Gauche

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Collectif

Tribune des observateurs

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Gauche

[par Françoise Nore]

Il existe deux adjectifs de forme gauche ; l’un sert à indiquer la situation spatiale d’une personne ou d’une chose, l’autre qualifie un humain dont on souligne la maladresse. Mais cette brève présentation dissimule des faits qui sont, en réalité, beaucoup plus complexes.

Le premier adjectif gauche est attesté vers 1225, avec la graphie guauche ; il signifie alors « mal fait, de travers ». Il faudra attendre 1660 pour qu’il soit consigné avec le sens de « maladroit », familier aux locuteurs francophones. Cette nouvelle signification, enregistrée par Antoine Oudin (1595-1653) dans son dictionnaire intitulé Curiositez françoises, relève d’une métaphore sinon féroce, à tout le moins hardie : celui qui est maladroit ne peut qu’être difforme ; d’ailleurs, gauche « maladroit » est qualifié par Oudin de « vulgaire ». En outre, le lexicographe cite l’expression aujourd’hui disparue estre du costé gauche, qu’il glose par « [être] bastard ». Manifestement, être désigné comme étant gauche en ces temps reculés n’était guère valorisant.

Tandis que ce qualificatif gauche changeait ainsi de sens, il apparut, en 1471, un autre adjectif de même prononciation, graphié alors gaulche, qui signifiait « opposé au côté droit, du côté du cœur ». Toutefois, il existait déjà un parfait synonyme de gauche « opposé au côté droit ». Il s’agit de senestre mais, pour des raisons inconnues, gauche élimina senestre, pourtant largement employé et fort anciennement implanté en français, puisque la première attestation écrite de senestre remonte aux environs de l’an 1100, date de rédaction de La Chanson de Roland. Gauche s’impose donc ; présent en 1549 sous sa graphie définitive, il se spécialise dans les indications d’ordre spatial avant de prendre en 1790, sous la plume de Mirabeau, le sens politique que nous lui connaissons.

Or, si l’étymologie de droit, venu d’une famille latine dont font également partie des mots aussi différents que diriger ou érection, est transparente et bien établie, il n’en va pas de même pour les deux mots gauche : leur origine reste obscure, voire inconnue, et toutes les hypothèses avancées par les lexicologues restent fragiles et invérifiables, en dépit de l’abondance des documents anciens parvenus jusqu’à nous. Naturellement, il est tentant de se livrer à une sorte d’allégorie lexicale et de transposer, dans le domaine de la politique, le fait que gauche est d’origine inconnue. L’on pourrait également s’autoriser à faire remarquer que si senestre descend du latin sinister « gauche, du côté gauche », il est aussi frère de sinistre, puisque ce dernier est un emprunt de ce même sinister, qui avait également pour sens « fâcheux, funeste ». La somme de ces faits constitue donc une famille sémantique peu fréquentable, mais, par charité, nous n’en parlerons pas ; ne faisons pas montre de mauvais esprit.

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    Soutien à notre collègue Bergeaud-Blackler

    Florence Bergeaud-Blackler, chercheuse au CNRS, devait donner une conférence à l’Université de Lille sur un sujet brûlant : l’influence des Frères musulmans et l’entrisme islamiste dans certains syndicats et mouvements de gauche. Pourtant, sa conférence a été annulée. Cette décision, prise par le doyen, est un acte politique qui ne dit pas son nom. Une fois de plus, l’université cède aux pressions idéologiques et sacrifie le débat scientifique sur l’autel du conformisme militant.
     
    Cette annulation n’est pas un cas isolé. Elle s’inscrit dans un climat où toute critique de l’islamisme est immédiatement disqualifiée, où ceux qui osent poser des questions sont taxés de “racistes” ou d’“extrême droite”. Dans les sciences sociales, en particulier, la règle tacite est claire : on se soumet ou on dégage. Ceux qui refusent de plier sont mis à l’écart, leurs conférences interdites, leurs noms jetés en pâture à des étudiants dressés à confondre débat intellectuel et offense personnelle.
     
    Comment expliquer que des syndicats, censés défendre la liberté d’expression, se soient transformés en gardiens du dogme ? Pourquoi tant de collègues se taisent, sinon par peur ? Cette lâcheté collective est précisément ce qui permet aux censeurs d’imposer leur loi. Mais il faut le dire : l’Université ne peut pas devenir un espace clos où seuls certains discours sont autorisés.
     
    Face à cette censure, la chercheuse a décidé de maintenir sa conférence, ailleurs s’il le faut. Le débat aura lieu le 5 mars, avec le plus grand nombre possible de participants. Car la lutte contre l’islamisme et ses complicités idéologiques n’est pas une affaire de partis : c’est une question existentielle pour notre démocratie.
    L’Université doit rester un lieu de savoir et d’échange, pas un bastion du sectarisme.