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La Condition andro·anthropocentrique d’André Mâlraux

André Malraux

La Condition andro·anthropocentrique d’André Mâlraux

André Malraux

Nous avons donc décidé de réécrire les grands classiques de la Littérature en écriture inclusive afin de pallier l’inefficacité des éditeurs réactionnaires qui n’osent franchir le pas. Bien décidés à en découdre pour la beauté du geste, nous allons remettre du point médian partout où les auteurs blancs hétéronormés cis-genrés et patriarcaux ont oublié de le faire pour libérer la littérature du carcan sordide où elle croupit depuis que la Sorbonne et autres comploteurs du même acabit ont tenté d’abuser de la grammaire – cet outil d’orthoshamage lamentable – pour produire des contenus réactionnaires. Tous les grands auteurs vont y passer, et croyez-moi, ça va être la fête du point médian. Un vrai carnage, y’en aura partout! De l’inclusive comme s’il en pleuvait, un vrai festival.  Aujourd’hui: Mâlraux, La Condition andro·anthropocentrique.

1. La Condition androcentrique

Tchen tenterait-il de lever la mouquère? Ou bien la frapperait-il à tort et à travers? L’angoisse lui tordait l’estomac; il connaissait sa propre fermeté, mais n’était capable en cet instant que d’y songer avec hébétude, fasciné par ce tas de mousseline blanche qui tombait sur un corps moins visible qu’une ombre, et d’où sortait seulement ce pied à demi incliné par le sommeil, vivant quand même — de la chair de femme.

Note du·de la traducteur·ice: « Il » était un pronom hétéropatriarcal désignant un mâle dominant cisgenre. Nous avons maintenu cet archaïsme pour faire ressortir l’opposition que construit l’inconscient du texte entre la masculinité toxique du personnage dominant et la personnage féminine dominée cachée, que révèle la traduction. « Mouquère » est un terme colonialo-machiste atrocement péjoratif pour désigner une personne à vulve. Nous l’avons rétabli en lieu et place de « moustiquère«  dans une optique de critique s·t·ex·t·uelle décolonisatrice de l’inconscient du privilégié blanc Malraux, ce pilleur vorace des temples indigènes. Le « corps moins visible qu’une ombre » est nécessairement celui d’une victime racisée invisibilisée par la discrimination. Que cela aille contre les intentions explicites de l’auteur ne fait qu’apporter une confirmation supplémentaire. Le « tas de mousseline blanche qui tombait » sur son corps reflète la façon dont le colonial male gaze (CMG) déshonore et érotise les symboles de l’émancipation indigénoféministe. Le « pied »: objectivation fétichiste des minorités sexuelles considérées comme « orientales ».

Autocritique du·de la traducteur·ice: Ma traduction s’inscrivait dans la démarche de l’ouvrage Sexe, race et colonies. La domination des corps du XVe siècle à nos jours (dir. P. Blanchard, N. Bancel, G. Boëtsch, Ch. Tharaud et D. Thomas). Mon privilège cishétéroblanc m’a empêché de prendre conscience de la perpétuation du fantasme sexuel colonial par cet ouvrage qui esthétise la domination des corps minorisés. Les critiques de ma traduction par Daniel Schneidermann (« apologie de la culture du viol et du racisme systémique »), par Le Monde (« pornographie à l’usage du colon ») et par Libération (« complaisance de dandy libertin suprémaciste pour l’ex·r·otisme »), m’ont amené à reconsidérer mon travail, à donner ma démission et à signer la pétition qui exige le retrait de l’ouvrage. Je pensais qu’il fallait lever le voile sur le fantasme du dominant, afin de le condamner. J’avais tort, car évoquer la domination et les fantasmes qui la justifient, c’est déjà la perpétuer. Il faut seulement condamner, en se gardant d’avancer des preuves: ce serait renouveler l’offense et lui faire de la publicité. Je condamne, donc. Et je me condamne pour l’exemple.

2. Nouvelle traduction, entièrement revue et corrigée par une équipe écoféministe décoloniale: La Condition anthropocentrique

Jean-Robert* tenterait-iel de lever la moustiquaire, ce dispositif matérialisant l’instauration d’une frontière aussi incertaine que mouvante entre personnes humaines et personnes animales? Frapperait-iel au travers, au risque de déplacer la barrière des espèces? L’angoisse lui tordait l’estomac, lieu de vie et d’accueil pour de nombreux hôtes hétérospécifiques qui l’incitaient à prendre conscience des discriminations subies par tous les diptères et toutes les diptères, et surtout par les moucheronnes situées à l’intersection des dominations et du rideau en fibres de polyamide. Iel connaissait la fermeté de ses convictions antispécistes, mais n’était capable en cet instant que d’y songer avec hébétude, fasciné·e/fascisé·e par ce tas de mousseline blanche qui tombait du plafond comme la démarcation tracée prétendument par la main du Dieu lui-même entre les animaux vivants selon leur espèce. Puis iel se ressaisit et surmonta ses préjugés culturels en se raccrochant à l’exemple de biosocialité intime et donc politique donné par Donna Haraway et sa chienne en chaleur. Iel habita le trouble de ce corps carapacé et poilu moins visible qu’une ombre, et d’où sortait cette veine médiane membraneuse à demi inclinée par le sommeil, vivante quand même — l’extrémité d’une aile.

Les paupières battantes, Jean-Robert découvrait en ul-même, jusqu’à la nausée, non le·a combattant·e transgressif·ve et créateur·ice qu’iel attendait, mais un·e violeur·euse. Sous son sacrifice à la sexualité transespèce grouillait un monde de profondeurs auprès de quoi cette nuit écrasée d’angoisse n’était que clarté. « On n’encule pas un·e mouche sans recueillir son consentement… »

Et merde!

* Tous les prénoms ont été modifiés en concertation avec les intéressé·e·s dans un souci de prévention des phénomènes de stigmatisation.

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