Shakespeare in dis-love

Shakespeare in dis-love

Claudio Rubiliani

Biologiste, membre de l’Observatoire de la petite sirène.
Quand les mises en scène au théâtre militent pour l'idéologie woke, quitte à trahir leur auteur...

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Shakespeare in dis-love

En 2006, Coline Serreau nous avait déjà proposé un Arnolphe féminin. Une femme de plus à l’école, pas de quoi fouetter un petit chat, me direz-vous ! Depuis des années, Avignon nous avait habitués aux lubies déconstructionnistes…et économiques de certains metteurs en scène : du sac à patates se muant en toge romaine jusqu’au songe d’une nudité devenu réalité avec un Cid en simple appareil brandissant son épée face à Chimène en tenue d’Eve.

En 2021 Denzel Washington interprétait Macbeth. Le fait que Denzel, immense acteur, ne soit pas tout à fait un prototype de Scott n’a picoté aucun pouce. Nul ne proposa de transférer Cawdor à Harlem. Et pourquoi n’avait-il pas plutôt choisi Othello (qu’il devrait d’ailleurs jouer en 2025) ? Telle n’était pas la question.

Mais le ver woke était déjà dans le fruit. Un parfum d’Absurdie, un relent de pourriture émanait de ce royaume où qui cherche un cheval trouvera plus sûrement un âne. Car, dans le même temps, de perfides critiques et de jalouses concurrentes s’indignaient du fait qu’Anna Netrebko, bien qu’ayant le bon ton, n’avait pas le bon teint pour incarner Aïda. Deux poids, deux mesures ?

Dès lors, avec une ferveur butlérienne digne de Sciences Pol Pot, théâtre et opéra se livrèrent à une opportuniste et consternante surenchère pour massacrer les classiques en tous genres. Ainsi, après un Tartuffe sans hommes on nous gratifia d’un Dom Juan punk déboulonné et déboussolé devant la statue de sa mère en commandeur, d’une Carmen tuant Don José d’un coup de révolver, d’un Hamlet  femme qui fait des omelettes (ça ne s’invente pas), d’une Flûte Enchantée revisitée par des « relecteurs en sensibilité » qui, entre autres trahisons,  blanchissaient un Monostatos qui ne pouvait plus être Maure. Le cap, que dis-je, la péninsule est franchie avec un Cyrano de drag-queens à la Comédie française.

Mais c’était encore trop peu pour les nouveaux Savonarole du wokisme. Dans leur croisade « purificatrice », sur le bûcher de leur vanité, il leur fallait brûler Shakespeare. Et si possible avec le poisseux vernis pseudo-scientifique de l’intersectionnisme.

Ainsi, comme l’a dernièrement relaté Emmanuelle Ducros dans une savoureuse chronique sur Europe 1, grâce à une coquette subvention sur le dos du contribuable britannique qui se serait bien passé de cette charge, un groupe « d’experts » de l’université londonienne Roehampton s’est piqué d’ analyser « intersectionnellement » l’œuvre du maître de Stratford. Et d’en conclure que, par son caractère trop « blanc, masculin, hétérosexuel et cis-genre » il ne devrait plus jamais être joué !

Notons toutefois que dans ce procès stalinien à l’objectivité médiapartique  intenté à Shakespeare, nos doctes juges, obnubilés par leur volition dogmatique, semblent avoir ignoré Le Marchand de Venise, comédie incontestablement féministe avant l’heure. En effet, dans cette pièce, les femmes sont les personnages forts et subtils. Lors du procès, Portia et Nerissa –déguisées en hommes- sauvent le malheureux Antonio, ridiculisent amants et soupirants et permettent malgré tout à Shylock d’être partiellement épargné. Nul doute, cependant, qu’à l’aide d’une onctueuse subvention de quelques chères livres fraiches, certains éminents genrologues exhumeront une version inédite du Marchand deVenise où, bien sûr, le Juif sera exécuté et où le Doge sera coiffé non pas d’un corno mais d’un keffieh. 

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