par Roland Piochet
Voilà encore un site passionnant. Logoté Éducation Nationale, évidemment : on y reviendra.
Un site logoté, et bien doté
Ce site se présente comme un site de documentation pédagogique. Présentation infantile, police de caractères « façon craie blanche sur tableau noir » et division en niveaux de classe (« du primaire au lycée et post-bac »). La présentation du site est attractive, aux couleurs criardes. Le site se définit lui-même comme:
Plus de 80 vidéos, accompagnées de ressources pédagogiques, sur les thématiques de l’égalité entre les sexes, dans tous les domaines. Matilda c’est également une plate-forme collaborative qui permet d’échanger des idées, des questionnements et des réalisations.
https://matilda.education/mod/page/view.php?id=194
Ne prenons qu’un exemple: une vidéo publique « niveau lycée général et technologique, lycée professionnel et post-bac ». : https://matilda.education/course/view.php?id=116 .
Les premières fois de ceux qui croient à l’amour ne sont pas terribles, parce qu’ils négligent l’aspect technique de la chose, explique doctement la conférencière qui se mêle carrément de ce qui ne la regarde pas, et d’ailleurs qu’en sait-elle? On ne le saura pas: la légitimité, c’est le site qui la crée. Et en matière de plaisir, on ne peut pas être certain que le diplôme universitaire soit très valable…. Mais passons.
Elle ose invoquer Mauss pour inciter les élèves et étudiants, qui n’y auraient jamais pensé sans elle, à explorer les « techniques sexuelles du corps », c’est-à-dire la masturbation (« évidemment, dans un cadre scolaire, c’est peut-être un petit peu difficile à enseigner », reconnaît-elle, mais l’enseignant doit pouvoir s’y lancer…). On imagine la tête des profs face à une classe de banlieue en train d’évoquer « le caractère technique de l’acte d’amour, et les voies masturbatoires ».
« Il y a tout un travail à faire dans la société pour que les hommes et les femmes aient un accès au savoir de leur plaisir égal, et pour ça, ça passe par une visibilité égale du plaisir des femmes et du plaisir des hommes et on en est loin, en tout cas dans nos cultures. »
« Il ne s’agit pas simplement d’une question d’intimité, et c’est pour ça que l’école, et la famille, ont un rôle à jouer euh… à ce niveau-là. »
« La jouissance est politique ».
Eh bé oui, la masturbation n’a rien d’intime et il faut laisser les familles s’en occuper ensemble.
Indépendamment de l’orientation militante, le propos est d’abord consternant par son ineptie. La vidéo est en fait le fruit d’un « travail de recherche » réalisé en partenariat avec la Cité du Genre/Université Sorbonne Paris Cité.
Or dans la vidéo de présentation de la Cité du Genre [https://citedugenre.fr/fr/], c’est une vue du site Matilda qui illustre la phrase, accrochez-vous bien :
« Nous mettons nos recherches au service des plus jeunes, dans les collèges et les lycées… »:
https://youtu.be/jN8SVjNHERg?t=56
La Cité du genre est intéressante dès lors qu’elle prétend être un réseau activiste auprès de la jeunesse. Ses statuts la définissent comme:
La Cité du Genre est un Institut interdisciplinaire de recherche et de formation en études de genre. Porté par Université de Paris en partenariat avec Sciences Po et Université Sorbonne Paris Nord, ses co-fondateurs, il a pour vocation de promouvoir les études de genre au sein de l’Alliance SPC.
https://citedugenre.fr/wp-content/uploads/2020/10/Statuts-de-La-Cité-du-Genre-VF-15102020.pdf
Parlons argent
Cette disposition sous forme d’institut permet de rediriger les financements universitaires – les crédits de recherche – vers l’association. On trouve dans la DELIBERATION N° 2019-01 du Conseil d’administration de la Comue « Université Sorbonne Paris Cité » Séance du 6 mars 2019 la mention du financement de la Cité du Genre. La Comue est une ancienne structure, aujourd’hui dissoute, qui avait pour but de mutualiser les universités au sein de « super organismes » compétitifs. La structure a disparu, mais pas ses budgets en 2019 qui ont dû être répartis. Les trois « co-fondateurs » étaient membres de la même Comue et ont donc pu travailler ensemble à la mutualisation des fonds. Sur la part de l’un d’eux uniquement, on voit donc apparaître:
Vous avez la proposition de ventilation de ces 97 000 euros qui est sur cette diapositive. […] 22 000 euros pour la Cité du genre […] Cela ne signifie pas que ceux (sic) sont les seules sommes dont vont bénéficier ces programmes interdisciplinaires.
http://www.sorbonne-paris-cite.fr/sites/default/files/ca20190306_deliberation_01.pdf, p. 23
On imagine sans peine que chaque Institution co-fondatrice aura donc apporté la même somme, soit 66 000 euros au total (c’est une supposition).
Un petit coup d’œil maintenant sur « v.ideaux », l’association qui édite le site matilda.education. C’est une plateforme éducative largement subventionnée par l’État. Voici les subventions de l’État perçues par « v.ideaux » rien qu’en 2020 :
- 10.000€ au titre du programme budgétaire 224 (« Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » – Ministère de la Culture et de la Communication), avec comme objet: « Politiques d’éducation artistique et culturelle »
- 10.000€ au titre du programme budgétaire 137 (« Égalité entre les femmes et les hommes » – Premier Ministre) avec comme objet: « Soutien à la diffusion ou à la production d’un média associatif »)
- 5.000€ au titre du programme budgétaire 230 (« Enseignement scolaire: Vie de l’élève » – Ministère de l’Éducation nationale), avec comme objet: « Activité périscolaire et accompagnement des élèves »
- 1000€ au titre du programme budgétaire 129 (« Coordination du travail gouvernemental » – Premier Ministre), avec comme objet: « Appel à projet déconcentré »
Ces 27.000€ n’incluent évidemment pas les subventions accordées par les collectivités territoriales… évidemment.
On s’étonnera donc à peine qu’avec entre 50 000 et 90 000 euros de fonctionnement annuel (3×22000 euros + l’assise confortable des 27 000 euros annuels de v.ideaux) le dispositif éducatif permette de diffuser des conseils pédagogiques aux enseignants sur l’enseignement des « techniques de l’amour » qui rendent « moins décevantes les premières fois ». Ils bénéficient aussi de la mise à disposition de locaux, de moyens, et certainement aussi d’autres sources de financement… Mais nulle part nous ne trouvons de bilans financiers ni même de rapports d’activité.
Mais peu importe: le message passe au « service des plus jeunes, dans les collèges et les lycées ».