Read More Dernière modification : 6 février 2023 13:49 Le séminaire d’Histoire des sciences humaines et sociales propose une approche volontairement généraliste du domaine. Les sciences humaines et sociales sont souvent appréhendées selon des historiographies disciplinaires. L’objectif du séminaire est de prendre du recul par rapport à ce type de perspective, en montrant que l’on peut faire par exemple une histoire des partages et des échanges entre science de l’homme, philosophie, médecine, littérature, sciences de la nature, etc. On s’attachera aux pratiques, aux savoirs, aux dénominations et aux acteurs à partir desquels s’est constitué et se constitue le projet d’édifier une ou des sciences prenant l’Homme et les humains comme objet. Soutenu par la Société française pour l’histoire des sciences de l’homme (SFHSH), ce séminaire est un forum de discussions sur les problématiques actuelles, sur les livres récemment parus, sur le statut et les usages des archives, sur les méthodes et les fonctions d’une approche historique des sciences qui prennent l’humain pour objet. Il s’adresse aux chercheurs, aux doctorants et aux étudiants en histoire des sciences et, plus largement, en sciences humaines et sociales. 21 octobre 2022 : Dominique Ottavi (Université Paris-Nanterre), « Ordre et désordre dans l’œuvre de Taine »Pourquoi revenir sur Hippolyte Taine dans les Études sociales, alors que l’actualité éditoriale récente sur le sujet est importante ? C’est justement cette actualité qui a mis en lumière l’intérêt persistant de cette œuvre, d’où le sentiment de devoir réunir autour de l’influence de Taine sur les sciences humaines de chercheurs qui l’ont rencontré, directement ou au détour d’une investigation dont il n’était pas forcément l’objet central. Henri Bergson a mis en cause l’opposition entre ordre et désordre, ce qui s’applique assez bien à un regard distancié sur l’œuvre de Taine. L’annexion de l’activité humaine au donné des sciences de la nature et au déterminisme, constitue un fil d’Ariane au-delà de son apparent éclectisme ; le pari de relier l’observation du détail signifiant et de grandes lois du devenir a pu attirer des critiques légitimes mais continue d’interroger les cloisonnements entre les savoirs.17-19 novembre 2022 : Colloque « De quoi l’anthropologie est-elle le nom? Pour Claude Blanckaert » (Musée de l’Homme, Amphithéâtre Jean Rouch)Les étudiants sont encouragés à assister aux séances du Colloque qui les intéressent et sont compatibles avec leur emploi du temps. Le programme est accessible à l’adresse suivante : http://koyre.ehess.fr/index.php?3904En 1989, Claude Blanckaert publiait un texte qui a fait date : « L’Anthropologie en France. Le mot et l’histoire (XVIe-XIXe siècle) ».* Il y proposait une traversée sur quatre siècles de l’usage du mot « anthropologie ». L’angle se voulait « lexicologique et socio-idéologique » et la période considérée courait de sa première attestation en langue vulgaire (1516) jusqu’à 1860. À trente années de distance et alors que l’anthropologie des savoirs connaît une grande faveur, l’équipe de l’axe « Histoire croisée des sciences de l’homme, du corps et de la nature » du Centre Alexandre-Koyré a souhaité prolonger l’enquête afin d’ausculter jusqu’à nos jours les différents usages du mot « anthropologie ». L’hypothèse est la suivante : à travers ses adjectivations (physique, raciale, sociale, philosophique, biologique, médicale, cognitive…) ou non, ses identifications ou oppositions (à ethnologie, ethnographie, sociologie, histoire, science de l’homme, biologie, zoologie,…), ses formes d’institutionnalisation (les sections du CNRS usant du terme ; les chaires universitaires tant en faculté des lettres, des sciences humaines, de médecine que de droit ; les Académies ; le Muséum national d’histoire naturelle), les acteurs qui ont pu en faire un étendard (Paul Broca, Armand de Quatrefages, Paul Rivet, Claude Lévi-Strauss, Odo Marquard pour prendre quelques exemples très contrastés), ainsi que l’indifférenciation des usages de certains locuteurs, l’anthropologie présente des visages très divers qui n’ont pas fait l’objet d’enquêtes synoptiques.