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Pourquoi le décolonialisme pèse lourdement sur l’école?

Pourquoi le décolonialisme pèse lourdement sur l’école?

Xavier-Laurent Salvador

Linguiste, Président du LAIC

Par XLS

Ce qui compte à l’Université, ce n’est pas ce que je suis mais ce que je sais.

La cartographie de la connaissance et de l’individu

Les fondements de l’Université reposent sur une mission citée par le CNRS sur son site: « élargir le champ du savoir ». Cela signifie que la pointe avancée de la recherche n’obéit à rien d’autre qu’à un impératif philosophique. Cette grande latitude est arc-boutée sur un principe: celui du progrès. Et les chercheurs, nommés en poste directement par le Président de la République ou par le Premier Ministre sont indépendants de toute hiérarchie.

Ils se constituent en équipe, et organisent leur recherche en fonction de financements dont la source est soit régionale, soit nationale via l’Agence Nationale de la Recherche soit Européenne par l’intermédiaire de l’Agence Européenne. Ces financements tiennent lieu de politique d’incitation, à défaut de disposer d’une politique de coordination planifiée.

Les disciplines de Recherche (mathématique, physique, chimie…) font l’objet d’une description globale que les étudiants doivent apprendre à maîtriser par degrés avant d’apporter par eux-mêmes leur pierre à l’édifice. Cet étagement de la discipline correspond à quelque chose que tout le monde connaît: le diplôme. 

Le diplôme est la certification par des enseignants-chercheurs que le profil de l’étudiant correspond à certain grade d’élévation dans la connaissance à partir d’épreuves communes qui permettent de comparer les niveaux des étudiants entre eux, bien sûr, mais surtout: de les jauger par rapport au mètre-étalon de la quantité de savoirs acquis. 

Autrement dit, la distribution des diplômes en discipline dans l’Université repose sur une sorte de cartographie de la connaissance qui oriente la Recherche et l’innovation d’un côté et qui structure la formation des études de l’autre en imposant notamment un encadrement disciplinaire. Ces domaines de recherche sont présents au sein des Universités dans des composantes elles-même liées à la Formation et à la Recherche et sont représentées au plan national par le Conseil National des Universités qui est lui-même divisé en sections, en académies par discipline où siègent des représentants élus ou nommés. 

…et toute la chaîne de la formation du secondaire est donc liée à cette cartographie de la connaissance et à sa structure.

L’ensemble du champ des connaissances au seins du CNRS est divisé en disciplines ou groupes de disciplines qui correspondent aux sections du Comité national de la recherche scientifique. 

Mais attention, ce découpage, fixé par arrêté ministériel, est régulièrement adapté à l’évolution de la science et des champs disciplinaires par un remaniement du nombre de sections, et de leurs intitulés.

Cette organisation, apparemment très touffue, fixe notamment les attendus du premier diplôme marquant l’entrée dans le supérieur: le baccalauréat, dont les épreuves ont déjà une coloration disciplinaire. Le contenu des épreuves du baccalauréat est en quelque sorte lié à l’organisation de la Recherche, et toute la chaîne de la formation du secondaire est donc liée à cette cartographie de la connaissance et à sa structure.

Ainsi, les disciplines fixent un seuil de connaissance par diplôme et l’État arbitre que le niveau de formation d’un enseignant dans chacune des disciplines se joue à un certain degré de l’élévation de l’étudiant dans son domaine. Les épreuves et leur contenu sont l’objet d’un consensus entre l’Éducation Nationale – représentée par l’Inspection Générale, et l’Université.

La subversion du secondaire

Voilà qui explique en quoi l’irruption des studies dans le champ des sciences humaines pèse lourdement à court terme sur l’organisation de l’école. En effet, si les auto-proclamées « studies » se sont ainsi constituées, c’est avant tout parce qu’elles sont transversales aux disciplines: on peut être en porn studies et être enseignant de Lettres Modernes ou de civilisation américaine.

Ce flou sciemment entretenu amène des enseignants chercheurs se rattachant à ces studies à être militant de leur studies d’un côté et de l’autre, à intervenir en tant qu’enseignant de littérature à différents degrés des diplômes, jusque’à celui des Masters d’enseignement. Et c’est pourquoi on voit fleurir des intitulés de cours dans les parcours en Licence qui n’ont plus rien à voir avec la Littérature au sens que donnait Antoine Compagnon ou Georges Molinié à ce mot dans leur cours. 

Ainsi, dans certaines universités en Licence, on voit apparaître des domaines d’enseignement « Littérature, sociétés, écosystèmes » dont le but est nous explique la brochure: 

De tirer les leçons pratiques des apports théoriques des gender, racial et de colonial studies dont les travaux ont montré la domination du champ épistémologique et artistique par les hommes blancs hétérosexuels » et ajoute que « partant du constat que le canon construit par l’histoire littéraire silence et invisibilise les auteurs.ices appartenant aux catégories minoritaires ainsi reléguées aux marges de l’espace littéraire », le cours propose un programme de lecture de textes « écrits par des auteurs.ices racés.es issu.es de l’histoire coloniale.

Brochure en Licence

Ou un autre cours consacré à la littérature médiévale dans le même domaine s’attache à travers la lecture de Christine de Pizan à « interroger la notion de genre (gender) (sic).

A partir du moment où ces domaines s’institutionnalisent subrepticement par le militantisme des enseignants, il n’est pas impossible comme le font les Échos dans un article de mai 2019 d’affirmer qu’il existe de nombreux débouchés professionnels aux Masters de genre : 

« après l’adoption par les institutions internationales de cette nouvelle définition, la perspective “genre” et la question de l’égalité des sexes ont fait leur entrée dans l’“ingénierie bureaucratique” d’un grand nombre d’acteurs (organisations internationales, organismes nationaux en charge de la politique publique, ONG, entreprises). »

https://start.lesechos.fr/apprendre/universites-ecoles/masters-en-gender-studies-la-ruee-des-etudiants-tres-diplomes-1175508

Peu à peu, la cartographie des domaines de compétences est bouleversée par cette irruption des studies sur le devant de la scène, qui pèsent sur les cursus des futurs enseignants. Et c’est ainsi que l’on assiste progressivement à la revendication assumée de jeunes professeurs certifiés d’un enseignement inclusif, ou décolonial dans les classes du secondaire alors qu’il ne s’agit plus d’un savoir positif issu d’une discipline identifiable, mais d’un discours moralisateur.

On note même un affaiblissement considérable des compétences formelles dans le domaine disciplinaire dont les jeunes diplômés sont censés relever. Nulle surprise si l’on trouve donc désormais des enseignants faisant des fautes de conjugaison mais qui pratiquent l’écriture inclusive.

La société de demain se construit dans les classes des TD et les amphithéâtres d’aujourd’hui…

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