La métamorphos.e de Kafk.a

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Collectif

Tribune des observateurs

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La métamorphos.e de Kafk.a

[Par Jean Szlamowicz, d’après la traduction d’Alexandrine Vialatte]

La littérature dite classique, asservissant les esprits par la masculinité triomphante de ses narrateurs toujours dénués d’égards pour le versant féminin du social, n’a jamais servi qu’à la perpétuation d’un patriarcat dominateur. Invisibilisant scandaleusement le regard féminin, cette littérature androcentrée se devait d’être revisitée et déconstruite par une vision néo-féministe. La métamorphose est justement le récit d’un éveil à la féminité du monde. Aujourd’hui, La métamorphose

Un matin, au sortir d’un rêve agité, Grégoire Samsa s’éveilla transformé dans son lit en une véritable femme. Il était couché sur le dos, un dos à la douceur bienveillante évoquant une carapace de coton, et en levant un peu la tête, il s’aperçut qu’il n’avait plus cet affreux ventre bruni par une toison de poils patriarcaux, mais deux dômes nervurés qui tendaient la couverture. Les bras de Grégoire Samsa, pitoyablement minces pour son gros corps, papillonnaient devant ses yeux aux longs cils.

« Que m’est-elle arrivée ? » pensa-t-iel. Ce n’était pourtant pas un rêve : sa chambre, une vraie chambre d’homme, quoiqu’un peu efféminée à vrai dire, se tenait avec une sagesse injustement soumise entre ses quatre murs habituels, traditionnels, voire durement réactionnaires.

Au-dessus de la table où s’étalait sa collection d’échantillons de tissus — Grégoire était voyageur.se de commerce — un homme ou une femme ou tout autre personne libre de son identité de genre pouvait toujours voir la gravure qu’iel avait découpée récemment dans un magazine et entourée d’un joli cadre doré qui ne montrait aucun maniérisme décoratif susceptible d’être interprété comme un stéréotype de genre. Cette image représentait une dame assise bien droit, avec une toque et un tour de cou en fourrure : s’y lisait la soumission d’un corps minorisé, livré.e aux regards des amateurs.rices, affligé.e d’un lourd manchon dans lequel son bras s’engouffrait jusqu’au coude pour complaire au voyeurisme consumériste des acheteur.ses.

Grégoire regarda par la fenêtre : on entendait des gouttes de pluies sur le zinc. Ce temps brouillée la rendit toute mélancolique : « Si je me rendormais encore un peu pour oublier toutes ces bêtises », pensa-t-iel. Mais c’était absolument impossible : iel avait l’habitude de dormir sur le ventre, mais iel ne pouvait dans la situation présente s’accommoder de ses nouveaux organes mammaires.

Iel avait beau essayer de se jeter violemment sur le ventre, iel revenait toujours sur le dos avec un petit mouvement ondulatoire de ces globes qui obstruaient désormais son regard d’un horizon nouveau. Peut-être était-iel enfin parvenu à ce stade de conscience si ardemment désirée : iel était « en éveil », woke, pour tout dire.

Iel tenta pourtant de retrouver une position confortable, sans doute à jamais perdue. « Il n’y a rien d’aussi abrutissant que de se lever toujours si tôt. L’homme ou la femme ou n’importe qui a besoin de son sommeil. Et dire qu’il y a des voyageur.ses qui vivent comme des femmes de harem hommes jouissant de privilèges et dénués de la moindre charge mentale ! Quand je retourne à l’hôtel, l’après-midi pour noter les commandes, je trouve ces commerciaux.ales, surtout les messieurs, qui n’en sont encore qu’à leur petit déjeuner. Si j’essayais une chose pareille, je voudrais voir ce que dirais mon chef ou ma cheffe ou tout autre supérieur.e hiérarchique ! Je serais congédié.e immédiatement, surtout maintenant que je suis une femme ! Si je ne me retenais pas à cause de mes parents 1 et 2, il y a longtemps que j’aurais donné ma démission ! Je serai allée trouver le patron, cet exploiteur assis sur le bureau jambes écartées, occupé à déverser son mansplaining sur ses subaltern.es ».

Finalement, sa métamorphose était bienvenue. Il regarda le réveil qui tictaquait sur le coffre. Son sommeil n’avait pas été tranquille. Et il s’augmentait désormais d’un appétit singulier : son éveil serait désormais animé par la conscience d’un nouveau regard social.

Et merde !

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    Soutien à notre collègue Bergeaud-Blackler

    Florence Bergeaud-Blackler, chercheuse au CNRS, devait donner une conférence à l’Université de Lille sur un sujet brûlant : l’influence des Frères musulmans et l’entrisme islamiste dans certains syndicats et mouvements de gauche. Pourtant, sa conférence a été annulée. Cette décision, prise par le doyen, est un acte politique qui ne dit pas son nom. Une fois de plus, l’université cède aux pressions idéologiques et sacrifie le débat scientifique sur l’autel du conformisme militant.
     
    Cette annulation n’est pas un cas isolé. Elle s’inscrit dans un climat où toute critique de l’islamisme est immédiatement disqualifiée, où ceux qui osent poser des questions sont taxés de “racistes” ou d’“extrême droite”. Dans les sciences sociales, en particulier, la règle tacite est claire : on se soumet ou on dégage. Ceux qui refusent de plier sont mis à l’écart, leurs conférences interdites, leurs noms jetés en pâture à des étudiants dressés à confondre débat intellectuel et offense personnelle.
     
    Comment expliquer que des syndicats, censés défendre la liberté d’expression, se soient transformés en gardiens du dogme ? Pourquoi tant de collègues se taisent, sinon par peur ? Cette lâcheté collective est précisément ce qui permet aux censeurs d’imposer leur loi. Mais il faut le dire : l’Université ne peut pas devenir un espace clos où seuls certains discours sont autorisés.
     
    Face à cette censure, la chercheuse a décidé de maintenir sa conférence, ailleurs s’il le faut. Le débat aura lieu le 5 mars, avec le plus grand nombre possible de participants. Car la lutte contre l’islamisme et ses complicités idéologiques n’est pas une affaire de partis : c’est une question existentielle pour notre démocratie.
    L’Université doit rester un lieu de savoir et d’échange, pas un bastion du sectarisme.