* Claude Blanckaert, « L’Anthropologie en France. Le mot et l’histoire (XVIe-XIXe siècle) », dans Histoire de l’Anthropologie : Hommes, Idées, Moments, Claude Blanckaert, Albert Ducros, Jean-Jacques Hublin (dir.), Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, n° spécial, 3-4, 1989, p.13-44.2 décembre 2022 : Vania Markarian (Universidad de la República, Uruguay , professeure invitée EHESS), « Une histoire faite de nombreux soupçons et de quelques confirmations. Le projet Camelot et les sciences sociales en Uruguay »En 1965, un scandale a secoué les sciences sociales latino-américaines et a eu pendant des années des répercussions sur la volonté des universitaires et des intellectuels d’accepter les offres de fonds étrangers pour mener à bien leurs activités. En effet, les allégations qui ont émergé au Chili sur les intentions du projet Camelot, ainsi que l’identification de ses financiers à l’appareil militaire du gouvernement états-unien, ont alerté ceux qui, dans un contexte de restrictions budgétaires nationales, cherchaient de l’argent pour leurs recherches. En Uruguay, cette question est venue s’ajouter aux débats entourant le récent Séminaire des élites latino-américaines, qui s’est tenu la même année à l’Université de la République (Udelar) sans trop d’agitation, mais avec quelques signaux d’alarme concernant l’organisation promotrice, le suspect Congrès pour la liberté de la culture (CLC), dont on a rapidement découvert qu’il était financé par la CIA. Ces deux questions ont largement contribué à l’érosion du « tercerismo », cette position de fière équidistance vis-à-vis des puissances de la guerre froide qui avait unifié une grande partie du champ intellectuel local et avait encouragé les convergences également en ce qui concerne la compréhension des différents problèmes sociaux. En optant pour la promesse révolutionnaire de Cuba ou en embrassant de toute façon les plans de modernisation venant des États-Unis, ces intellectuels ont cessé de trouver un terrain d’entente dans les discussions publiques sur la science et la politique, en particulier celles qui visaient, dans la lignée de débats similaires au niveau mondial, à définir le rôle des institutions du savoir dans la promotion du développement et du changement social. Au milieu de ces controverses, comme on l’analysera dans cette présentation, la tentative de consolider un espace académique pour le développement des études sociales où différentes tendances théoriques et méthodologiques pourraient coexister a été frustrée.16 décembre 2022 : Sophie Noël (Université Paris Panthéon-Assas), « L’édition de sciences humaines et sociales en France, entre logiques savantes et politiques »L’édition de sciences humaines et sociales a connu de profondes transformations ces dernières décennies. Généralement perçu comme un domaine « en crise » condamné à de faibles tirages, c’est un secteur éditorial hétérogène, qui a connu un renouveau important dans les années 1990 autour de petites maisons d’édition à l’identité critique affirmée. Cette présentation propose de revenir sur les transformations du secteur de l’édition de SHS depuis cette période, et plus particulièrement sur l’articulation entre les logiques savantes et politiques qui le traversent, ainsi que sur les contraintes économiques qui pèsent sur lui. L’approche développée se situe à la croisée de l’histoire et de la sociologie de l’édition et du champ intellectuel.6 janvier 2023 : Marcia Consolim (Université Fédérale de São Paulo, Brésil), « L’enseignement des sciences sociales au Brésil : entre modèles français et nord-américains (1933-1945) »L’objectif de cette présentation est d’analyser l’institutionnalisation des premiers cours de sciences sociales au Brésil à la lumière de la circulation des professeurs étrangers et brésiliens dans le pays tout au long des années 1930 et 1940. Cette enquête se base sur une étude comparative des institutions et des cours de sciences sociales fondés au cours des années 1930 dans quelques institutions d’enseignement supérieur à São Paulo et à Rio de Janeiro. Elle prend également en compte les trajectoires sociales et intellectuelles des professeurs (étrangers et brésiliens) des nouvelles sciences de l’homme. Elle insistera sur la diversité des styles de vie intellectuelle de ces intellectuels dans leurs pays d’origine ainsi que sur leurs pratiques scientifiques et diplomatiques au Brésil. Elle s’attachera également aux représentations des professeurs de ces institutions, en particulier à travers leurs manuels, articles de presse et correspondance. L’objectif est d’identifier quelques facteurs permettant d’expliquer les préférences des professeurs brésiliens tantôt pour les modèles nord-américains, tantôt pour les modèles français de pratiques des