Islamophobie, victimisme, identitarisme

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Islamophobie, victimisme, identitarisme

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Islamophobie, victimisme, identitarisme

par Jean Szlamowicz

La légitimité sociale est aujourd’hui fondée sur la victimisation. C’est un enjeu dont la pensée décoloniale s’est saisi pour transférer ce statut de l’individu au groupe: être victime collectivement ouvre sur une reconnaissance qui n’est pas sans affinités avec la revendication d’une discrimination positive, voire avec une justification du séparatisme culturel. Il fallait donc inventer le racisme d’État et l’islamophobie d’État pour réclamer une reconnaissance communautaire passant allégrement par-dessus les exigences de la laïcité et de ce que l’on a hypocritement nommé le «vivre-ensemble».

On sait que les embrigadements commencent avec la séduction des mots: en insérant le mot islamophobie dans un dispositif de lutte contre une injustice, ses propagateurs ont su ainsi inscrire la défense de l’islam dans le camp du soi-disant progressisme alors même qu’il est devenu un concept offensif servant à faire taire les critiques politiques et philosophiques de l’entrisme islamique.

Polarisations

Bien sûr, les défenseurs du mot le jugent utile pour faire valoir la stigmatisation sociale qui pèserait sur les musulmans. Mais créer une catégorie socio-politique comme islamophobie, ce n’est pas seulement utiliser un mot: c’est aussi faire appel à un ensemble de discours qui sont considérés comme vérifiés par l’existence du terme. En faisant la promotion d’une dénomination comme islamophobie, on accrédite une définition victimaire de l’islam en France. Comme le CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France) l’avait bien compris, une telle posture est idéologiquement porteuse et permet de créer une polarisation justement génératrice d’amalgames. Le mot charrie avec lui l’idée que l’islamophobie serait la condition musulmane même et que la France ne serait ainsi qu’une terre d’apartheid. On a là les ingrédients d’une conception conflictuelle du social construisant un manichéisme qui tend le piège de l’identification et de l’embrigadement des musulmans «contre» la France. Le discours décolonial exacerbe ce simplisme dans le cadre de la «morale victimaire manichéenne» que décrit le sociologue Shmuel Trigano: «la condition de victime est la seule source de légitimité pour la “minorité”» (La nouvelle idéologie dominante. Le post-modernisme, Hermann, 2012, p. 70).

La logique de sanctification de l’islamophobie comme identité sociale rend les musulmans prisonniers d’une alternative fausse, créatrice de dissensions aux effets sociaux dévastateurs, obligeant chacun au tout ou rien de la loyauté politique. Cette logique entretient notamment une conscience communautaire qui se définit par la victimisation. C’est ainsi que Didier Lemaire, professeur de philosophie de Trappes ayant osé écrire contre l’islamisme, se retrouve face à l’hostilité de ses élèves: «Mes élèves m’ont demandé pourquoi j’avais écrit “contre eux”»: tel est le résultat de cette logique d’antagonisme et de polarisation que promeut la notion d’islamophobie.

Comme le remarque le psychanalyste Daniel Sibony, Ben Laden avait donné ses raisons pour l’attentat du 11 septembre: «“effacer l’humiliation”. Mais laquelle? Le colonialisme? L’islam l’a aussi pratiqué et ses colonisés n’ont pas eu cette réaction.» Sibony parle alors de cette «incandescence identitaire» que propose le radicalisme islamique. Une telle culture du ressentiment, aveugle à sa propre histoire, est un danger pour les musulmans sommés de céder à cet enrôlement narcissique identitaire.

L’islamisme consiste d’abord à faire croire aux musulmans que leur loyauté culturelle résiderait dans l’adoption du fondamentalisme, ce qui est heureusement loin d’être le cas socialement. Mais c’est le leurre identitaire que relaient les décolonialistes: il n’y aurait d’identité que dans la lutte contre la culture française. Ce piège enferme alors les musulmans dans un séparatisme forcé consistant à se figer dans la posture de la victime. C’est ce que cristallise le mot islamophobie et qu’a si intensément exploité le CCIF — qui fut reconnu d’utilité générale par le pouvoir en place — et tous ceux qui par électoralisme, opportunisme ou compassion égarée, ont trouvé un intérêt à exalter l’imaginaire de la persécution pour lui construire un avenir en forme de revanche.

