Les émeutes en France de l’été 2023 ont relancé le débat sur le rôle de la famille, et en particulier celui des pères et des familles dites monoparentales, dans l’éducation et la structuration de la jeunesse. Certains, telle Chantal Delsol,déplorent la dévaluation du rôle des pères, en soulignant que les enfants issus des familles dites monoparentales seraient davantage concernés par des déviances. D’autres au contraire, tel Laurent Mucchielli, considèrent qu’il s’agit là d’un mythecar la corrélation ne serait pas une causalité pour peu qu’on prenne en compte plusieurs variables.
Par ailleurs, l’Insee indiquait en juin 2008 qu’en 2005 18% des pères séparés déclaraient ne jamais rencontrer leurs enfants âgés de moins de 25 ans contre 6% des mères enquêtées. En incluant les parents séparés qui voient leurs enfants moins d’une fois par mois, 40% des pères séparés ne voient jamais leur enfant ou alors seulement quelques fois par an tandis que 15% des mères se retrouvent dans cette situation. Ces chiffres laissent entrevoir un délitement particulièrement marqué du lien parental entre 40% des pères séparés et leur progéniture. En tout état de cause, que cette parentalité soit empêchée par les pères séparés eux-mêmes ou par des tiers, il semble clair qu’il y a là un sujet à creuser, dès lors qu’on aborde la rupture du lien filial sous un angle sexué.
Or, la Revue française des affaires sociales lançait au printemps 2022 un appel à contribution sur « les parentalités empêchées » (http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-05/Parentalite%CC%81s%20empe%CC%82che%CC%81es.pdf) qui s’éloignait considérablement de ce à quoi l’on devrait s’attendre dans une revue académique, à savoir une certaine objectivité scientifique, une absence de parti pris tendant à valoriser les parents d’un sexe pour dévaloriser les autres. En effet, lorsqu’on y cherche le mot « mère », l’on trouve quatre occurrences : « stigmatisant notamment les mères » ; « mères sont toujours les cibles » ; « suspectées d’être de « mauvaises mères » » ; « le devenir mère ou l’impossibilité de le devenir ».
Pour le mot « père », il y a une seule occurrence : « la persistance des questions sur la possibilité pour les couples de femmes de se passer de la figure tutélaire du père ».
Pour le mot « femmes », la recherche donne huit occurrences, parmi lesquelles on trouve « femmes célibataires », « couples de femmes » (2 fois), « femmes jugées trop jeunes/vieilles », « stérilisation de femmes avec une déficience mentale », « l’autonomie des femmes », « les injonctions […] pèsent plus fortement sur les femmes », « émancipation des femmes »…
Quant au mot « hommes », il n’y a qu’une seule occurrence : « L’éloignement des hommes peut par exemple conduire à une forme d’émancipation des femmes par rapport à la domination masculine ».
En résumé, les mots « femme » et « mère », plus fréquemment mentionnés, sont associés à du positif, renvoyant à l’émancipation ou encore à la lutte contre les stéréotypes ou les discriminations, alors que les mots « père » et « homme » n’apparaissent que très peu et uniquement pour signifier qu’ils doivent être évincés de la famille pour faire disparaître le patriarcat ou la domination masculine, ce alors même que la statistique montre que le lien parent-enfant est déjà plus fragile pour les pères séparés que pour les mères dans le même cas.
Une revue encourageant clairement une orientation valorisante pour les mères et les femmes, et dépréciative pour les pères et les hommes, mérite-t-elle encore le statut de revue scientifique ? N’y a-t-il pas là une confusion des arènes du militantisme et de la recherche que le monde académique se doit au contraire de distinguer?