sciences sociales.20 janvier 2023 : Thibault Le Texier (Centre européen de sociologie et de science politique de la Sorbonne), « Marketing et sciences sociales : histoires croisées »Si les marketeurs doivent vendre, ils doivent d’abord se vendre. Comme les managers, ils assoient leur employabilité sur la possession d’une expertise à prétention scientifique, même si leurs savoirs restent en dernier lieu validés au sein des entreprises, et non au sein des universités. À l’intuition et à la personnalité des vendeurs, sur lesquelles a longtemps reposé l’art de vendre, les marketeurs ont entrepris de fonder une véritable science de la consommation. Depuis sa naissance dans les années 1910, le marketing a ainsi puisé à toutes les sciences sociales : économie, sociologie et surtout psychologie. Mais ses assises scientifiques restent faibles. La discipline marketing ne dessine pas un ensemble de théorèmes. Elle déploie bien plutôt une pensée par cas, incertaine et ouverte. Discipline appliquée et donc dominée, aux objets sans noblesse, le marketing a néanmoins attiré de nombreux chercheurs en sciences sociales, tels que Gordon Allport, Burleigh Gardner et Paul Lazasfeld.3 février 2023 : Stéphane Dufoix (Université Paris-Nanterre), « Les Suds des sciences sociales » (présentation du numéro 41 de la Revue d’histoire des sciences humaines)La question d’un éventuel Sud des sciences sociales est à la fois nouvelle et ancienne. Nouvelle parce qu’il semble que des expressions telles que « le Sud global », la « théorie du Sud », les auteurs ou les épistémologies du ou des Suds sont récentes – et en effet elles le sont. Dans un sens plus large, non seulement les sciences sociales existent dans les pays non occidentaux depuis bien plus longtemps que trois ou quatre décennies mais, en dépit de leur quasi-absence dans le récit occidental qui en a été fait, certaines fractions d’entre elles ont produit, à des moments différents, des traditions spécifiques, des réactions nationales à la domination épistémique occidentale, des hybridations particulières ou des circulations inattendues. Le numéro ne souhaite pas avant tout décider entre les deux options. Il se concentre sur ces deux aspects, ancien et nouveau, afin de montrer, à partir d’exemples très différents, à quel point il devient très important de se pencher sur les logiques de production de sciences sociales au Sud pour sortir d’un ethnocentrisme européo-centré trop bien ancré pour ouvrir les yeux.17 février 2023 : Ilse Hilbold (Université de Berne, Suisse), « Le savoir en partage : dynamiques internationales de la bibliographie d’études classiques (XXe siècle) »Née en 1900 à Alger, Juliette Ernst a été la rédactrice, puis la directrice de L’Année Philologique de 1929 jusqu’aux années 1990. Débutant son travail à L’APh aux côtés de Jules Marouzeau, qui en avait été le fondateur en 1926, Juliette Ernst participe au processus de modernisation de la bibliographie qui traverse alors toutes les sciences et que soutient la Société des Nations. Juliette Ernst a ensuite suivi Jules Marouzeau dans un autre projet d’envergure internationale, la Fédération Internationale des associations d’Études Classiques, où elle œuvre comme secrétaire depuis sa fondation, en 1948, jusqu’en 1974. Avec ses deux carrières, elle dévoile en fait un même domaine de compétences, que l’on peut résumer par la fabrique des relations internationales entre spécialistes des sciences de l’Antiquité. Cette enquête retrace l’histoire de ces deux outils de coopération internationale que Juliette Ernst a su conjuguer des décennies durant au profit des antiquisants du monde entier.17 mars 2023 : Ian Merkel (FU Berlin, Alexander v. Humboldt Fellow), « Art, Archaeology and Socialism: The Life and Work of Laurette Séjourné, Interpreter of Mesoamerica »Laurette Séjourné (1914–2003) was an archaeologist and anthropologist of Mexico, known for her field-based monographs on Teotihuacan, interpretation of the feathered-serpent god Quetzalcoatl, and broader synthetic works such as La pensée des anciens Mexicains. This talk reconstructs the life of this pioneering woman as a film editor in Paris in the 1930s, where she worked with luminaries such as Henri Cartier-Bresson, and as an antifascist in exile in Mexico in the second half of the 20th century. Despite occupying a somewhat controversial role as a cultural interpreter at a time in which the discipline of archaeology became much more professionalized and