Read More Ils et elles sont philosophe, archéologue, artiste… Souvent jeunes, ces intellectuels africains ou descendants d’immigrés renouvellent aujourd’hui totalement le débat sur la mémoire du colonialisme et de l’esclavagisme. Certains ont étudié (ou vivent) à l’étranger, d’autres sont restés dans leur pays, mais tous œuvrent à la réappropriation de leur histoire. Avec talent et brio, ils esquissent de nouvelles solutions pour répondre aux problèmes du présent et de l’avenir. Nous tenions dans ce numéro à faire entendre leurs voix. Ce dossier est un projet mûri de longue date. Depuis quelques années, Courrier international est partenaire du Festival du film et forum sur les droits humains (FIFDH), organisé à Genève (du 10 au 19 mars) en parallèle de la session ordinaire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Et ce dossier spécial, à retrouver dans nos pages 360°, entre en résonance avec une partie de la programmation du festival. Dans la presse étrangère, nos journalistes ont repéré et mis de côté depuis des semaines des portraits de ces nouvelles figures qui construisent d’autres récits que ceux établis par les puissances coloniales. Lire aussi : Opinion. Pour une décolonisation de l’écologie en Afrique Il y a d’abord Olúfémi O. Táíwò, l’une des figures montantes de la philosophie américaine, dont les parents ont quitté le Nigeria au début des années 1980 pour s’installer dans la baie de San Francisco, où il est né. Le site américain Grist dresse un portrait élogieux de ce jeune professeur (suivi aujourd’hui par près de 63 000 abonnés sur Twitter). Son propos : replacer les effets du changement climatique au cœur de la question des réparations, et repenser l’héritage de la colonisation et la notion de justice. Rien de moins. “Si l’on veut faire régner la justice, on doit d’abord reconnaître que l’on vit dans un monde interconnecté, dans lequel les risques et les avantages sont répartis de manière profondément inégale”, écrit John Thomason, l’auteur de l’article qui détaille la pensée d’Olúfémi O. Táíwò. Le philosophe, explique Thomason, “estime qu’un programme de réparations véritablement juste doit aussi être ce qu’il appelle ‘un moyen de façonner le monde’. Ainsi, on ne doit pas se contenter de redistribuer les richesses et les ressources : on doit créer durablement des environnements dans lesquels tous peuvent s’épanouir.” C’est ce portrait dense mais absolument passionnant qui ouvre notre dossier. Au Kenya, un journaliste du Christian Science Monitor a rencontré une autre de ces nouvelles figures : Chao Tayiana Maina, qui s’est donné pour mission de valoriser le patrimoine local grâce au numérique. “Les puissances coloniales ont largement imposé dans l’imaginaire collectif leur version mystifiée et glorifiée du passé colonial en Afrique de l’Est”, écrit Carlos Mureithi. Sur l’histoire des chemins de fer, comme sur une révolte durement réprimée dans les années 1950, Chao Tayiana Maina impose un autre récit, “exhume les éléments oubliés, ou volontairement dissimulés, de l’histoire”, loin des sources institutionnelles et en faisant appel aux savoirs des populations locales. La jeune historienne confie : “Reprendre le contrôle du passé procure un sentiment de puissance très fort, C’est très néfaste pour l’image de soi de voir sa propre identité définie par quelqu’un d’autre.” Des propos qui font écho à tous les portraits présentés dans ce dossier, jusqu’aux images du photographe nigérian qui l’illustrent. À sa façon, Ayobami Ogungbe explore le passé et le présent qui en découlent, avec un travail particulier sur les identités. Il est aussi question ici d’une nouvelle génération d’archéologues formés sur place au Soudan. Un changement majeur, de l’avis du Guardian. “Le coût de la vie, la crise climatique, les migrations, la réflexion sur notre identité : l’archéologie devrait évoquer toutes ces questions. Nous devons construire quelque chose de nouveau, d’équitable, qui soit plus riche et plus pertinent”, invite une archéologue d’origine somalienne. Ce sont ces paroles, ces nouveaux récits que nous avons voulu mettre en avant cette semaine. Un vrai pas de côté par rapport à l’actualité que nous assumons totalement, alors que la mobilisation contre les retraites se durcit en France avec la grève du mardi 7 mars. Ce calendrier ne nous permettait pas d’intégrer les réactions de la presse étrangère. Mais nous y reviendrons bien sûr sur notre site et très largement dans l’hebdomadaire de la semaine prochaine. Bonne lecture.