L’OCI et la tactique de l’islamophobie

L’émergence politique du mot islamophobie est clairement liée à la montée en puissance de l’islamisme dans les sociétés occidentales. L’Organisation de la Coopération Islamique, bloc de 57 États représentés à l’ONU, a adopté au Caire le 5 août 1990, une Déclaration des droits de l’homme en Islam qui définit les droits et libertés par rapport à leur conformité à la Charia:

la liberté d’opinion et d’expression est garantie pour tous […] Mais cette liberté est limitée pour éviter qu’elle ne soit mal utilisée : il y a des frontières à ne pas franchir, sinon ce serait le chaos total, la violation des lois d’Allah, l’oppression des individus et la décadence de la société. Les restrictions à cette liberté sont les suivantes: […]

Il est interdit de s’attaquer aux croyances sacrées admises par la société islamique telles que l’existence d’Allah, la véracité de la prophétie de Muhammad et éviter tout ce qui est de nature à porter atteinte à l’Islam et à ses fidèles

Ainsi définis, les droits islamiques se heurtent de front à la liberté d’expression telle qu’elle existe en Occident. Dans le cadre d’un rapport de force diplomatique, la notion d’islamophobie a clairement pour ambition de devenir un concept juridique criminalisant la critique de l’islam, sur le plan théologique et politique. Tel est donc l’aboutissement logique du fondamentalisme tel qu’il est promu à l’ONU et à l’Unesco. Ces textes sont en effet le prolongement de la Déclaration islamique universelle des droits de l’homme promulguée par le Conseil Islamique d’Europe en 1981 à Paris, lors d’une réunion organisée à l’Unesco. On y lisait que «Toute personne a le droit d’exprimer ses pensées et ses convictions dans la mesure où elle reste dans les limites prescrites par la Loi.»… mais il fallait l’interpréter en fonction d’un ajout explicatif figurant à la fin du texte: «Le terme “Loi” signifie la shari’ah».

La promotion du concept d’islamophobie s’est donc faite dans le cadre institutionnel et diplomatique par la pression de l’OCI qui héberge sur son site un Observatoire de l’islamophobie. La Charte de L’OCI promet d’ailleurs de «lutter contre la diffamation de l’Islam» et d’«aider les minorités […] musulmanes vivant à l’extérieur des États membres à préserver leur dignité et leur identité culturelle et religieuse».

Cette conception d’un islam qui s’exercerait dans tous les pays comme dans les Etats gouvernés par la charia est proprement islamiste. Pierre-André Taguieff le rappelait dans L’islamisme et nous (2017): «un individu musulman ne se réduit pas au fait d’être musulman, sauf, précisément, s’il est l’adepte d’une forme d’islamisme. Dans ce cas, son identité personnelle est d’être un “soldat de l’islam” engagé dans des actions de propagande ou dans une guerre contre les non musulmans ou les “mauvais” musulmans» (p. 190).

Sous l’influence de l’OCI, c’est cette conception de l’islam que véhicule l’idée d’islamophobie. Sous prétexte de lutter contre le fondamentalisme, en noyautant le programme d’«Alliance des civilisations» (2004) avec le soutien de la Ligue Arabe et de la Turquie d’Erdogan, l’OCI entend valoriser l’islam dans la culture occidentale, ce que l’Union Européenne a accepté au fil des textes et traités, avec un volontarisme qui explique les valses-hésitations des gouvernements successifs vis-à-vis de la question islamique.

Étant donnée cette culture politique stigmatisant toute offense faite à l’islam et aux musulmans comme «islamophobe», comment s’étonner des attentats de Charlie Hebdo, de l’assassinat de Samuel Paty et de la longue liste des passages à l’acte des individus chauffés à blanc par le discours anti-islamophobe?