scientific, Séjourné conducted important digs with the Instituto Nacional de Antropología e Historia and influenced scholars such as Miguel León-Portilla through her studies on religion. Furthermore, her reach extended well beyond the social-scientific community, notably as an editor for the publishing houses Fondo de Cultura Económica and Siglo Veintiuno Editores. This talk examines these multiple aspects of Séjourné’s life and work, considering the challenges that she faced as a woman and a foreigner in earning recognition for her work, as well the ways in which she overcame them.7 avril 2023 : Delphine Froment (Université de Lorraine), « Du triangle sur la carte à la montagne est-africaine : savoirs géographiques, représentations et constructions territoriales autour du Kilimandjaro au XIXe siècle »Inconnu en Europe avant 1848, le Kilimandjaro y gagne en quelques décennies une immense notoriété – à la fois du fait de ses neiges, de ses dimensions exceptionnelles, et de la prospérité des sociétés qui l’habitent, les Chaggas. Dans les années 1880, il apparaît comme un important enjeu des rivalités impériales en Afrique de l’Est, avant d’être finalement intégré à l’Afrique orientale allemande en 1886. S’il devient alors rapidement un emblème de la grandeur de l’empire colonial allemand en Afrique, il s’impose surtout comme un véritable topos des paysages est-africains dans les représentations occidentales. Cette présentation se propose de retracer au travers de sources diverses (récits de voyages, cartes, photographies, sources diplomatiques et administratives…) la construction géographique, scientifique et politique du Kilimandjaro sous l’impulsion européenne, et la manière dont il a gagné une importance telle dans les représentations qu’il est devenu une métonymie géographique signifiante – tant de l’empire allemand, que de l’Afrique de l’Est.21 avril 2023 : Morgane Labbé (EHESS), « Les enquêtes sociales polonaises de l’entre-deux-guerres au défi de la statistique et des sciences sociales »Cet article rend compte de la vitalité des enquêtes sociales polonaises conduites durant la période de l’entre-deux-guerres, que les bouleversements politiques, nationaux et démographiques ont ensuite effacée de l’histoire des sciences sociales. Quatre enquêtes successives et différentes (enquête-budget, autobiographie, enquête participative, puis statistique) sont présentées et décrites dans leurs contextes politiques, institutionnels et académiques. Ce qui lie ces enquêtes n’est ni l’unité de la méthode, ni le thème, mais l’activisme social de leurs concepteurs qui transforment les modes de recueil des expériences ouvrières pour les adapter à des conjonctures politiques et sociales changeantes. L’article développe cet argument dans deux directions : l’une met l’accent sur le rôle des instituts privés dans la conduite des enquêtes, leurs rapports rivaux et complémentaires avec les instituts publics comme le Bureau de statistique ; l’autre met en évidence un espace transnational et centre-européen de circulation des savoirs qui fournit les références et reconnaissances nécessaires pour consolider l’autonomie des instituts.26 mai 2023 : Gregory Brown (Université du Nevada, Department of History), titre et résumé à venir
Dernière modification : 6 février 2023 13:49
Le séminaire d’Histoire des sciences humaines et sociales propose une approche volontairement généraliste du domaine. Les sciences humaines et sociales sont souvent appréhendées selon des historiographies disciplinaires. L’objectif du séminaire est de prendre du recul par rapport à ce type de perspective, en montrant que l’on peut faire par exemple une histoire des partages et des échanges entre science de l’homme, philosophie, médecine, littérature, sciences de la nature, etc. On s’attachera aux pratiques, aux savoirs, aux dénominations et aux acteurs à partir desquels s’est constitué et se constitue le projet d’édifier une ou des sciences prenant l’Homme et les humains comme objet. Soutenu par la Société française pour l’histoire des sciences de l’homme (SFHSH), ce séminaire est un forum de discussions sur les problématiques actuelles, sur les livres récemment parus, sur le statut et les usages des archives, sur les méthodes et les fonctions d’une approche historique des sciences qui prennent l’humain pour objet. Il s’adresse aux chercheurs, aux doctorants et aux étudiants en histoire des sciences et, plus largement, en sciences humaines et sociales.
