Du danger de définir un mot : « racisme »

Du danger de définir un mot : « racisme »

Collectif

Tribune des observateurs

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Du danger de définir un mot : « racisme »

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Dans l’excellent documentaire réalisé par Bernard de la Villardière et diffusé sur M6 (Minorités, Genre et racialisme), un moment fait frémir qui montre peut être que le danger n’est pas où nous pensons qu’il est généralement – et quand je dis « nous » ici, je pense à tous nos amis de la gauche républicaine universaliste.

Un premier moment (11 »39 du documentaire) montre des hommes et des femmes réunis en séminaire d’entreprise pour être « conscientisés » au racisme systémique, c’est-à-dire évangélisés à la cause woke aux frais du système qu’ils sont censés dénoncer (étonnant d’ailleurs de voir tous ces gens anti-systèmes être financés par le système qu’ils dénoncent sans que jamais personne ne songe à leur faire remarquer qu’ils sont en fait les parfaits agents du système).

Qu’est-ce que le racisme ? C’est la perpétuation de l’oppression, de l’exclusion et de la discrimination par des privilégiés sur des critères de race

C’est alors que le formateur projette une diapositive définissant le racisme. Voici ce qu’on lit : « le racisme est un usage du pouvoir par un groupe de privilégiés pour opprimer, discriminer (une minorité) sur un critère de race ». Puis le formateur embraye en expliquant que c’est toute forme de discrimination assimilée au privilège blanc.

Ce passage fait écho à un autre moment assez inquiétant.

On filme à ce moment là un jeune étudiant sur le campus de l’UCLA, « l’élite et l’avenir de l’Amérique » (32 »11 du film), s’exprimer en public. On entend alors ce jeune homme, que l’on retrouve sur les pages des annales de l’UCLA pour l’ouverture du Centre de ressource de son mouvement, dire :

It’s important you know that: we believe in abolition of democracy

Treece Denshaw, 32″11 du reportage.
https://newsroom.ucla.edu/stories/ucla-creates-black-bruin-resource-center

Ces deux passages sont intimement liés car en réalité les groupes de conscientisation expriment tous la même idée, à savoir que le racisme consiste en l’oppression par un groupe majoritaire de groupes minoritaires … ce qui est à pourtant à proprement parler la définition minimaliste de la démocratie populaire: la prédominance du choix de la majorité s’impose à la minorité1.

Et à partir du moment où vous arrivez à faire passer le message que « la démocratie, c’est le racisme », il est assez facile de comprendre que tout anti-racisme – au sens novlangue de la chose – est en fait une lutte à mort contre la démocratie. Il ne faut donc pas se tromper aujourd’hui quand on oppose à l’universalisme démocratique les luttes « anti-racistes »: la clé de voûte de l’argumentation qui nous est opposée repose sur une lutte à mort contre l’idéal majoritaire porté par la figure du peuple, indivisible. Et n’oublions jamais qu’une alliance de deux groupes minoritaires peut très facilement construire un groupe majoritaire.

Le jeune étudiant qui ose brailler qu’il lutte pour l’abolition de la démocratie peut le faire parce qu’il est légitimé par la connotation positive de la lutte anti-raciste. Mais attention, c’est surtout que la notion de « racisme » aujourd’hui est un mot-clé crypté qui fédère des mouvements considérant le peuple comme une entité oppressive et raciste dont l’expression légitime est jugée impertinente – voire criminelle. Ce qui est au coeur du débat, ce n’est donc pas « la république » comme on le lit trop souvent: mais bien « la démocratie » et l’image que nous nous faisons du « peuple fraternel et indivisible ».

Et juste après, vient la question de la représentation. Si la minorité devient en quelque sorte l’unique élément du monde moderne, alors la question de sa représentation devient un enjeu crucial: il ne s’agit plus de représenter le peuple dans l’hémicycle, mais bien de désigner des émissaires auprès du pouvoir. La logique participative de la démocratie populaire s’effondrera pour laisser place à un espace fédéral composé de délégués garants des intérêts des groupes particuliers contre le pouvoir, implicitement hégémonique et colonial.

Auteur

Notes de Bas de page

  1. Bien sûr, il s’agit d’un raccourci étymologique. Une démocratie doit aussi avoir un système de contre-pouvoirs, d’état de droit, pour justement garantir que les minorités ne soient pas opprimées. 

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