Ils et elles sont philosophe, archéologue, artiste… Souvent jeunes, ces intellectuels africains ou descendants d’immigrés renouvellent aujourd’hui totalement le débat sur la mémoire du colonialisme et de l’esclavagisme. Certains ont étudié (ou vivent) à l’étranger, d’autres sont restés dans leur pays, mais tous œuvrent à la réappropriation de leur histoire. Avec talent et brio, ils esquissent de nouvelles solutions pour répondre aux problèmes du présent et de l’avenir. Nous tenions dans ce numéro à faire entendre leurs voix.
Ce dossier est un projet mûri de longue date. Depuis quelques années, Courrier international est partenaire du Festival du film et forum sur les droits humains (FIFDH), organisé à Genève (du 10 au 19 mars) en parallèle de la session ordinaire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Et ce dossier spécial, à retrouver dans nos pages 360°, entre en résonance avec une partie de la programmation du festival. Dans la presse étrangère, nos journalistes ont repéré et mis de côté depuis des semaines des portraits de ces nouvelles figures qui construisent d’autres récits que ceux établis par les puissances coloniales.
Il y a d’abord Olúfémi O. Táíwò, l’une des figures montantes de la philosophie américaine, dont les parents ont quitté le Nigeria au début des années 1980 pour s’installer dans la baie de San Francisco, où il est né. Le site américain Grist dresse un portrait élogieux de ce jeune professeur (suivi aujourd’hui par près de 63 000 abonnés sur Twitter). Son propos : replacer les effets du changement climatique au cœur de la question des réparations, et repenser l’héritage de la colonisation et la notion de justice. Rien de moins.
“Si l’on veut faire régner la justice, on doit d’abord reconnaître que l’on vit dans un monde interconnecté, dans lequel les risques et les avantages sont répartis de manière profondément inégale”, écrit John Thomason, l’auteur de l’article qui détaille la pensée d’Olúfémi O. Táíwò. Le philosophe, explique Thomason, “estime qu’un programme de réparations véritablement juste […] doit aussi être ce qu’il appelle ‘un moyen de façonner le monde’. Ainsi, on ne doit pas se contenter de redistribuer les richesses et les ressources : on doit créer durablement des environnements dans lesquels tous peuvent s’épanouir.”
C’est ce portrait dense mais absolument passionnant qui ouvre notre dossier. Au Kenya, un journaliste du Christian Science Monitor a rencontré une autre de ces nouvelles figures : Chao Tayiana Maina, qui s’est donné pour mission de valoriser le patrimoine local grâce au numérique. “Les puissances coloniales ont largement imposé dans l’imaginaire collectif leur version mystifiée et glorifiée du passé colonial en Afrique de l’Est”, écrit Carlos Mureithi. Sur l’histoire des chemins de fer, comme sur une révolte durement réprimée dans les années 1950, Chao Tayiana Maina impose un autre récit, “exhume les éléments oubliés, ou volontairement dissimulés, de l’histoire”, loin des sources institutionnelles et en faisant appel aux savoirs des populations locales. La jeune historienne confie :
“Reprendre le contrôle du passé procure un sentiment de puissance très fort, C’est très néfaste pour l’image de soi de voir sa propre identité définie par quelqu’un d’autre.”
Des propos qui font écho à tous les portraits présentés dans ce dossier, jusqu’aux images du photographe nigérian qui l’illustrent. À sa façon, Ayobami Ogungbe explore le passé et le présent qui en découlent, avec un travail particulier sur les identités.
Il est aussi question ici d’une nouvelle génération d’archéologues formés sur place au Soudan. Un changement majeur, de l’avis du Guardian. “Le coût de la vie, la crise climatique, les migrations, la réflexion sur notre identité : l’archéologie devrait évoquer toutes ces questions. Nous devons construire quelque chose de nouveau, d’équitable, qui soit plus riche et plus pertinent”, invite une archéologue d’origine somalienne.
Ce sont ces paroles, ces nouveaux récits que nous avons voulu mettre en avant cette semaine. Un vrai pas de côté par rapport à l’actualité que nous assumons totalement, alors que la mobilisation contre les retraites se durcit en France avec la grève du mardi 7 mars. Ce calendrier ne nous permettait pas d’intégrer les réactions de la presse étrangère. Mais nous y reviendrons bien sûr sur notre site et très largement dans l’hebdomadaire de la semaine prochaine. Bonne lecture.
« Ce post est un relevé d’information de notre veille d’information »