« Si les ovocytes congelés, fruits de la vitrification, interrogent et appellent une caractérisation de ce qu’il en est de la vie qu’ils portent, ce sont aussi les médiations qu’ils tissent et les rapports au monde qu’ils façonnent qui m’intéressent : si le froid devient une prothèse temporelle, voire une prothèse spatiale, en quoi cela transforme-t-il la compréhension, l’expérience et le soin des corps fertiles et reproducteurs, et pour lesquels d’entre eux ? Au carrefour de la philosophie des sciences et des techniques et des études de genre, les normes de genre servent d’aiguillon pour questionner la productivité sociale de cette technique. Il s’agit de comprendre, notamment à partir de son appropriation par les différentes spécialités médicales (gynécologues et biologistes de la reproduction), et de son intérêt pour les patientes, la jonction spécifique entre le vital et les politiques de la reproduction qu’elle organise, dans le sillage de l’hypothèse de la cryopolitique avancée par Kawal et Radin (2016). »
http://www.sphere.univ-paris-diderot.fr/spip.php?article2597
Séminaire Approches épistémologiques des Sciences de la Vie, au laboratoire SPHERE (UMR 7219).
Séance du 23 mars 2022, de 17h à 18h30, sur le campus Diderot (salle 483A-Malevitch, bâtiment Condorcet, Université de Paris, 4, rue Elsa Morante, 75013 Paris) :
Claire Grino (Université de Genève), « La vitrification ovocytaire : ne pas laisser mourir… les capacités reproductives de certaines femmes »
Résumé :
La congélation des ovocytes fait désormais partie intégrante des pratiques d’un centre de procréation médicalement assistée (PMA). Or, cette technique de vitrification ovocytaire produit une réalité biologique inédite, celle d’ovocytes en état de vie latente, conservés in vitro à l’extérieur du corps humain et pouvant recouvrer leurs fonctions après décongélation, afin de concevoir des enfants ultérieurement. Ainsi, la maîtrise par le froid (et dans un milieu adapté) de cet état amétabolique permet de décorréler la temporalité du gamète de celle de l’organisme qui l’a produit et de faire voyager le gamète. Autant dire que cette application cryobiologique (dans le sillage des transformations antérieures apportées par d’autres techniques de PMA) bouleverse différents repères de la reproduction humaine, tels que la succession des générations, les limites entre les morts et les vivants ou le rôle des sexes dans la reproduction, dans la mesure où le rôle du sexe femelle tend à se rapprocher de celui du sexe mâle dès lors qu’il se cristallise sur l’apport de la moitié du bagage génétique et se déconnecte de la gestation.
Si les ovocytes congelés, fruits de la vitrification, interrogent et appellent une caractérisation de ce qu’il en est de la vie qu’ils portent, ce sont aussi les médiations qu’ils tissent et les rapports au monde qu’ils façonnent qui m’intéressent : si le froid devient une prothèse temporelle, voire une prothèse spatiale, en quoi cela transforme-t-il la compréhension, l’expérience et le soin des corps fertiles et reproducteurs, et pour lesquels d’entre eux ? Au carrefour de la philosophie des sciences et des techniques et des études de genre, les normes de genre servent d’aiguillon pour questionner la productivité sociale de cette technique. Il s’agit de comprendre, notamment à partir de son appropriation par les différentes spécialités médicales (gynécologues et biologistes de la reproduction), et de son intérêt pour les patientes, la jonction spécifique entre le vital et les politiques de la reproduction qu’elle organise, dans le sillage de l’hypothèse de la cryopolitique avancée par Kawal et Radin (2016).
Programme du séminaire : http://www.sphere.univ-paris-diderot.fr/spip.php?article2597