21 octobre 2022 : Dominique Ottavi (Université Paris-Nanterre), « Ordre et désordre dans l’œuvre de Taine »
Pourquoi revenir sur Hippolyte Taine dans les Études sociales, alors que l’actualité éditoriale récente sur le sujet est importante ? C’est justement cette actualité qui a mis en lumière l’intérêt persistant de cette œuvre, d’où le sentiment de devoir réunir autour de l’influence de Taine sur les sciences humaines de chercheurs qui l’ont rencontré, directement ou au détour d’une investigation dont il n’était pas forcément l’objet central. Henri Bergson a mis en cause l’opposition entre ordre et désordre, ce qui s’applique assez bien à un regard distancié sur l’œuvre de Taine. L’annexion de l’activité humaine au donné des sciences de la nature et au déterminisme, constitue un fil d’Ariane au-delà de son apparent éclectisme ; le pari de relier l’observation du détail signifiant et de grandes lois du devenir a pu attirer des critiques légitimes mais continue d’interroger les cloisonnements entre les savoirs.
17-19 novembre 2022 : Colloque « De quoi l’anthropologie est-elle le nom? Pour Claude Blanckaert » (Musée de l’Homme, Amphithéâtre Jean Rouch)
Les étudiants sont encouragés à assister aux séances du Colloque qui les intéressent et sont compatibles avec leur emploi du temps. Le programme est accessible à l’adresse suivante : http://koyre.ehess.fr/index.php?3904
En 1989, Claude Blanckaert publiait un texte qui a fait date : « L’Anthropologie en France. Le mot et l’histoire (XVIe-XIXe siècle) ».* Il y proposait une traversée sur quatre siècles de l’usage du mot « anthropologie ». L’angle se voulait « lexicologique et socio-idéologique » et la période considérée courait de sa première attestation en langue vulgaire (1516) jusqu’à 1860. À trente années de distance et alors que l’anthropologie des savoirs connaît une grande faveur, l’équipe de l’axe « Histoire croisée des sciences de l’homme, du corps et de la nature » du Centre Alexandre-Koyré a souhaité prolonger l’enquête afin d’ausculter jusqu’à nos jours les différents usages du mot « anthropologie ». L’hypothèse est la suivante : à travers ses adjectivations (physique, raciale, sociale, philosophique, biologique, médicale, cognitive…) ou non, ses identifications ou oppositions (à ethnologie, ethnographie, sociologie, histoire, science de l’homme, biologie, zoologie,…), ses formes d’institutionnalisation (les sections du CNRS usant du terme ; les chaires universitaires tant en faculté des lettres, des sciences humaines, de médecine que de droit ; les Académies ; le Muséum national d’histoire naturelle), les acteurs qui ont pu en faire un étendard (Paul Broca, Armand de Quatrefages, Paul Rivet, Claude Lévi-Strauss, Odo Marquard pour prendre quelques exemples très contrastés), ainsi que l’indifférenciation des usages de certains locuteurs, l’anthropologie présente des visages très divers qui n’ont pas fait l’objet d’enquêtes synoptiques.
