Read More Dans la foulée du mouvement Black Lives Matter, des initiatives nombreuses de reconnaissance du passé esclavagiste et de réparations se produisent au Royaume-Uni. Après Edimbourg, Glasgow, Bristol, la Banque d’Angleterre, l’Université de Cambridge, ce sont l’Eglise d’Angleterre en janvier 2023 et le journal britannique de centre gauche The Guardian en avril 2023 qui ont « présenté des excuses », lancé des enquêtes et mis en œuvre un programme de « réparations ». The Guardian, né à Manchester, à publié un volumineux hors-série en ligne intitulé Cotton Capital (« la capitale du coton ») et destiné notamment à rompre avec « l’amnésie » qui prévaut encore sur le rôle de l’esclavagisme dans l’essor industriel de Manchester. Un mouvement d’ampleur dont la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage (FME) a souhaité sur Twitter qu’il fasse école en France. extrait du supplément en ligne du Guardian (1 et 2 avril 2023)
Publié par RFI le 4 avril 2023.Source
The Guardian, principal quotidien de gauche britannique, présente des excuses. Le journal, fondé à Manchester en 1821, a reconnu ses liens avec le commerce d’esclaves aux États-Unis. Émeline Vin, correspondante de RFI au Royaume-Uni, décrypte le sujet.
Comment The Guardian, pourtant reconnu pour ses positions de gauche, progressistes, peut-il avoir eu des liens avec l’esclavage ?
Il faut remonter à la création du Guardian. On est au tout début du XIXe siècle. Le quotidien est lancé par John Edward Taylor, un journaliste, mais qui est aussi marchand de coton. Dans le cadre de cette activité, il possède de nombreux partenariats avec des plantations aux États-Unis. Or, ce sont des esclaves qui « travaillent » dans ces plantations.
En plus de John Edward Taylor, au moins neuf des onze investisseurs originels possédaient eux aussi des partenariats et tiraient au moins une partie de leur capital du commerce du coton, du sucre, du textile, des industries intrinsèquement liées à l’esclavage. The Guardian s’est donc construit sur de l’argent sale.
Ces excuses sont une facette d’une enquête bien plus large…
Oui, The Guardian s’est lancé dans un long travail de recherches en 2020, dans le sillage de la mort de George Floyd aux États-Unis et la résurgence du mouvement Black Lives Matter. Souvenez-vous, des manifestations ont alors lieu partout dans le monde contre le racisme et les violences policières. Ici, au Royaume-Uni, les militants déboulonnent les statues de figures historiques, souvent liées à la colonisation et à la traite d’esclaves.
The Guardian, qui est l’un des journaux les plus présents sur ces sujets, décide de balayer lui-même devant sa porte. Le propriétaire, la société Scott Trust, lance alors ce programme de recherches, avec des universitaires. Le quotidien en a tiré une série volumineuse : Cotton Capital, « la capitale du coton ». Sortie sous forme d’un hors-série ce week-end du 1-2 avril, cette enquête montre tout ce que Manchester, la ville d’origine du Guardian, doit à l’esclavage. La ville et ses notables tirent une partie de leur richesse d’industries qui dépendent de l’exploitation d’êtres humains aux États-Unis – à l’époque, l’esclavage est aboli au Royaume-Uni.
Dans « Cotton Capital », The Guardian parle même d’amnésie délibérée de la part de Manchester…
D’un véritable « whitewashing » de la part de la ville du nord de l’Angleterre, prompte à mettre en avant son histoire commerciale et industrielle, son rôle joué dans la modernisation britannique… Mais elle n’évoque presque jamais son rôle dans la traite des Noirs, alors que d’autres villes et institutions au Royaume-Uni ont entamé un travail de réflexion et de reconnaissance – Glasgow, la Banque d’Angleterre, l’Université de Cambridge ont lancé des enquêtes ; et la ville de Bristol, par exemple, a réorganisé son musée municipal pour tenir compte des liens avec l’esclavage.
Toujours dans cette optique de recalibration de l’histoire, le Scott Trust, qui possède The Guardian, a annoncé la mise en œuvre d’un fonds de réparations, un programme sur dix ans d’au moins 12 millions d’euros, dont les contours restent à définir. Le Scott Trust renforce aussi son financement de bourses d’études pour améliorer la connaissance sur l’héritage de l’esclavage, dédiées à des chercheurs noirs. D’ailleurs, The Guardian promet de créer jusqu’à douze postes pour encore améliorer son traitement des communautés afro-caribéennes et descendantes d’esclaves et poursuivre ce travail de « visibilisation ».
publié par Le Monde (avec AFP), le 10 janvier 2023. Source
L’organisation des Commissaires de l’Eglise d’Angleterre a hérité d’un fonds créé au début du XVIIIe siècle et largement abondé par la traite transatlantique.
