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Au Royaume-Uni, Ikea fait campagne contre les logements insalubres

Au Royaume-Uni, Ikea fait campagne contre les logements insalubres

Collectif

Tribune des observateurs

Read More  Le géant de l’ameublement suédois s’est associé avec l’organisation caritative Shelter pour sensibiliser les consommateurs à la crise du logement dans le pays. Une initiative à double tranchant pour la marque.Dans le Ikea de Birmingham, au centre de l’Angleterre, dans le cadre d’une campagne lancée le 7 mars. (Peter Medlicott/PinPep. Shutterstock. Sipa)publié le 13 mars 2023 à 16h27Pièces étroites et insalubres, trous dans les murs, matelas à même le sol… En se promenant dans les rayons du Ikea de Birmingham ces derniers jours, les consommateurs britanniques ont dû être relativement surpris par la décoration. Le géant de l’ameublement suédois s’est associé à l’organisation caritative Shelter, dont le but est de dénoncer la crise du logement et la situation des sans-abri dans le pays, pour cette campagne de sensibilisation des consommateurs. Depuis le 7 mars, la chaîne a modifié quatre de ses espaces d’exposition, à Bristol, Birmingham, Hammersmith et Warrington, afin de reproduire l’environnement difficile dans lequel vivent Sam, Kate, Channah et Claire, des Britanniques qui ont tous perdu leur logement pour des raisons économiques.Chiffres sur la crise du logement à l’appui, Ikea annonce soutenir Shelter dans sa demande de construction de 90 000 logements sociaux par an d’ici 2030, explique l’enseigne dans un communiqué. «Que les marques essayent de défendre des causes n’est pas nouveau. En revanche, elles le font généralement de façon très positive. Là, c’est une campagne rare car elle est plutôt désagréable à voir, provocante même», pointe Nathalie Fleck, professeure en psychologie du consommateur à l’université Paris Dauphine-PSL. Pour la chercheuse, la démarche d’Ikea de défendre le «bon logement» est cohérente vis-à-vis de la promesse associée à la marque, c’est-à-dire pouvoir se meubler à moindre coût avec un style moderne et cocooning caractéristique des pays nordiques.«Il y a toutefois un risque que l’on associe Ikea à quelque chose de cheap, de pauvre, alors que le style scandinave de la marque est plutôt apprécié. Et surtout, il y a un gros risque de wokewashing [une fausse prise de conscience sur un sujet de société, ndlr], abonde Nathalie Fleck. Les consommateurs attendent des entreprises qu’elles s’engagent dans la société mais jusqu’où sont-elles légitimes pour le faire ? Et puis, quand vous défendez des causes en attaquant un tel problème, il faut être irréprochable vis-à-vis de ses employés et de ses consommateurs. Il peut y avoir un effet boomerang : on peut reprocher à Ikea un manque de sincérité et le fait de profiter de ce sujet sensible pour faire de la publicité.»Ce n’est pas la première fois que l’enseigne surprend, voire fait polémique, via ses campagnes de communication. En 2010, à Paris, elle avait par exemple installé son mobilier de salon dans le métro, puis dans des abribus. Quelques années plus tard, la publicité géante collée sur les murs de la station de métro Madeleine à l’occasion de l’inauguration d’un nouveau magasin puis les bains bouillonnants installés sur les quais de Seine n’avaient cependant pas du tout été du goût des élus écologistes de la capitale, vent debout contre cet «appel à la surconsommation, jusqu’à la nausée».Outre-Manche, la pénurie de logements constatée depuis au moins une vingtaine d’années fait flamber les prix, empêchant de nombreux Britanniques d’acquérir un bien. L’inflation provoquée par le Brexit et la guerre en Ukraine n’arrange en rien les choses. Bristol, l’une des localisations choisies par Ikea, est l’une des villes les plus chères d’Angleterre où la crise du logement est aiguë, explique à Libé David Fée, professeur de civilisation britannique à la Sorbonne Nouvelle-Paris 3.Birmingham est, elle, la cinquième ville du Royaume-Uni où le taux des «homeless» (sans logement) est le plus élevé et la deuxième ville en nombre d’habitants. «Shelter et Ikea peuvent donc espérer y toucher beaucoup de visiteurs ; même chose à Hammersmith, au centre de Londres, ville où la crise du logement est la plus aiguë et le taux des homeless le plus élevé du Royaume-Uni», souligne David Fée.Toutefois, l’impact de la campagne sera probablement assez faible, relativise le chercheur. «Depuis des années, Shelter tire la sonnette d’alarme mais bien que la question du logement figure désormais dans les sondages comme une question importante pour les Britanniques (Anglais surtout), elle ne détermine toujours pas leur vote (sauf à Londres)», abonde-t-il, ajoutant que seule la construction massive de logements HLM pourrait réellement résoudre le problème. «Depuis 2015, les collectivités locales peuvent de nouveau emprunter ou utiliser le revenu des loyers pour bâtir mais cela reste très limité (quelques milliers par an). Seul un programme national de logement subventionné peut donc résoudre la question à mon sens, analyse David Fée. Les conservateurs y sont hostiles par idéologie et utilisent depuis 2011 le concept de “affordable home” pour éviter la question du logement social. Le Labour de Jeremy Corbyn avait promis durant la campagne des élections législatives de 2019 un million de logements sociaux sur dix ans si le parti était élu.» Et de conclure : «Reste à voir ce que Keir Starmer [leader de l’opposition et du Labour depuis 2020, ndlr] décidera aux prochaines législatives, en 2024.» 