Quand l’imam de la mosquée d’Al-Azhar, cheikh Ahmed al-Tayeb, condamne du bout des lèvres la décapitation de Samuel Paty, c’est en rappelant que l’insulte envers les religions au nom de la liberté d’expression constitue «un appel à la haine». Ce double discours, où la condamnation du crime joue un rôle argumentatif de concession, permet de rappeler la norme interprétative islamique qui subordonne la libre pensée au respect de la charia. Tout manquement est considéré comme atteinte à l’islam et permet une mise en scène victimaire de la foi véritable humiliée par l’Occident.

La rhétorique de l’humiliation des musulmans est en fait un discours de toute puissance: la critique est considérée comme une agression et justifie des représailles. Telle est la pensée théologico-politique à l’œuvre dans l’accusation d’islamophobie. Loin d’un concept sociologique, comme le croient les bonnes âmes occidentales en projetant une forme d’empathie bienveillante, naïve et doloriste, l’islamophobie est le paravent des agressions à venir. De fait, le discours décolonial entier repose sur cette rhétorique de la vengeance historique qui est, littéralement, un décalque de la susceptibilité islamiste.

La manipulation victimaire

Dans la foulée du 11 septembre s’est mis en place un narratif victimaire prétendant faire des musulmans les présumés souffre-douleurs de cette attaque. L’usage du terme islamophobie est alors notamment mis en avant par le prédicateur militant Tariq Ramadan. Il est également développé par des sociologues comme Vincent Geisser qui reconnaît aujourd’hui, bien tardivement, l’évolution néfaste d’une notion devenue prétexte: «Il est clair que la lutte contre l’islamophobie est devenue une sorte de “niche communautaire” très lucrative qui permet à certains leaders d’opinion d’exister sur la scène publique.» C’est un euphémisme: si une structure comme le CCIF a connu un tel succès médiatique avant sa dissolution, c’est qu’elle se servait du concept d’islamophobie comme d’un paravent pour une ligne doctrinale islamiste diffusant le dogme des Frères Musulmans — ce qui a finalement été reconnu par l’actuel ministre de l’Intérieur qui a parlé d’une «officine islamiste contre la République».

Dans le fil de la stratégie de victimisation de l’OCI, islamophobie est un mot qui sert de ralliement et dont le sous-texte fomente un séparatisme construit sur l’exacerbation d’une hostilité au sein de la nation. Le sociologue Shmuel Trigano avait déjà clarifié la manipulation frauduleuse de ces revendications: «L’astuce idéologique des Qaradawi et Ramadan est de dissimuler ce projet de séparatisme (et de pouvoir) dans les voiles du multiculturalisme et du discours des droits de l’homme».

Le chantage à l’islamophobie et l’instrumentalisation de l’antisémitisme

Ce fut évident lors de la Conférence mondiale de Durban contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance organisée par l’UNESCO qui se tint entre le 2 et le 9 septembre 2001. Cet événement fut le lieu d’une mise en accusation d’Israël qui visait à faire reconnaître le sionisme comme racisme. On y distribua même les Protocoles des Sages de Sion et l’on chahuta les Juifs dans le forum des ONG. Dans le rapport final de Durban, on critiqua la «montée de l’antisémitisme et de l’islamophobie». Deux jours avant les attentats islamistes du World Trade Center, cette mise en équivalence des Juifs et des Musulmans lors d’un sommet où seul Israël avait été montré du doigt donne le ton de la confusion du chantage à l’islamophobie: faire passer l’islam pour une victime devant être défendue au moment même de la montée en puissance des manifestations du terrorisme islamiste et de son influence diplomatique.

Ce motif argumentatif, depuis, se répète inlassablement: l’accusation d’islamophobie envers la France s’accompagne systématiquement d’une récupération victimaire du signe juif et du dénigrement antisioniste. Ce fut le cas le 10 novembre 2019, lors d’une marche contre l’islamophobie noyauté par les islamistes qui fut l’occasion d’une récupération de l’étoile jaune et de la promotion de discours de substitution figurant des persécutions imaginaires (sur des pancartes proclamant «Les Juifs hier, les musulmans aujourd’hui») avec la complicité d’une partie du paysage politico-médiatique français. La récupération frénétique de l’antisémitisme par les organisations islamiques montre bien une volonté de captation hypocrite d’une sympathie victimaire: le chantage émotionnel et le révisionnisme voisinèrent donc avec les slogans antijuifs. De fait, quand on constate qu’il y a plus de manifestants contre l’islamophobie que contre le terrorisme islamique, cela confirme que la stratégie victimaire est conforme aux intérêts de l’islamisme.