L’Eglise d’Angleterre a présenté, mardi 10 janvier, ses excuses pour les liens passés avec l’esclavage d’un organisme financier qui lui est lié, aujourd’hui engagé dans un vaste processus de dédommagement des communautés victimes. « Je suis profondément désolé, a réagi l’archevêque de Canterbury Justin Welby, le chef spirituel de l’Eglise anglicane. Le temps est venu de prendre des mesures en réponse à ce passé honteux. »
Le rapport publié mardi est consécutif à des révélations en juin 2022 selon lesquelles « la dotation des Commissaires de l’Eglise avait des liens historiques » avec le commerce transatlantique des esclaves.
L’organisme des Commissaires de l’Eglise d’Angleterre a été créé en 1948, en partie avec une donation d’un fonds remontant à la reine Anne, en 1704, destiné à aider les membres du clergé les plus pauvres. Or le rapport révèle que ce fonds avait investi des « montants importants » dans la South Sea Company, qui faisait le commerce des esclaves africains. Il avait de plus reçu des dons qui provenaient de personnes impliquées dans la traite des esclaves et dans l’économie des plantations.
« Les Commissaires de l’Eglise sont profondément désolés pour les liens de leurs prédécesseurs avec la traite transatlantique des esclaves », a déclaré l’organisation dans un communiqué. L’organisme a promis un fonds de 100 millions de livres (113,1 millions d’euros) pour les neuf prochaines années pour « un futur meilleur et plus juste pour tous ».
« Horreur et honte »
Cet argent ira en particulier aux « communautés qui ont été touchées par l’esclavage ». Une partie des fonds sera destinée à approfondir les recherches sur les liens entre l’Eglise et l’esclavage. Le président adjoint des Commissaires de l’Eglise, l’évêque de Manchester David Walker, a déclaré que l’organisme espérait maintenant créer un « héritage positif durable, qui servira aux communautés touchées par l’esclavage ».
Les Commissaires de l’Eglise gèrent un fonds d’investissement de 10,1 milliards de livres (11,4 milliards d’euros) pour soutenir les activités de l’Eglise et du clergé.
« Rien de ce que nous ferons, des centaines d’années après, ne rendra leur vie aux personnes réduites en esclavage, ont écrit les Commissaires en introduction à leur rapport. Mais nous pouvons et nous allons reconnaître l’horreur et la honte du rôle de l’Eglise dans la traite des esclaves, et à travers des réponses, nous allons chercher à commencer à répondre aux injustices commises. »
L’Eglise d’Angleterre a déjà présenté ses excuses pour ses liens passés avec l’esclavage, alors que le Royaume-Uni fait face à l’héritage de son passé colonial. En 2020, l’Eglise avait qualifié de « honte » le fait que certains de ses membres avaient « activement profité » de l’esclavage.
Dans la foulée du mouvement Black Lives Matter, des initiatives nombreuses de reconnaissance du passé esclavagiste et de réparations se produisent au Royaume-Uni. Après Edimbourg, Glasgow, Bristol, la Banque d’Angleterre, l’Université de Cambridge, ce sont l’Eglise d’Angleterre en janvier 2023 et le journal britannique de centre gauche The Guardian en avril 2023 qui ont « présenté des excuses », lancé des enquêtes et mis en œuvre un programme de « réparations ». The Guardian, né à Manchester, à publié un volumineux hors-série en ligne intitulé Cotton Capital (« la capitale du coton ») et destiné notamment à rompre avec « l’amnésie » qui prévaut encore sur le rôle de l’esclavagisme dans l’essor industriel de Manchester. Un mouvement d’ampleur dont la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage (FME) a souhaité sur Twitter qu’il fasse école en France.
Publié par RFI le 4 avril 2023.
Source
The Guardian, principal quotidien de gauche britannique, présente des excuses. Le journal, fondé à Manchester en 1821, a reconnu ses liens avec le commerce d’esclaves aux États-Unis. Émeline Vin, correspondante de RFI au Royaume-Uni, décrypte le sujet.
Comment The Guardian, pourtant reconnu pour ses positions de gauche, progressistes, peut-il avoir eu des liens avec l’esclavage ?
Il faut remonter à la création du Guardian. On est au tout début du XIXe siècle. Le quotidien est lancé par John Edward Taylor, un journaliste, mais qui est aussi marchand de coton. Dans le cadre de cette activité, il possède de nombreux partenariats avec des plantations aux États-Unis. Or, ce sont des esclaves qui « travaillent » dans ces plantations.
En plus de John Edward Taylor, au moins neuf des onze investisseurs originels possédaient eux aussi des partenariats et tiraient au moins une partie de leur capital du commerce du coton, du sucre, du textile, des industries intrinsèquement liées à l’esclavage. The Guardian s’est donc construit sur de l’argent sale.
Ces excuses sont une facette d’une enquête bien plus large…
Oui, The Guardian s’est lancé dans un long travail de recherches en 2020, dans le sillage de la mort de George Floyd aux États-Unis et la résurgence du mouvement Black Lives Matter. Souvenez-vous, des manifestations ont alors lieu partout dans le monde contre le racisme et les violences policières. Ici, au Royaume-Uni, les militants déboulonnent les statues de figures historiques, souvent liées à la colonisation et à la traite d’esclaves.