* Claude Blanckaert, « L’Anthropologie en France. Le mot et l’histoire (XVIe-XIXe siècle) », dans Histoire de l’Anthropologie : Hommes, Idées, Moments, Claude Blanckaert, Albert Ducros, Jean-Jacques Hublin (dir.), Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, n° spécial, 3-4, 1989, p.13-44.
2 décembre 2022 : Vania Markarian (Universidad de la República, Uruguay , professeure invitée EHESS), « Une histoire faite de nombreux soupçons et de quelques confirmations. Le projet Camelot et les sciences sociales en Uruguay »
En 1965, un scandale a secoué les sciences sociales latino-américaines et a eu pendant des années des répercussions sur la volonté des universitaires et des intellectuels d’accepter les offres de fonds étrangers pour mener à bien leurs activités. En effet, les allégations qui ont émergé au Chili sur les intentions du projet Camelot, ainsi que l’identification de ses financiers à l’appareil militaire du gouvernement états-unien, ont alerté ceux qui, dans un contexte de restrictions budgétaires nationales, cherchaient de l’argent pour leurs recherches. En Uruguay, cette question est venue s’ajouter aux débats entourant le récent Séminaire des élites latino-américaines, qui s’est tenu la même année à l’Université de la République (Udelar) sans trop d’agitation, mais avec quelques signaux d’alarme concernant l’organisation promotrice, le suspect Congrès pour la liberté de la culture (CLC), dont on a rapidement découvert qu’il était financé par la CIA. Ces deux questions ont largement contribué à l’érosion du « tercerismo », cette position de fière équidistance vis-à-vis des puissances de la guerre froide qui avait unifié une grande partie du champ intellectuel local et avait encouragé les convergences également en ce qui concerne la compréhension des différents problèmes sociaux. En optant pour la promesse révolutionnaire de Cuba ou en embrassant de toute façon les plans de modernisation venant des États-Unis, ces intellectuels ont cessé de trouver un terrain d’entente dans les discussions publiques sur la science et la politique, en particulier celles qui visaient, dans la lignée de débats similaires au niveau mondial, à définir le rôle des institutions du savoir dans la promotion du développement et du changement social. Au milieu de ces controverses, comme on l’analysera dans cette présentation, la tentative de consolider un espace académique pour le développement des études sociales où différentes tendances théoriques et méthodologiques pourraient coexister a été frustrée.
16 décembre 2022 : Sophie Noël (Université Paris Panthéon-Assas), « L’édition de sciences humaines et sociales en France, entre logiques savantes et politiques »
L’édition de sciences humaines et sociales a connu de profondes transformations ces dernières décennies. Généralement perçu comme un domaine « en crise » condamné à de faibles tirages, c’est un secteur éditorial hétérogène, qui a connu un renouveau important dans les années 1990 autour de petites maisons d’édition à l’identité critique affirmée. Cette présentation propose de revenir sur les transformations du secteur de l’édition de SHS depuis cette période, et plus particulièrement sur l’articulation entre les logiques savantes et politiques qui le traversent, ainsi que sur les contraintes économiques qui pèsent sur lui. L’approche développée se situe à la croisée de l’histoire et de la sociologie de l’édition et du champ intellectuel.
6 janvier 2023 : Marcia Consolim (Université Fédérale de São Paulo, Brésil), « L’enseignement des sciences sociales au Brésil : entre modèles français et nord-américains (1933-1945) »
L’objectif de cette présentation est d’analyser l’institutionnalisation des premiers cours de sciences sociales au Brésil à la lumière de la circulation des professeurs étrangers et brésiliens dans le pays tout au long des années 1930 et 1940. Cette enquête se base sur une étude comparative des institutions et des cours de sciences sociales fondés au cours des années 1930 dans quelques institutions d’enseignement supérieur à São Paulo et à Rio de Janeiro. Elle prend également en compte les trajectoires sociales et intellectuelles des professeurs (étrangers et brésiliens) des nouvelles sciences de l’homme. Elle insistera sur la diversité des styles de vie intellectuelle de ces intellectuels dans leurs pays d’origine ainsi que sur leurs pratiques scientifiques et diplomatiques au Brésil. Elle s’attachera également aux représentations des professeurs de ces institutions, en particulier à travers leurs manuels, articles de presse et correspondance. L’objectif est d’identifier quelques facteurs permettant d’expliquer les préférences des professeurs brésiliens tantôt pour les modèles nord-américains, tantôt pour les modèles français de pratiques des sciences sociales.
