Droit / Droite

Droit / Droite

Françoise Nore

Linguiste et essayiste

Table des matières

Droit / Droite

[par Françoise Nore]

Le lexique français contient deux mots ayant la forme droit : l’un, adjectif signifiant « juste, vrai, exact, honnête », provient du latin directus « direct, juste » et « sans courbure », participe passé du verbe dirigere « diriger » ; l’autre, dont les sens sont « ensemble des lois » et « autorisation, permission », est issu du nom de bas latin directum, lui-même substantivation de l’adjectif directus. Ce nom directum avait, dès le haut Moyen Âge, les significations de « justice, application des règles » et de « ensemble des lois ».

Le verbe latin dirigere, à l’origine de droit,est lui-même un descendant de regere, qui signifia d’abord « diriger en droite ligne », puis « diriger, commander ». Tous les termes issus de regere contiennent l’idée de ligne droite, horizontale ou verticale, au sens littéral comme au sens figuré ; en français, ces notions se retrouvent par exemple dans correct, direct, ériger, recteur ou régime, tous issus de descendants de regere.

Si l’étymologie de droit est donc clairement établie, il reste intéressant d’examiner la racine indo-européenne qui fournit regere. Il s’agit de la racine *reg-, à laquelle on attribue le sens de « se déplacer en ligne droite ». Cette racine a essaimé en latin : outre regere, elle est aussi à l’origine de regula « règle », mais aussi,vraisemblablement, de rex « roi », forme qui poursuit un ancien *regs, postulé par le génitif singulier regis.

*Reg- fournit également des mots aux langues germaniques ; on lui doit notamment rich « riche » et right « droit », « juste »en anglais, reich « riche » en allemand, étymon du mot français riche. Cette racine donna aussi des termes au sanscrit, comme le nom raja « roi », présent en composition dans maharajah, littéralement « grand roi ». Il est remarquable que tous les dérivés de *reg- ont conservé ce sens de rectitude auquel s’ajoute, pour certains, celui de monarque : est roi celui qui possède le droit et qui sait diriger.

Les significations des divers descendants de *reg- se retrouvent dans les sens que prirent droit et droite au fil des siècles. Ainsi, la première attestation de droit,relevée dans les Serments de Strasbourg (842) dans la phrase « cum om per dreit son fradra salvar dift », que l’on peut traduire par « comme on doit sauver son frère en vertu du droit », montre que ce mot se réfère déjà à ce qui est moral et juste.

Toutes les attestations ultérieures de droit, qu’il s’agisse du substantif ou de l’adjectif, poursuivent ces sémantismes, mais introduisent aussi celui de franchise : « directement, sans détour » (vers 1050), « juste, vrai, exact » (également vers 1050), « ce qui est permis selon la législation » (vers 1100), puis, figurément, « honnête, franc » (vers 1100) : ce qui est sans courbure, pour se référer à l’un des sens latins de directus, est donc jugé honnête ; la rectitude physique et l’exactitude s’enrichissent de la droiture morale. D’autres significations de droit seront relevées dans la littérature : « régulier, bien fait » (1160), « opposé au côté gauche » (XVe siècle).

De son côté, le nom droit prit très tôt les sens que nous lui connaissons : « lois d’un peuple, législation » (1155) et « chose que l’on peut revendiquer » (1160). Et, en 1793, le nom féminin droite est attesté dans le Journal de Paris ; il y est question des « députés de la droite de l’Assemblée ».

En résumé, l’on constate que, dès ses premières utilisations, l’adjectif droit s’appliquait à des qualités de haute valeur morale ; en outre, droit qualifiait ce qui était jugé comme étant correctement conçu ou régulier. Cela nous conduit à nous interroger sur le choix des mots droite et gauche en politique. Pour expliquer ce fait, il convient de remonter à la Révolution française : les députés favorables à la monarchie s’installèrent dans la partie droite de l’hémicycle, probablement en référence aux diverses significations de droit ; prendre place à droite signifiait défendre ce que l’on estimait être juste, correct, respectueux des règles. Ces notions s’opposent d’ailleurs aux différents sens de gauche : en plus de celui de « opposé au côté droit », gauche avait eu, au fil des siècles, les sens de « mal fait, fait de travers », de « bâtard » puis de « maladroit ». Dans l’esprit des députés monarchistes du XVIIIe siècle finissant, par fidélité au roi et par conviction, il n’aurait donc su être question d’occuper d’autres places que celles situées à la droite du président de l’assemblée, au vu des significations positives de droit.

Françoise Nore

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    Soutien à notre collègue Bergeaud-Blackler

    Florence Bergeaud-Blackler, chercheuse au CNRS, devait donner une conférence à l’Université de Lille sur un sujet brûlant : l’influence des Frères musulmans et l’entrisme islamiste dans certains syndicats et mouvements de gauche. Pourtant, sa conférence a été annulée. Cette décision, prise par le doyen, est un acte politique qui ne dit pas son nom. Une fois de plus, l’université cède aux pressions idéologiques et sacrifie le débat scientifique sur l’autel du conformisme militant.
     
    Cette annulation n’est pas un cas isolé. Elle s’inscrit dans un climat où toute critique de l’islamisme est immédiatement disqualifiée, où ceux qui osent poser des questions sont taxés de “racistes” ou d’“extrême droite”. Dans les sciences sociales, en particulier, la règle tacite est claire : on se soumet ou on dégage. Ceux qui refusent de plier sont mis à l’écart, leurs conférences interdites, leurs noms jetés en pâture à des étudiants dressés à confondre débat intellectuel et offense personnelle.
     
    Comment expliquer que des syndicats, censés défendre la liberté d’expression, se soient transformés en gardiens du dogme ? Pourquoi tant de collègues se taisent, sinon par peur ? Cette lâcheté collective est précisément ce qui permet aux censeurs d’imposer leur loi. Mais il faut le dire : l’Université ne peut pas devenir un espace clos où seuls certains discours sont autorisés.
     
    Face à cette censure, la chercheuse a décidé de maintenir sa conférence, ailleurs s’il le faut. Le débat aura lieu le 5 mars, avec le plus grand nombre possible de participants. Car la lutte contre l’islamisme et ses complicités idéologiques n’est pas une affaire de partis : c’est une question existentielle pour notre démocratie.
    L’Université doit rester un lieu de savoir et d’échange, pas un bastion du sectarisme.