The Guardian, qui est l’un des journaux les plus présents sur ces sujets, décide de balayer lui-même devant sa porte. Le propriétaire, la société Scott Trust, lance alors ce programme de recherches, avec des universitaires. Le quotidien en a tiré une série volumineuse : Cotton Capital, « la capitale du coton ». Sortie sous forme d’un hors-série ce week-end du 1-2 avril, cette enquête montre tout ce que Manchester, la ville d’origine du Guardian, doit à l’esclavage. La ville et ses notables tirent une partie de leur richesse d’industries qui dépendent de l’exploitation d’êtres humains aux États-Unis – à l’époque, l’esclavage est aboli au Royaume-Uni.
Dans « Cotton Capital », The Guardian parle même d’amnésie délibérée de la part de Manchester…
D’un véritable « whitewashing » de la part de la ville du nord de l’Angleterre, prompte à mettre en avant son histoire commerciale et industrielle, son rôle joué dans la modernisation britannique… Mais elle n’évoque presque jamais son rôle dans la traite des Noirs, alors que d’autres villes et institutions au Royaume-Uni ont entamé un travail de réflexion et de reconnaissance – Glasgow, la Banque d’Angleterre, l’Université de Cambridge ont lancé des enquêtes ; et la ville de Bristol, par exemple, a réorganisé son musée municipal pour tenir compte des liens avec l’esclavage.
Toujours dans cette optique de recalibration de l’histoire, le Scott Trust, qui possède The Guardian, a annoncé la mise en œuvre d’un fonds de réparations, un programme sur dix ans d’au moins 12 millions d’euros, dont les contours restent à définir. Le Scott Trust renforce aussi son financement de bourses d’études pour améliorer la connaissance sur l’héritage de l’esclavage, dédiées à des chercheurs noirs. D’ailleurs, The Guardian promet de créer jusqu’à douze postes pour encore améliorer son traitement des communautés afro-caribéennes et descendantes d’esclaves et poursuivre ce travail de « visibilisation ».
publié par Le Monde (avec AFP), le 10 janvier 2023.
Source
L’organisation des Commissaires de l’Eglise d’Angleterre a hérité d’un fonds créé au début du XVIIIe siècle et largement abondé par la traite transatlantique.
L’Eglise d’Angleterre a présenté, mardi 10 janvier, ses excuses pour les liens passés avec l’esclavage d’un organisme financier qui lui est lié, aujourd’hui engagé dans un vaste processus de dédommagement des communautés victimes. « Je suis profondément désolé, a réagi l’archevêque de Canterbury Justin Welby, le chef spirituel de l’Eglise anglicane. Le temps est venu de prendre des mesures en réponse à ce passé honteux. »
Le rapport publié mardi est consécutif à des révélations en juin 2022 selon lesquelles « la dotation des Commissaires de l’Eglise avait des liens historiques » avec le commerce transatlantique des esclaves.
L’organisme des Commissaires de l’Eglise d’Angleterre a été créé en 1948, en partie avec une donation d’un fonds remontant à la reine Anne, en 1704, destiné à aider les membres du clergé les plus pauvres. Or le rapport révèle que ce fonds avait investi des « montants importants » dans la South Sea Company, qui faisait le commerce des esclaves africains. Il avait de plus reçu des dons qui provenaient de personnes impliquées dans la traite des esclaves et dans l’économie des plantations.
« Les Commissaires de l’Eglise sont profondément désolés pour les liens de leurs prédécesseurs avec la traite transatlantique des esclaves », a déclaré l’organisation dans un communiqué. L’organisme a promis un fonds de 100 millions de livres (113,1 millions d’euros) pour les neuf prochaines années pour « un futur meilleur et plus juste pour tous ».
« Horreur et honte »
Cet argent ira en particulier aux « communautés qui ont été touchées par l’esclavage ». Une partie des fonds sera destinée à approfondir les recherches sur les liens entre l’Eglise et l’esclavage. Le président adjoint des Commissaires de l’Eglise, l’évêque de Manchester David Walker, a déclaré que l’organisme espérait maintenant créer un « héritage positif durable, qui servira aux communautés touchées par l’esclavage ».
Les Commissaires de l’Eglise gèrent un fonds d’investissement de 10,1 milliards de livres (11,4 milliards d’euros) pour soutenir les activités de l’Eglise et du clergé.
« Rien de ce que nous ferons, des centaines d’années après, ne rendra leur vie aux personnes réduites en esclavage, ont écrit les Commissaires en introduction à leur rapport. Mais nous pouvons et nous allons reconnaître l’horreur et la honte du rôle de l’Eglise dans la traite des esclaves, et à travers des réponses, nous allons chercher à commencer à répondre aux injustices commises. »
L’Eglise d’Angleterre a déjà présenté ses excuses pour ses liens passés avec l’esclavage, alors que le Royaume-Uni fait face à l’héritage de son passé colonial. En 2020, l’Eglise avait qualifié de « honte » le fait que certains de ses membres avaient « activement profité » de l’esclavage.
« Ce post est un relevé d’information de notre veille d’information »