Comment définir ces « idéologies identitaires » contre lesquelles nous essayons, dans cet Observatoire, d’alerter l’opinion et ceux qui nous gouvernent ? Comment retracer leur genèse ? Pourquoi les combattre ?
Une idéologie, c’est une représentation du monde. Une idéologie identitaire, c’est une représentation du monde à travers le prisme d’une identité. Identité ethnique, sexuelle, physique, culturelle, religieuse, peu importe. L’identitarisme, c’est le contraire de l’universalisme. C’est la ségrégation de l’individu dans une catégorie, c’est l’attribution d’une étiquette grâce à laquelle on croit pouvoir l’identifier. Cela consiste à enfermer l’autre, voire à s’enfermer soi-même, dans une « identité » qui, le plus souvent, n’a pas été choisie. Cela consiste à définir des personnes, non en fonction de leurs qualités humaines, mais de la seule apparence ; c’est, avant de voir un être humain en face de soi, de voir un Noir ou un Blanc, un homme ou une femme, un Allemand ou un Espagnol, un chrétien ou un musulman, un gros ou un maigre.
D’où viennent les idéologies identitaires ? Le plus souvent de la peur de l’autre, de la volonté de l’entre-soi, du désir de se réfugier dans sa communauté face au reste du monde perçu comme agressif. Et de cette posture victimaire naît une nouvelle agressivité, qui peut prendre alors des proportions incalculables. Les nazis se sont emparés des mythologies nordiques pour forger une idéologie plaçant une « race » imaginaire au-dessus de toutes les autres, niant la primauté de l’individu pour concevoir que l’appartenance à une ethnie supposée était la fin première de l’existence des hommes sur la terre, récusant l’appartenance des Juifs et des Noirs au genre humain. Si la monstruosité de la Shoah reste un phénomène unique dans l’histoire de l’humanité, l’identitarisme est responsable de bien d’autres crimes à travers le monde contemporain.
Pourquoi combattre les idéologies identitaires ? Sont-elles de droite ou de gauche ? Certes, l’identitarisme que nous voyons dans nos sociétés occidentales n’est pas comparable aux massacres interethniques. Mais si l’identitarisme puise ses racines dans l’idéologie raciste et antisémite de l’extrême droite, il a fait des émules dans une « gauche » décomplexée, qui en vient à essentialiser l’appartenance à un sexe ou à une ethnie, à briser l’universalisme issu des Lumières pour compartimenter les individus. Ce qui nous alerte, c’est que les idéologies identitaires se sont développées dans un milieu universaliste par essence : l’Université. Comme seul exemple de cette dérive : l’université Columbia, à New York, l’une des plus prestigieuses des États-Unis, a décidé que les célébrations de remise de diplôme pourraient être séparées selon l’origine ethnique, sexuelle, ou même selon le niveau de revenu des étudiants « afin d’offrir un cadre plus intime [aux] étudiants qui s’auto-identifient de différentes manières ».
Ces dérives identitaires sont la justification même de notre combat.