Read More La raison, la morale ou encore la vérité n’ont que peu d’importance quand il s’agit de se dresser, idéologie en bandoulière et regard fixé sur les lendemains qui chantent – qu’importent les cadavres semés en chemin, qu’importent les dommages collatéraux. Sabina, Tchèque exilée à Paris, magnifique personnage de métèque dans L’Insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera, ne supporte pas les manifestations de soutien aux opposants politiques tchèques : elle ne parvient pas à les différencier des manifestations staliniennes du 1er mai à Prague. La masse des visages indifférenciés tendus vers le même but, les poings levés avec la même conviction, la dégoûtent avec la même force. Sabina aurait détesté et les néoféministes et les radicaux de gauche. Elle aurait ri avec Frédéric Beigbeder et fait de grands yeux ronds face à Jean-Marc Rouillan (le cofondateur d’Action directe), avant de lui tourner le dos avec consternation. Ce sont les deux personnages de ma chronique.Frédéric Beigbeder a de l’humour. Pire : il exerce son humour malgré l’époque. En commettant un nouveau livre, Confession d’un hétérosexuel légèrement dépassé, il a osé, le sagouin, s’amuser de la démonétisation de l’homme blanc hétérosexuel au nom de ses nombreuses victimes – les femmes, toutes les femmes, l’homme colonisé, le climat, la nature et les poissons rouges… – en retournant l’attaque : « Je n’ai pas choisi d’être un homme, ni d’être blanc, ni de désirer les femmes, ni de naître en 1965. Critiquer le mâle blanc hétéro de plus de 50 ans, c’est être raciste quatre fois. J’en ai marre que l’hétérosexuel soit partout traité de connard, de beauf, de porc, de bourrin. » Amen. Mais attention, pas fou le Beigbeder : il a pris toutes les précautions d’usage en alignant comme un bon élève tous les chiffres qui disent la violence faite aux femmes, etc., qu’il répète ad nauseam lors des interviews pensant se prémunir des accusations des néoféministes… Pensez-vous !Dignes héritières des mères la morale du XIXe siècle, elles lèvent les yeux au ciel et lui expliquent comme à un enfant que, malgré ces gages, ces chiffres et ces déclarations, il ne peut s’empêcher d’être le connard patriarcal qu’il est dans le fond. Peut-être que Frédéric Beigbeder est un connard, peut-être qu’il n’est même pas sympathique, mais il ne fait pas l’apologie du viol, il ne dénie pas aux femmes leurs droits, pas plus qu’il ne veut instaurer une société inégalitaire où les hétéros domineraient les autres à coups de lois ou d’échafaud. C’est pourquoi il est fou qu’il ait dû se rendre sous protection policière, ce 21 avril, à une rencontre à la libraire Mollat de Bordeaux, après que la devanture de la librairie a été maculée d’insultes outrancières voire menaçantes (« aie peur de nos envies meurtrières »), et qu’il ait dû en repartir en douce pour éviter l’incident. J’espérais, après le soulèvement des Iraniens face à un Etat patriarcal pour de vrai ou devant la démonstration de l’abject patriarcat en Afghanistan, un réajustement du discours de nos néoféministes, qui bénéficient de toute l’étendue de l’Etat de droit, choisissent leur vie et leur boulot sans risquer quoi que ce soit. Ces outrances d’enfants gâtées (et souvent : bourgeoises) m’ont toujours laissée interdite.En revanche, nulle attaque, aucune manifestation, aucune inscription insultante n’est venue entacher la conférence que donnait Jean-Marc Rouillan à l’université de Bordeaux moins d’un mois avant (le 28 mars). Figure du groupe terroriste Action directe, condamné à perpétuité pour les meurtres de René Audran et Georges Besse, Rouillan s’est même offert le luxe de n’afficher aucun regret, et a poursuivi de sa rage la République et la paix – en témoigne sa défense des terroristes islamistes : « Moi je les ai trouvés très courageux, ils se sont battus courageusement, ils se battent dans les rues de Paris, ils savent qu’il y a deux ou trois mille flics autour d’eux. Les frères Kouachi, quand ils étaient dans l’imprimerie, ils se sont battus jusqu’à leur dernière balle. » Trouver du courage à des tueurs qui tirent sur une foule désarmée en terrasse, dans une salle de concert, un supermarché ou la rédaction d’un journal, démontre à quel point Rouillan mérite une place en prison. Mais les étudiants bordelais ont préféré l’applaudir en l’invitant à s’exprimer sur la dictature d’Etat en France et autres élucubrations que seule une vraie démocratie peut supporter.Abnousse Shalmani écrivain et journaliste engagée contre l’obsession identitaire.