Islamophobie, société, laïcité

Cette manifestation permit aussi de constater que ce discours de lamentation était en porte-à-faux spectaculaire avec la réalité matérielle des actes antimusulmans. Le rapport de 2019 sur les actes commis contre les religions communiqué par le ministère de l’Intérieur étaient pourtant très parlant: actes antichrétiens = 1063; actes antisémites = 541; actes anti-musulmans = 100. Le rapport remarquait que «les actes anti-musulmans atteignent cette année leur plus bas niveau depuis 2010» tandis que «le nombre de faits à caractère antisémite a fortement augmenté en 2018 (74 %)». En janvier 2020, le rapport gouvernemental remarquait que les faits à caractère antisémite étaient en augmentation de 27% et que «s’agissant des faits antichrétiens, leur nombre est stable sur l’année, avec 1052 faits recensés» et que «quant aux faits antimusulmans, leur nombre demeure relativement faible (154 faits)».

Cette réalité factuelle n’empêche pas la banalisation du discours sur l’islamophobie d’État. Pire, des intellectuels se prêtent au jeu de la destruction des cadres culturels en promouvant l’idée d’une persécution avérée contre les musulmans et en jetant le doute sur l’évocation de la laïcité: «L’islamophobie est surtout véhiculée par une partie des élites (journalistes, experts, politiciens) qui défendent une conception réactionnaire de la laïcité pour légitimer les discriminations à l’égard des musulmans» (Gérard Noiriel).

On aimerait voir formuler une quelconque conception de la laïcité dans les pays de l’OCI qui interdisent l’égalité religieuse alors que la laïcité française permet à chacun le libre exercice de sa religion. Les zélotes de l’islamophobie savent pourtant très bien que selon les pays musulmans, le christianisme ou le judaïsme souffrent d’interdiction, de discrimination ou de restrictions juridiques — et que l’apostasie musulmane elle-même est interdite. Alors comment appellera-t-on la persécution des musulmans qui ne veulent plus l’être par d’autres musulmans? Car c’est désormais une réalité culturelle, y compris au cœur de l’Europe: quand, en décembre 2020, le footballeur Mohamed Salah pose en Père Noël, il reçoit des messages d’insultes le traitant de mauvais musulman. C’est la même motivation qui explique qu’un boulanger de Nice d’origine tunisienne se fasse agresser parce qu’il vend du jambon ou une serveuse musulmane pour avoir servi de l’alcool. Et au Maghreb aussi, des musulmans subissent des agressions pour avoir rompu le jeûne du Ramadan. La logique fondamentaliste était rappelée par Abdelwahab Meddeb à propos du jeûne comme marqueur identitaire provoquant une pression religieuse dont il parlait comme «un jeûne coercitif, violent» où «celui qui jeûne méprise celui qui dé-jeûne, voire exerce sur lui une forme de police des mœurs». Parlera-t-on là d’islamophobie et de racisme? Ou bien faut-il expliquer aux apostats musulmans risquant sans cesse d’être agressés qu’ils ont une conception réactionnaire de la laïcité ?

Quand en février 2018 l’Université de Paris 7 organise la lecture du texte de Charb Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes, le syndicat «Solidaires Etudiant-e-s» n’a pas manqué de réclamer «l’annulation pure et simple de cet événement». Ce réflexe de censure illustrait malencontreusement le bien-fondé d’une critique de l’islamophobie puisque l’accusation d’islamophobie servait bel et bien à faire taire la critique de l’islam.

Récemment, c’est un professeur de philosophie qui, critiquant l’islamisme, a été dénoncé par le maire de Trappes Ali Rabeh (que célébrait récemment Libération), et s’est ainsi trouvé livré à la vengeance islamique. Après Salman Rushdie, Théo Van Gogh, Ayaan Hirsi Ali, Robert Redeker, Charlie Hebdo, combien faudra-t-il de Samuel Paty et de Didier Lemaire pour comprendre à quoi mène la sanctuarisation de l’islamophobie? Est-il «réactionnaire» de considérer que la conception islamiste d’intégrité de la foi musulmane propagée par l’OCI, les Frères Musulmans, l’État Islamique et leurs relais européens ou français constitue un danger pour l’harmonie sociale?

