Read More Madame, Monsieur, J’attire votre attention sur une erreur linguistique et historique commise par un présentateur du podcast “Palestine RFI+français facile”. Ce podcast est diffusé en partenariat avec la DGLFLF, que j’ai contactée également. https://francaisfacile.rfi.fr/fr/podcasts/les-mots-de-l-actualit%C3%A9/20230531-palestine Je vous signale une information erronée historique et linguistique diffusée par RFI au sujet du mot « Palestine » ainsi qu’au sujet de l’histoire de cette région. Dans le podcast diffusé par RFI, un commentateur explique que les Palestiniens sont les Philistins. C’est faux. Si le nom “Palestine” est effectivement mentionné par Hérodote au V siècle avant notre ère, il renvoie au peuple appelé dans les textes hébreux “Philistins”. Ce nom vient de la racine hébraïque [p-l-š] et signifie « invasion », « intrusion ». Les Philistins étaient un peuple indo-européen, disparu vers le Ve siècle avant notre ère. Ils n’ont rien à voir avec les Arabes (peuple sémitique) de Palestine dont parle le podcast. La population arabe de la Palestine actuelle provient de trois groupes : -envahisseurs musulmans depuis le VIIe siècle et leurs descendants -immigrants arabes attirés par les emplois créés par les Juifs au XIXe et XXe siècles -convertis locaux à l’islam Le nom “Palestine” est donné au royaume de Judée en 135 de notre ère par l’empereur romain Hadrien, suite à la révolte de Bar-Kochba. Le nom est choisi pour humilier les Juifs dont les Philistins étaient des ennemis anciens, de la même manière Hadrien rebaptise Jérusalem en Aelia Capitolina. Au XIX siècle, on utilise le terme “Syrie du Sud” pour parler de cette province de Judée. On parle également des Juifs et des Arabes de Palestine mandataire avant la création de l’état d’Israël. La notice de Larousse 1925 précise : PALESTINE : contrée de la Syrie, entre la Phénicie au Nord, la mer Morte au Sud, la Méditerranée à l’Ouest, et le désert de Syrie à l’Est, arrosé par le Jourdain. C’est une bande de terre étroite, resserrée entre la mer le Liban, et parcourue par le Jourdain, qui s’y jette dans la mer Morte. C’est aujourd’hui un État juif sous le mandat de l’Angleterre ; 770.000 habitants. Capitale Jérusalem. Le drapeau de la Palestine figurant dans l’édition du Larousse de 1934 est bleu et blanc avec Magen David (étoile de David) au centre. Cela explique que les titres de la presse narrent les événements de mai 1948 en donnant au nom Palestine un sens géographique : le journal parisien L’Intransigeant titre « Les Arabes envahissent la Palestine » ; Le Soir, journal belge annonce :« Les troupes arabes envahissent la Palestine » (16 mai 1948), L’Humanité parle du « gouvernement juif de Palestine » (15 mai 1948) ; Paris Presse titre : « Les forces arabes coalisées envahissent la Palestine » (16-17 mai 1948) ; Le Figaro constate : « Les troupes arabes franchissent les frontières de Palestine » (15 mai). De la même manière, en anglais, le 4 décembre 1945, le New York Times titre Arabs to boycott Palestinian goods — c’est-à-dire les marchandises juives. Par ailleurs, le premier état palestinien est appelé Transjordanie. 77% de territoire originel avaient été soustraits au futur État juif par la Grande Bretagne, pour être offerts à l’émir Abdallah, en remerciement de son aide contre l’Empire Ottoman pendant la première guerre mondiale. Voici la carte
La mutation sémantique contemporaine (désignation d’une entité qui aspire à la souveraineté nationale et géo-politique) apparaît après 1964, à la suite de la création de l’OLP. Ainsi, dire que les Palestiniens sont les Philistins est une erreur historique et linguistique. La chaine publique RFI se réclamant du partenariat avec la DGLFLF contrevient à toute éthique d’information. Je vous prie de rectifier cette erreur. Pour des informations factuelles et historiques, voici un article de mon collègue qui rectifie cette erreur. Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de ma considération. Yana Grinshpun MCF Sciences du Langage. Université Paris III-Sorbonne Nouvelle. Responsable de l’axe “Nouvelles radicalités” au sein du RRA (Réseau de recherche sur le racisme et l’antisémitisme)
Madame, Monsieur,
J’attire votre attention sur une erreur linguistique et historique commise par un présentateur du podcast “Palestine RFI+français facile”. Ce podcast est diffusé en partenariat avec la DGLFLF, que j’ai contactée également.