La raison, la morale ou encore la vérité n’ont que peu d’importance quand il s’agit de se dresser, idéologie en bandoulière et regard fixé sur les lendemains qui chantent – qu’importent les cadavres semés en chemin, qu’importent les dommages collatéraux. Sabina, Tchèque exilée à Paris, magnifique personnage de métèque dans L’Insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera, ne supporte pas les manifestations de soutien aux opposants politiques tchèques : elle ne parvient pas à les différencier des manifestations staliniennes du 1er mai à Prague. La masse des visages indifférenciés tendus vers le même but, les poings levés avec la même conviction, la dégoûtent avec la même force. Sabina aurait détesté et les néoféministes et les radicaux de gauche. Elle aurait ri avec Frédéric Beigbeder et fait de grands yeux ronds face à Jean-Marc Rouillan (le cofondateur d’Action directe), avant de lui tourner le dos avec consternation. Ce sont les deux personnages de ma chronique.
Frédéric Beigbeder a de l’humour. Pire : il exerce son humour malgré l’époque. En commettant un nouveau livre, Confession d’un hétérosexuel légèrement dépassé, il a osé, le sagouin, s’amuser de la démonétisation de l’homme blanc hétérosexuel au nom de ses nombreuses victimes – les femmes, toutes les femmes, l’homme colonisé, le climat, la nature et les poissons rouges… – en retournant l’attaque : « Je n’ai pas choisi d’être un homme, ni d’être blanc, ni de désirer les femmes, ni de naître en 1965. Critiquer le mâle blanc hétéro de plus de 50 ans, c’est être raciste quatre fois. J’en ai marre que l’hétérosexuel soit partout traité de connard, de beauf, de porc, de bourrin. » Amen. Mais attention, pas fou le Beigbeder : il a pris toutes les précautions d’usage en alignant comme un bon élève tous les chiffres qui disent la violence faite aux femmes, etc., qu’il répète ad nauseam lors des interviews pensant se prémunir des accusations des néoféministes… Pensez-vous !
Dignes héritières des mères la morale du XIXe siècle, elles lèvent les yeux au ciel et lui expliquent comme à un enfant que, malgré ces gages, ces chiffres et ces déclarations, il ne peut s’empêcher d’être le connard patriarcal qu’il est dans le fond. Peut-être que Frédéric Beigbeder est un connard, peut-être qu’il n’est même pas sympathique, mais il ne fait pas l’apologie du viol, il ne dénie pas aux femmes leurs droits, pas plus qu’il ne veut instaurer une société inégalitaire où les hétéros domineraient les autres à coups de lois ou d’échafaud. C’est pourquoi il est fou qu’il ait dû se rendre sous protection policière, ce 21 avril, à une rencontre à la libraire Mollat de Bordeaux, après que la devanture de la librairie a été maculée d’insultes outrancières voire menaçantes (« aie peur de nos envies meurtrières »), et qu’il ait dû en repartir en douce pour éviter l’incident. J’espérais, après le soulèvement des Iraniens face à un Etat patriarcal pour de vrai ou devant la démonstration de l’abject patriarcat en Afghanistan, un réajustement du discours de nos néoféministes, qui bénéficient de toute l’étendue de l’Etat de droit, choisissent leur vie et leur boulot sans risquer quoi que ce soit. Ces outrances d’enfants gâtées (et souvent : bourgeoises) m’ont toujours laissée interdite.
En revanche, nulle attaque, aucune manifestation, aucune inscription insultante n’est venue entacher la conférence que donnait Jean-Marc Rouillan à l’université de Bordeaux moins d’un mois avant (le 28 mars). Figure du groupe terroriste Action directe, condamné à perpétuité pour les meurtres de René Audran et Georges Besse, Rouillan s’est même offert le luxe de n’afficher aucun regret, et a poursuivi de sa rage la République et la paix – en témoigne sa défense des terroristes islamistes : « Moi je les ai trouvés très courageux, ils se sont battus courageusement, ils se battent dans les rues de Paris, ils savent qu’il y a deux ou trois mille flics autour d’eux. […] Les frères Kouachi, quand ils étaient dans l’imprimerie, ils se sont battus jusqu’à leur dernière balle. » Trouver du courage à des tueurs qui tirent sur une foule désarmée en terrasse, dans une salle de concert, un supermarché ou la rédaction d’un journal, démontre à quel point Rouillan mérite une place en prison. Mais les étudiants bordelais ont préféré l’applaudir en l’invitant à s’exprimer sur la dictature d’Etat en France et autres élucubrations que seule une vraie démocratie peut supporter.
Abnousse Shalmani écrivain et journaliste engagée contre l’obsession identitaire.
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