La dialectique du tuyau d’arrosage

La dialectique du tuyau d’arrosage

Xavier-Laurent Salvador

Linguiste, Président du LAIC
Depuis maintenant deux mois qu'il m'a été donné d'affronter en débat quelques collègues au sujet des thèmes d'actualité (en vrac): l'Université, les dérives idéologiques, l'islamo-gauchisme, la laïcité, l'affaire Grenoble, l'école, etc. j'ai pu constater une certaine similitude dans la construction rhétorique des discours adverses et ce que j'ai qualifié de "dialectique du tuyau d'arrosage".

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La dialectique du tuyau d’arrosage

par Xavier-Laurent SALVADOR

Un tuyau d’arrosage, sur un gazon sec, ça ressemble à une dénégation: « tss tss tss » de droite à gauche, inlassablement, jusqu’à ce que la terre soit mouillée. Peine perdue, le soleil continue de briller: on recommence à essayer de créer les conditions nécessaires pour que ça prenne et que le gazon reverdisse: « tss tss tss » inlassablement.

Depuis maintenant deux mois qu’il m’a été donné d’affronter en débat quelques collègues au sujet des thèmes d’actualité (en vrac): l’Université, les dérives idéologiques, l’islamo-gauchisme, la laïcité, l’affaire Grenoble, l’école, etc. j’ai pu constater une certaine similitude dans la construction rhétorique des discours adverses et ce que j’ai qualifié de « dialectique du tuyau d’arrosage ».

Tout commence invariablement de la même façon par l’attitude effrayante du serpent redressé: « Non, ça n’existe pas ». Tss Tss Tss vous dit-on. C’est faux, c’est une imposture, c’est inepte, ça n’est pas un concept, personne ne fait ça, personne ne dit ça, on ne sait d’ailleurs pas de quoi vous parlez, qui ? Quoi ? Comment ? Qu’ouïs-je ? Êtes-vous certain ? Ah mais je le saurais, d’ailleurs on me dit dans mon téléphone que ça n’existe pas, que c’est une non-réalité, en plus vous êtes un homme, blanc, non mais oh ! Pour qui vous prenez-vous ?

Passée cette première salve, plus d’un combattant impressionné par la puissance du jet, son humidité, la hauteur de sa courbe et la menace de partir trempé reculerait. Mais les conditions du plateau télévisé ne vous incitent pas à partir, et vaille que vaille, il faut bien y revenir un instant. Rappeler quelques évidences comme par exemple que la notion de « race » n’est peut être utilisée par personne – mais qu’elle est très présente dans le discours en sociologie, mais aussi en histoire ou en linguistique. Que c’est sans doute une notion de sociologie pure, mais qu’à y bien regarder: non, non ! C’est bien de race biologique, qu’il s’agit. De race au bon vieux sens BOF et raciste, et pas d’une notion pure et éthérée. Rappeler que dans leur discours, tout est connotation: dire « un coiffeur » c’est faire gagner la gent masculine ! Mais dire « race » ? Ah non, ça c’est neutre.

Alors le Tuyau d’arrosage reprend sa course: tss tss tss, mais sa virulence est moins confortable car on s’installe dans l’effort de durée. Il ne s’agit plus de pousser des cris d’orfraie, mais de convenir: convenir que « Ah oui, non, évidemment, ça ? Oui, non mais c’est très minoritaire, très très minoritaire, tellement minoritaire qu’au premier regard, on ne l’avait pas vu. Ah oui, maintenant que vous le dites: oui, mais ça n’a pas le sens que vous lui donnez ».

Ah, la question du sens: elle est au cœur des préoccupations linguistiques. Le sens des mots: Eh oui, car « raciste » pour vous ça veut dire ça mais en fait non, c’est « un problème de nuance sémantique ». D’ailleurs, c’est vous les racistes qui osez nous critiquer parce que nous parlons de « race ». La belle inversion rhétorique: le tuyau d’arrosage se répand partout et autour se forme une flaque infranchissable pour qui n’est pas bien chaussé. Il faut oser se tremper les espadrilles dans ce marécage boueux.

Alors il faut expliquer lentement que sans doute il y a là une construction intellectuelle qui suscite l’admiration (« Oh le beau tuyau coloré ») mais que l’eau, ça mouille. Qu’on l’appelle « divin breuvage » ou « source d’inspiration »: l’eau, ça mouille.

« Ah oui, non mais en fait vous dites ça parce que vous n’êtes pas fontainiste: seuls les fontainistes peuvent parler d’arrosage ! Qu’est-ce que vous connaissez à la sociologie ? Hein ? Retournez à vos études et laissez nous nous ébrouer sur le gazon ».

Ah certes, nous ne sommes pas fontainistes et encore moins sociologues. Mais est-il besoin de rappeler que l’enjeu n’est pas le tuyau, mais le liquide qui coule en son sein ? Ce n’est pas parce que vous prétendez posséder les tuyaux d’arrosage que l’eau est votre seule propriété ! L’eau est un bien commun dont nous sommes tous spécialistes.

Et votre eau, mesdames (je pratique le féminin générique), est rance et croupie. Elle « sent mauvais » pour citer le philosophe Aphatie servant la soupe à un imposteur qui se prétend chercheur. Qui est mieux payé que nous tous, mais qui nous fait la leçon. Alors pardon: mais même si vous n’êtes pas d’accord, on va continuer de parler de cette eau rance et moisie.

Tss tss tss. De gauche et de droite: « vous êtes d’extrême-droite ! » – Non. « Vous êtes le complot judéo-maçonnique ! » – Non.

C’est alors qu’il faut expliquer que cette eau rance et moisie, croupie: elle coule librement sans contrôle, et que les enfants du village la boivent sous l’œil insouciant du maître.

Et c’est tout le problème.

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    Soutien à notre collègue Bergeaud-Blackler

    Florence Bergeaud-Blackler, chercheuse au CNRS, devait donner une conférence à l’Université de Lille sur un sujet brûlant : l’influence des Frères musulmans et l’entrisme islamiste dans certains syndicats et mouvements de gauche. Pourtant, sa conférence a été annulée. Cette décision, prise par le doyen, est un acte politique qui ne dit pas son nom. Une fois de plus, l’université cède aux pressions idéologiques et sacrifie le débat scientifique sur l’autel du conformisme militant.
     
    Cette annulation n’est pas un cas isolé. Elle s’inscrit dans un climat où toute critique de l’islamisme est immédiatement disqualifiée, où ceux qui osent poser des questions sont taxés de “racistes” ou d’“extrême droite”. Dans les sciences sociales, en particulier, la règle tacite est claire : on se soumet ou on dégage. Ceux qui refusent de plier sont mis à l’écart, leurs conférences interdites, leurs noms jetés en pâture à des étudiants dressés à confondre débat intellectuel et offense personnelle.
     
    Comment expliquer que des syndicats, censés défendre la liberté d’expression, se soient transformés en gardiens du dogme ? Pourquoi tant de collègues se taisent, sinon par peur ? Cette lâcheté collective est précisément ce qui permet aux censeurs d’imposer leur loi. Mais il faut le dire : l’Université ne peut pas devenir un espace clos où seuls certains discours sont autorisés.
     
    Face à cette censure, la chercheuse a décidé de maintenir sa conférence, ailleurs s’il le faut. Le débat aura lieu le 5 mars, avec le plus grand nombre possible de participants. Car la lutte contre l’islamisme et ses complicités idéologiques n’est pas une affaire de partis : c’est une question existentielle pour notre démocratie.
    L’Université doit rester un lieu de savoir et d’échange, pas un bastion du sectarisme.