https://francaisfacile.rfi.fr/fr/podcasts/les-mots-de-l-actualit%C3%A9/20230531-palestine
Je vous signale une information erronée historique et linguistique diffusée par RFI au sujet du mot « Palestine » ainsi qu’au sujet de l’histoire de cette région. Dans le podcast diffusé par RFI, un commentateur explique que les Palestiniens sont les Philistins. C’est faux. Si le nom “Palestine” est effectivement mentionné par Hérodote au V siècle avant notre ère, il renvoie au peuple appelé dans les textes hébreux “Philistins”. Ce nom vient de la racine hébraïque [p-l-š] et signifie « invasion », « intrusion ». Les Philistins étaient un peuple indo-européen, disparu vers le Ve siècle avant notre ère. Ils n’ont rien à voir avec les Arabes (peuple sémitique) de Palestine dont parle le podcast. La population arabe de la Palestine actuelle provient de trois groupes :
-envahisseurs musulmans depuis le VIIe siècle et leurs descendants
-immigrants arabes attirés par les emplois créés par les Juifs au XIXe et XXe siècles
-convertis locaux à l’islam
Le nom “Palestine” est donné au royaume de Judée en 135 de notre ère par l’empereur romain Hadrien, suite à la révolte de Bar-Kochba. Le nom est choisi pour humilier les Juifs dont les Philistins étaient des ennemis anciens, de la même manière Hadrien rebaptise Jérusalem en Aelia Capitolina. Au XIX siècle, on utilise le terme “Syrie du Sud” pour parler de cette province de Judée. On parle également des Juifs et des Arabes de Palestine mandataire avant la création de l’état d’Israël.
La notice de Larousse 1925 précise :
PALESTINE : contrée de la Syrie, entre la Phénicie au Nord, la mer Morte au Sud, la Méditerranée à l’Ouest, et le désert de Syrie à l’Est, arrosé par le Jourdain. C’est une bande de terre étroite, resserrée entre la mer le Liban, et parcourue par le Jourdain, qui s’y jette dans la mer Morte. C’est aujourd’hui un État juif sous le mandat de l’Angleterre ; 770.000 habitants. Capitale Jérusalem.
Le drapeau de la Palestine figurant dans l’édition du Larousse de 1934 est bleu et blanc avec Magen David (étoile de David) au centre. Cela explique que les titres de la presse narrent les événements de mai 1948 en donnant au nom Palestine un sens géographique : le journal parisien L’Intransigeant titre « Les Arabes envahissent la Palestine » ; Le Soir, journal belge annonce :« Les troupes arabes envahissent la Palestine » (16 mai 1948), L’Humanité parle du « gouvernement juif de Palestine » (15 mai 1948) ; Paris Presse titre : « Les forces arabes coalisées envahissent la Palestine » (16-17 mai 1948) ; Le Figaro constate : « Les troupes arabes franchissent les frontières de Palestine » (15 mai). De la même manière, en anglais, le 4 décembre 1945, le New York Times titre Arabs to boycott Palestinian goods — c’est-à-dire les marchandises juives.
Par ailleurs, le premier état palestinien est appelé Transjordanie. 77% de territoire originel avaient été soustraits au futur État juif par la Grande Bretagne, pour être offerts à l’émir Abdallah, en remerciement de son aide contre l’Empire Ottoman pendant la première guerre mondiale.
Voici la carte
La mutation sémantique contemporaine (désignation d’une entité qui aspire à la souveraineté nationale et géo-politique) apparaît après 1964, à la suite de la création de l’OLP. Ainsi, dire que les Palestiniens sont les Philistins est une erreur historique et linguistique. La chaine publique RFI se réclamant du partenariat avec la DGLFLF contrevient à toute éthique d’information.
Je vous prie de rectifier cette erreur.
Pour des informations factuelles et historiques, voici un article de mon collègue qui rectifie cette erreur.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de ma considération.
Yana Grinshpun
MCF Sciences du Langage. Université Paris III-Sorbonne Nouvelle. Responsable de l’axe “Nouvelles radicalités” au sein du RRA (Réseau de recherche sur le racisme et l’antisémitisme)
« Ce post est un relevé d’information de notre veille d’information »