Le géant de l’ameublement suédois s’est associé avec l’organisation caritative Shelter pour sensibiliser les consommateurs à la crise du logement dans le pays. Une initiative à double tranchant pour la marque.

Dans le Ikea de Birmingham, au centre de l’Angleterre, dans le cadre d’une campagne lancée le 7 mars. (Peter Medlicott/PinPep. Shutterstock. Sipa)

publié le 13 mars 2023 à 16h27

Pièces étroites et insalubres, trous dans les murs, matelas à même le sol… En se promenant dans les rayons du Ikea de Birmingham ces derniers jours, les consommateurs britanniques ont dû être relativement surpris par la décoration. Le géant de l’ameublement suédois s’est associé à l’organisation caritative Shelter, dont le but est de dénoncer la crise du logement et la situation des sans-abri dans le pays, pour cette campagne de sensibilisation des consommateurs. Depuis le 7 mars, la chaîne a modifié quatre de ses espaces d’exposition, à Bristol, Birmingham, Hammersmith et Warrington, afin de reproduire l’environnement difficile dans lequel vivent Sam, Kate, Channah et Claire, des Britanniques qui ont tous perdu leur logement pour des raisons économiques.

Chiffres sur la crise du logement à l’appui, Ikea annonce soutenir Shelter dans sa demande de construction de 90 000 logements sociaux par an d’ici 2030, explique l’enseigne dans un communiqué. «Que les marques essayent de défendre des causes n’est pas nouveau. En revanche, elles le font généralement de façon très positive. Là, c’est une campagne rare car elle est plutôt désagréable à voir, provocante même», pointe Nathalie Fleck, professeure en psychologie du consommateur à l’université Paris Dauphine-PSL. Pour la chercheuse, la démarche d’Ikea de défendre le «bon logement» est cohérente vis-à-vis de la promesse associée à la marque, c’est-à-dire pouvoir se meubler à moindre coût avec un style moderne et cocooning caractéristique des pays nordiques.

«Il y a toutefois un risque que l’on associe Ikea à quelque chose de cheap, de pauvre, alors que le style scandinave de la marque est plutôt apprécié. Et surtout, il y a un gros risque de wokewashing [une fausse prise de conscience sur un sujet de société, ndlr], abonde Nathalie Fleck. Les consommateurs attendent des entreprises qu’elles s’engagent dans la société mais jusqu’où sont-elles légitimes pour le faire ? Et puis, quand vous défendez des causes en attaquant un tel problème, il faut être irréprochable vis-à-vis de ses employés et de ses consommateurs. Il peut y avoir un effet boomerang : on peut reprocher à Ikea un manque de sincérité et le fait de profiter de ce sujet sensible pour faire de la publicité.»

Ce n’est pas la première fois que l’enseigne surprend, voire fait polémique, via ses campagnes de communication. En 2010, à Paris, elle avait par exemple installé son mobilier de salon dans le métro, puis dans des abribus. Quelques années plus tard, la publicité géante collée sur les murs de la station de métro Madeleine à l’occasion de l’inauguration d’un nouveau magasin puis les bains bouillonnants installés sur les quais de Seine n’avaient cependant pas du tout été du goût des élus écologistes de la capitale, vent debout contre cet «appel à la surconsommation, jusqu’à la nausée».

Outre-Manche, la pénurie de logements constatée depuis au moins une vingtaine d’années fait flamber les prix, empêchant de nombreux Britanniques d’acquérir un bien. L’inflation provoquée par le Brexit et la guerre en Ukraine n’arrange en rien les choses. Bristol, l’une des localisations choisies par Ikea, est l’une des villes les plus chères d’Angleterre où la crise du logement est aiguë, explique à Libé David Fée, professeur de civilisation britannique à la Sorbonne Nouvelle-Paris 3.

Birmingham est, elle, la cinquième ville du Royaume-Uni où le taux des «homeless» (sans logement) est le plus élevé et la deuxième ville en nombre d’habitants. «Shelter et Ikea peuvent donc espérer y toucher beaucoup de visiteurs ; même chose à Hammersmith, au centre de Londres, ville où la crise du logement est la plus aiguë et le taux des homeless le plus élevé du Royaume-Uni», souligne David Fée.

Toutefois, l’impact de la campagne sera probablement assez faible, relativise le chercheur. «Depuis des années, Shelter tire la sonnette d’alarme mais bien que la question du logement figure désormais dans les sondages comme une question importante pour les Britanniques (Anglais surtout), elle ne détermine toujours pas leur vote (sauf à Londres)», abonde-t-il, ajoutant que seule la construction massive de logements HLM pourrait réellement résoudre le problème. «Depuis 2015, les collectivités locales peuvent de nouveau emprunter ou utiliser le revenu des loyers pour bâtir mais cela reste très limité (quelques milliers par an). Seul un programme national de logement subventionné peut donc résoudre la question à mon sens, analyse David Fée. Les conservateurs y sont hostiles par idéologie et utilisent depuis 2011 le concept de “affordable home” pour éviter la question du logement social. Le Labour de Jeremy Corbyn avait promis durant la campagne des élections législatives de 2019 un million de logements sociaux sur dix ans si le parti était élu.» Et de conclure : «Reste à voir ce que Keir Starmer [leader de l’opposition et du Labour depuis 2020, ndlr] décidera aux prochaines législatives, en 2024.»

 

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