20 janvier 2023 : Thibault Le Texier (Centre européen de sociologie et de science politique de la Sorbonne), « Marketing et sciences sociales : histoires croisées »
Si les marketeurs doivent vendre, ils doivent d’abord se vendre. Comme les managers, ils assoient leur employabilité sur la possession d’une expertise à prétention scientifique, même si leurs savoirs restent en dernier lieu validés au sein des entreprises, et non au sein des universités. À l’intuition et à la personnalité des vendeurs, sur lesquelles a longtemps reposé l’art de vendre, les marketeurs ont entrepris de fonder une véritable science de la consommation. Depuis sa naissance dans les années 1910, le marketing a ainsi puisé à toutes les sciences sociales : économie, sociologie et surtout psychologie. Mais ses assises scientifiques restent faibles. La discipline marketing ne dessine pas un ensemble de théorèmes. Elle déploie bien plutôt une pensée par cas, incertaine et ouverte. Discipline appliquée et donc dominée, aux objets sans noblesse, le marketing a néanmoins attiré de nombreux chercheurs en sciences sociales, tels que Gordon Allport, Burleigh Gardner et Paul Lazasfeld.
3 février 2023 : Stéphane Dufoix (Université Paris-Nanterre), « Les Suds des sciences sociales » (présentation du numéro 41 de la Revue d’histoire des sciences humaines)
La question d’un éventuel Sud des sciences sociales est à la fois nouvelle et ancienne. Nouvelle parce qu’il semble que des expressions telles que « le Sud global », la « théorie du Sud », les auteurs ou les épistémologies du ou des Suds sont récentes – et en effet elles le sont. Dans un sens plus large, non seulement les sciences sociales existent dans les pays non occidentaux depuis bien plus longtemps que trois ou quatre décennies mais, en dépit de leur quasi-absence dans le récit occidental qui en a été fait, certaines fractions d’entre elles ont produit, à des moments différents, des traditions spécifiques, des réactions nationales à la domination épistémique occidentale, des hybridations particulières ou des circulations inattendues. Le numéro ne souhaite pas avant tout décider entre les deux options. Il se concentre sur ces deux aspects, ancien et nouveau, afin de montrer, à partir d’exemples très différents, à quel point il devient très important de se pencher sur les logiques de production de sciences sociales au Sud pour sortir d’un ethnocentrisme européo-centré trop bien ancré pour ouvrir les yeux.
17 février 2023 : Ilse Hilbold (Université de Berne, Suisse), « Le savoir en partage : dynamiques internationales de la bibliographie d’études classiques (XXe siècle) »
Née en 1900 à Alger, Juliette Ernst a été la rédactrice, puis la directrice de L’Année Philologique de 1929 jusqu’aux années 1990. Débutant son travail à L’APh aux côtés de Jules Marouzeau, qui en avait été le fondateur en 1926, Juliette Ernst participe au processus de modernisation de la bibliographie qui traverse alors toutes les sciences et que soutient la Société des Nations. Juliette Ernst a ensuite suivi Jules Marouzeau dans un autre projet d’envergure internationale, la Fédération Internationale des associations d’Études Classiques, où elle œuvre comme secrétaire depuis sa fondation, en 1948, jusqu’en 1974. Avec ses deux carrières, elle dévoile en fait un même domaine de compétences, que l’on peut résumer par la fabrique des relations internationales entre spécialistes des sciences de l’Antiquité. Cette enquête retrace l’histoire de ces deux outils de coopération internationale que Juliette Ernst a su conjuguer des décennies durant au profit des antiquisants du monde entier.