De tels faits posent la question de l’horizon idéologique à venir et de son rapport à l’État puisque la laïcité «assure aussi bien le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir». Or, en 2011, lors d’une consultation des autorités musulmanes par Jean-Pierre Chevènement, un texte rédigé en commun avec l’Union des Organisations Islamiques de France avait clairement indiqué la priorité de la charia telle que définie par l’OCI: «La mention du droit de changer de religion est notamment retirée à la demande de l’UOIF.» (rapport d’information n°757 au Sénat).

Dans le cadre opératoire de la doctrine des Frères Musulmans et de ceux qui s’en inspirent, de l’UOIF au CCIF, l’idée d’une intégration culturelle des musulmans dans le cadre laïque fait donc partie des dispositifs jugés «islamophobes». Car c’est bien là ce que ces militants appellent «islamophobie d’État», c’est-à-dire les dispositions juridiques et politiques non conformes à la charia. Il faudrait donc que la laïcité française se plie à cette conception de la foi islamique pour ne plus être «islamophobe». La séduction d’un mot se voulant porteur de justice sociale montre clairement des limites et ne résiste pas à l’examen des usages politiques qui en sont faits comme stratagème d’intimidation.

L’effet destructeur est le suivant: par son systématisme victimaire, sa proximité avec l’islamisme et sa remise en cause plus ou moins directe de la laïcité, le discours de l’islamophobie suscite la méfiance envers l’islam. Simultanément, il exacerbe un ressentiment anti-français et contribue à l’ostracisation volontaire de ceux qui adoptent ce discours différentialiste. L’incantation islamophobe enfonce donc un coin dans la communauté nationale et la divise par une injonction séparatiste que Tariq Ramadan avait explicitement formulée: «Les musulmans qui vivent en Europe doivent savoir qu’ils n’ont pas d’autre choix que de comprendre qu’ils sont représentés par les valeurs qu’ils véhiculent». Nulle surprise, donc, si la pression exercée sur les enseignants est devenue permanente: le mécontentement de certains parents d’élèves prend la forme d’un réflexe qui s’offusque de ce qu’ils considèrent comme offense à leurs valeurs et leur identité. Les menaces de mort évoquant le sort de Samuel Paty font désormais partie du paysage social.

Un piège rhétorique au service de la division

La condamnation du racisme, considéré comme «haine identitaire» (selon la formule de Daniel Sibony), fait partie du consensus national. Il convient donc pour les militants de faire entrer l’islamophobie dans le giron de l’antiracisme. Ce mécanisme est parfaitement décrit par Pierre-André Taguieff dans L’islamisme et nous quand il note que «les islamistes ont intérêt à faire croire que les anti-islamistes sont islamophobes» et qu’ils seraient donc des “racistes” antimusulmans. L’assimilation subreptice de toute critique de l’islam à une sous-catégorie de racisme est en soi confuse mais elle constitue bien l’enjeu d’une propagande politique qui se déploie dans le cadre occidental. C’est, du reste, la critique que le centre de recherches islamiques de la mosquée Al-Azhar a formulée au sujet des propos du président Macron sur le séparatisme en accusant celui-ci de racisme.

L’instrumentalisation d’une catégorie accusatoire comme l’islamophobie pour contrer la critique de l’islam est devenue l’arme tactique de base de la rhétorique décoloniale. Cela ne fait que construire une vision de l’islam qui le rendrait fondamentalement incompatible avec une culture où s’exerce la libre critique. Dans ce jeu trouble, l’idéologie décoloniale finit par se ranger contre l’État, contre la laïcité spontanément vécue par la majorité des musulmans et contre la liberté d’expression. Exploiter un concept victimaire dont la vocation est de servir d’outil d’intimidation est un piège politique et culturel pour les musulmans: c’est les rendre captifs d’un embrigadement fondé sur l’antagonisme et créer l’amalgame avec l’islamisme que l’on prétend dénoncer.

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