Profils de poste en écriture inclusive: l’administration fait marche arrière

Profils de poste en écriture inclusive: l’administration fait marche arrière

Xavier-Laurent Salvador

Linguiste, Président du LAIC
La période du Mars voit proliférer les annonces de poste pour les recrutements dans les établissements du supérieur dont les INSPE font partie désormais en toute autonomie. Le mot "autonomie" est sans doute inapproprié lorsque l'on parle de la fonction publique tant certains se croient affranchis par la magie performative du mot de tout compte à rendre au public qui les finance. Par notre mobilisation sans précédent, nous sommes parvenus à faire reculer l'administration !

Table des matières

Profils de poste en écriture inclusive: l’administration fait marche arrière

La période du mois de Mars voit proliférer les annonces de poste pour les recrutements dans les établissements du supérieur dont les INSPE font partie désormais en toute autonomie. Le mot « autonomie » est sans doute inapproprié lorsque l’on parle de la fonction publique tant certains se croient affranchis par la magie performative du mot de tout compte à rendre au public qui les finance.

Le Poste

C’est ainsi que, comme chaque année, nous voyons paraître des dizaines et des dizaines de profils de postes tous rédigés en écriture inclusive bas-de-gamme, avec force « points médians » et autres joyeusetés inappropriées sur la vitrine d’un établissement public.

Un poste a retenu particulièrement notre attention: il s’agissait d’un poste publié par un Institut de Formation des Maîtres (INSPE) à Versailles qui cherche à recruter au plus niveau de l’Administration, un cadre A+ « Professeur.e des Universités » sur un profil d’enseignement du français pompeusement rebaptisé « didacticie.nnn.e de la langue » au niveau Master de formation des Professeurs des écoles. Voilà une copie d’écran d’une part essentielle du profil qui laissait apparaître ce délire:

La rédaction impropre du profil constitue une manœuvre insidieuse des détournement militant du site web d’une administration. Il faut en effet savoir que les profils de postes sont rédigés par des enseignants réunis en commission électorale qui s’accordent sur un texte de ce type, puis le transmettent à l’administration directement qui les publie. Ce type d’usage pourtant est un manquement manifeste aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Il écorne gravement l’image de la prestigieuse institution prestigieuse et rend nécessaire un rappel aux intéressés des diverses obligations qui leur incombent. Ils doivent notamment

1. rédiger tout document à vocation externe EN FRANÇAIS et dans des termes lisibles et compréhensibles, critère que l’écriture inclusive ne remplit pas.

2. respecter l’interdiction de l’emploi de cette graphie qui est édictée par la circulaire du Premier Ministre du 21 novembre 2017, et par celle du 5 mai 2021 destinée aux recteurs et autres gradés de l’Éducation nationale, ainsi que par la loi prochainement promulguée qui applique ladite interdiction à toutes « les publications émanant de personnes publiques ou de personnes privées chargées d’une mission de service public”. 

3. respecter le devoir de réserve de tout fonctionnaire, qui découle du principe de neutralité du service public et lui interdit de faire de sa fonction l’instrument d’une propagande quelconque. 

4. respecter, dans l’exercice de leurs fonctions, les règles grammaticales et syntaxiques que l’ emploi de l’écriture dite inclusive bafoue sans retenue.

Celle-ci est une manœuvre militante et prosélyte, proscrite non seulement par le principe de laïcité qui régit tout établissements d’enseignement public depuis les années 1880, mais aussi par une jurisprudence constante du Conseil d’État qui confirme l’ obligation de réserve de tout fonctionnaire, depuis les années 1930. Selon le secrétaire perpétuel de l’Académie française, Hélène Carrère d’Encausse, ses “promoteurs violentent les rythmes d’évolution du langage, selon une injonction brutale, arbitraire et non concertée qui méconnait l’écologie du verbe.”. En termes plus prosaïques, ce subterfuge traduit un mépris des règles auxquelles l’exécution de ses fonctions assujettit tout agent public, à fortiori s’il est enseignant.

Les manquements relatés ci-dessus sont répréhensibles juridiquement, mais ils le sont aussi moralement, de la part de quiconque participe à la formation de futurs enseignants. Ce facteur aggravant justifie un signalement à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique dont ces activistes violent ouvertement les règles.

Une mobilisation sans précédent, pour une victoire

Alertés par nos outils de veille, nos lecteurs ont décidé d’écrire à l’administration. Après un peu plus de mille mails ayant circulé du Rectorat au Ministère, nous avons appris le recul de l’administration qui revient en arrière sur l’ensemble des profils de postes publiés. Le nouveau profil est consultable en ligne ici. Voilà la copie du même passage, en plus raisonnable:

Personne ne sait encore si le recours à l’indéfini « une personne » est exclusive de tout homme qui s’identifierait homme, et de toute femme qui s’identifierait homme aussi, mais peu importe. Il existe des solutions pour affirmer l’autorité de la loi sur l’administration, et il appartient aux personnes en responsabilité de faire leur travail. Même si elles ont peur de leur collègue du bureau d’en-face.

Un gros travail encore

Mais en réalité, c’est une victoire modeste. Il faudrait un poste à temps plein pour pouvoir suivre l’évolution de chaque dérive de l’institution. Voilà par exemple, rien qu’en langue et en littérature françaises cette année sur le site de Galaxie quelques profils de postes dont vous reconnaîtrez facilement qu’ils sont tous écrits sur le modèle de celui de l’INSPE. Il est bien sûr possible de joindre chaque président pour le rappeler à son devoir, mais c’est une tâche trop ambitieuse pour nous encore. Il faut encore savoir que l’ensemble des Présidents d’Université, qui signent chacune de ces fiches de postes, appartiennent à l’association France Université dont le mail du Président est: presidence@univ-reims.fr et dont on pourrait imaginer qu’il pourrait se sentir concerné par ce type d’information, mais ne rêvons pas.

Voilà ce que chaque nouveau candidat au recrutement dans l’Université doit affronter avant de faire acte de candidature : 


Postes 4790, 4791, 4792 de Professeur en Langue et littérature françaises
Université de Dijon
mail: president@u-bourgogne.fr


Poste 4751 en stylistique française 
Toulouse 2 (ex Mirail, Jean Jaurès)
mail: presidence@univ-tlse2.fr

Poste 4752 en Sciences du Langage 
Toulouse 2 (ex Mirail, Jean Jaurès)
mail: presidence@univ-tlse2.fr


Poste 4394 en Langue et littérature médiévales,
BORDEAUX MONTAIGNE 
mail: presidence@u-bordeaux-montaigne.fr


Poste 0191 en Langue et littérature françaises,
CLERMONT AUVERGNE
mail: president@uca.fr


Poste 4904 en Littératures du Sud,
Nanterre
mail: presidence@liste.parisnanterre.fr


Poste 4857 en Langue et littérature françaises,
Nanterre
mail: presidence@liste.parisnanterre.fr


Comme vous pouvez le constater par vous-même, ce serait remplir le tonneau des Danaïdes que de poursuivre cette veille. Mais imaginez la position d’un jeune candidat: ne devra-t-il pas se demander, avant même d’intégrer la fonction publique, s’il ne doit pas faire des concessions à ce type de propagande ?

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