17 mars 2023 : Ian Merkel (FU Berlin, Alexander v. Humboldt Fellow), « Art, Archaeology and Socialism: The Life and Work of Laurette Séjourné, Interpreter of Mesoamerica »
Laurette Séjourné (1914–2003) was an archaeologist and anthropologist of Mexico, known for her field-based monographs on Teotihuacan, interpretation of the feathered-serpent god Quetzalcoatl, and broader synthetic works such as La pensée des anciens Mexicains. This talk reconstructs the life of this pioneering woman as a film editor in Paris in the 1930s, where she worked with luminaries such as Henri Cartier-Bresson, and as an antifascist in exile in Mexico in the second half of the 20th century. Despite occupying a somewhat controversial role as a cultural interpreter at a time in which the discipline of archaeology became much more professionalized and scientific, Séjourné conducted important digs with the Instituto Nacional de Antropología e Historia and influenced scholars such as Miguel León-Portilla through her studies on religion. Furthermore, her reach extended well beyond the social-scientific community, notably as an editor for the publishing houses Fondo de Cultura Económica and Siglo Veintiuno Editores. This talk examines these multiple aspects of Séjourné’s life and work, considering the challenges that she faced as a woman and a foreigner in earning recognition for her work, as well the ways in which she overcame them.
7 avril 2023 : Delphine Froment (Université de Lorraine), « Du triangle sur la carte à la montagne est-africaine : savoirs géographiques, représentations et constructions territoriales autour du Kilimandjaro au XIXe siècle »
Inconnu en Europe avant 1848, le Kilimandjaro y gagne en quelques décennies une immense notoriété – à la fois du fait de ses neiges, de ses dimensions exceptionnelles, et de la prospérité des sociétés qui l’habitent, les Chaggas. Dans les années 1880, il apparaît comme un important enjeu des rivalités impériales en Afrique de l’Est, avant d’être finalement intégré à l’Afrique orientale allemande en 1886. S’il devient alors rapidement un emblème de la grandeur de l’empire colonial allemand en Afrique, il s’impose surtout comme un véritable topos des paysages est-africains dans les représentations occidentales. Cette présentation se propose de retracer au travers de sources diverses (récits de voyages, cartes, photographies, sources diplomatiques et administratives…) la construction géographique, scientifique et politique du Kilimandjaro sous l’impulsion européenne, et la manière dont il a gagné une importance telle dans les représentations qu’il est devenu une métonymie géographique signifiante – tant de l’empire allemand, que de l’Afrique de l’Est.
21 avril 2023 : Morgane Labbé (EHESS), « Les enquêtes sociales polonaises de l’entre-deux-guerres au défi de la statistique et des sciences sociales »
Cet article rend compte de la vitalité des enquêtes sociales polonaises conduites durant la période de l’entre-deux-guerres, que les bouleversements politiques, nationaux et démographiques ont ensuite effacée de l’histoire des sciences sociales. Quatre enquêtes successives et différentes (enquête-budget, autobiographie, enquête participative, puis statistique) sont présentées et décrites dans leurs contextes politiques, institutionnels et académiques. Ce qui lie ces enquêtes n’est ni l’unité de la méthode, ni le thème, mais l’activisme social de leurs concepteurs qui transforment les modes de recueil des expériences ouvrières pour les adapter à des conjonctures politiques et sociales changeantes. L’article développe cet argument dans deux directions : l’une met l’accent sur le rôle des instituts privés dans la conduite des enquêtes, leurs rapports rivaux et complémentaires avec les instituts publics comme le Bureau de statistique ; l’autre met en évidence un espace transnational et centre-européen de circulation des savoirs qui fournit les références et reconnaissances nécessaires pour consolider l’autonomie des instituts.
26 mai 2023 : Gregory Brown (Université du Nevada, Department of History), titre et résumé à venir
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