[par Xavier-Laurent Salvador]
Renars est mors, Renars est vis,
Rutebeuf, « Renart le Bestourné », 1261
Renars est ors, Renars est vils,
Et Renars règne ;
Renars a mult régné el règne ;
Bien i chevauche à lasche regne,
Col estendu.
L’ancien français connaissait un adjectif aujourd’hui peu utilisé que Ruteboeuf emploie dans le poème en exergue: « bestourné » dont la composition transparaît sans peine dans la morphologie: « tourné en bête ». Le monde bestourné, c’est celui du carnaval dont la polarisation des valeurs se veut le symétrique du monde commun: il faut y voir la subversion des valeurs, la transformation du monde et l’hybris – la déconstruction. Un univers où les ennemis sont soudain des amis, par exemple. C’est le renouvellement du monde également, qui périt et se déconstruit d’avoir trop vécu.
Les adeptes de Stanger Things connaissent quant à eux l’Upside Down, ou le monde inversé qui existe en filigrane sous le monde dans lequel nous vivons. Voilà la situation dans laquelle nous évoluons aujourd’hui: celui d’un univers inversé où les mots des combats légitimes sont dans la bouche des adversaires les plus farouches: « Renars est mors, Renars est vif ». Les pseudo-antiracistes soutiennent l’idée que la race est une valeur mentale qui doit bien exister; les pseudo-néo-féministes défendent la différence et la discrimination. « Renars est ors, Renars est vil ».
Le bestournement ou l’imposture: la Bête immonde, la bête dans le monde. Renart ? Renart règne, et il chevauche col estendu.