il n’est pas étonnant qu’il attire de tels équarisseurs de la pensée.
Aucune époque n’a parlé autant que la nôtre de « factualité » de « vérification par les faits » et jamais cette notion n’a été autant pervertie. Nous avons déjà mentionné(1) la tendance inquiétante de la « zététique » à vouloir s’affranchir de la discussion critique, pourtant notre seule ressource permettant d’approcher une connaissance objective. La zététique tout comme Wikipédia est envahie par un très fort biais idéologique wokiste et d’extrême-gauche, qu’elle aimerait faire passer pour une vérité scientifique.
Certains semblent fascinés par des outils qui leur permettraient d’avoir toujours raison. Ainsi de la dérive récente de la « TEB », auparavant concentrée sur des sujets scientifiques, dérivant de plus en plus vers des engagements idéologiques wokistes. Le glissement sémantique est pervers : « je suis la source de l’objectivité et de la vérité, mes croyances idéologiques sont donc également des vérités objectives ». Nous sommes en plein lyssenkisme. Le « certificat » que représente Wikipédia et son mode de vérification attire ces déviants du savoir, qui en repèrent toutes les brèches et en usent à merveille. La vigilance est d’autant plus nécessaire.
Dès lors, il appartient aux tenants du « régime encyclopédiste » et du « régime scientifique » de mettre un terme à la dérive de ce qui apparait n’être en définitive qu’un petit clan (mais soudé et influent), en leur opposant une exigence de neutralité à l’égard de leurs préférences idéologiques. On ne peut qu’espérer qu’ils y parviendront pour l’avenir de l’aventure de l’encyclopédie libre.
(1) https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/zetetique-fact-checkers-debunkers-la-regression-de-lesprit-critique/
« Ce post est un relevé d’information de notre veille d’information »