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Bret Easton Ellis face à la cancel culture

Collectif

Tribune des observateurs

Read More  FIGAROVOX/TRIBUNE – Depuis la sortie d’American Psycho en 1991, l’écrivain américain s’oppose, avec ironie et intelligence, à la culture de l’effacement qui ostracise les œuvres non-politiquement correctes, rappelle Olivier Amiel. Un positionnement encore trop rare aux États-Unis, selon lui. Avocat, Olivier Amiel est l’auteur de Voir le pire. L’altérité dans l’œuvre de Bret Easton Ellis (Éditions Les Presses Littéraires, 2021). La sortie cette semaine du dernier roman de Bret Easton Ellis (Les Éclats, chez Robert Laffont) est l’occasion de retrouver sur le devant de la scène un auteur représentant le mieux cette Amérique – trop rare – qui dit non à la tyrannie bien-pensante de la cancel culture. À l’occasion de son passage à Paris, l’auteur américain a rappelé tout le mal qu’il pense de l’épidémie de supériorité morale des autoproclamés progressistes et de leur «nouveau modèle éditorial» faisant la part belle aux sensitivity readers, ces relecteurs dans les maisons d’édition chargés d’expurger les textes sous le prisme de la sensibilité des offensés de tout poil – attention cela arrive en France… À lire aussiLa «cancel culture» fabrique-t-elle une génération d’ignorants? Bret Easton Ellis s’est souvent moqué de la cancel culture, cette pratique militante et idéologique consistant à vouloir «effacer», donc à bannir, par la censure et le boycott une œuvre ou un artiste qui offenserait une communauté se revendiquant comme minorité, donc victime, donc intouchable comme des «bébés pandas». C’est l’avènement de ce que Philippe Muray prophétisait en 1991 comme «le lynchage sous le masque du progressisme» par «l’Empire du bien». Cette incompréhension de l’ironie nécessaire d’une satire est devenue plus habituelle à notre époque qui déteste la nuance Olivier Amiel Il faut dire que cette même année 1991, Bret Easton Ellis a été une des premières victimes modernes de ce mouvement de «cancel culture» avec la sortie de son roman American Psycho, brillante et éprouvante satire des années 80 décrivant dans les moindres détails les obsessions et les crimes d’un trader psychopathe. L’écrivain a connu une importante campagne d’appels au boycott, au retrait du livre et même des menaces de mort de la part notamment d’associations féministes. Sa première maison d’édition le lâchera en cours… Même si cela deviendra le best-seller qu’on sait. La confusion entre narrateur et auteur qui était déjà reprochée en 1991 à Bret Easton Ellis est devenue banale chez nos nouveaux censeurs. Interrogé dans Le Figaro, l’écrivain Giuliano da Empoli répond à ses détracteurs qui veulent le confondre avec son personnage du roman Le mage du Kremlin (Gallimard) : «C’est un peu comme si on accusait Bret Easton Ellis d’être un serial killer parce qu’il a écrit American Psycho à la première personne ! À l’époque certains aux États-Unis l’ont fait, mais en France heureusement nous n’en sommes pas là… ». À lire aussi«Aux États-Unis, l’élection présidentielle pourrait être déterminée par le clivage entre “woke” et “anti-woke”» Nous n’en sommes pas là, mais pas si loin. Cette incompréhension de l’ironie nécessaire d’une satire est devenue plus habituelle à notre époque qui déteste la nuance. Imaginons d’ailleurs la mobilisation de 1991 avec les outils numériques d’aujourd’hui et notamment les réseaux sociaux. La pression aurait été encore plus forte, mais surtout, la faiblesse actuelle d’éditeurs se soumettant à la relecture pour ne pas offenser toute sensibilité aurait conduit à une autocensure empêchant l’existence d’une œuvre aussi radicale qu’American Psycho. Si le positionnement de Bret Easton Ellis est trop rare aux États-Unis, on remarque tout de même un mouvement de plus en plus important contre la « cancel culture » à droite mais aussi au sein de l’influente gauche libérale américaine. Olivier Amiel D’ailleurs, Bret Easton Ellis l’a rappelé cette semaine à Paris, il serait impossible de publier ce roman pour la première fois aujourd’hui. Cela ne l’empêche pas de considérer dans la même intervention qu’un auteur qui se soumettrait à cette censure serait «une poule mouillée». Un peu à la manière de l’Espagnol Javier Cercas pour qui «un écrivain timoré est comme un torero peureux : il s’est trompé de métier». Si le positionnement de Bret Easton Ellis est trop rare aux États-Unis, on remarque tout de même un mouvement de plus en plus important contre la «cancel culture» à droite mais aussi au sein de l’influente gauche libérale américaine (ce qu’Ellis appelle «son côté de l’allée de l’église»), qui a défendu dans un premier temps le mouvement dans les universités et les médias de peur de ne pas être dans le bon sens de l’Histoire avant d’en être elle-même victime car c’est bien connu : «La Révolution est comme Saturne : elle dévore ses propres enfants». Une leçon que devrait retenir la gauche française, omnipotente dans le domaine littéraire et culturel. data-script=https://static.lefigaro.fr/widget-video/short-ttl/video/index.js> 

FIGAROVOX/TRIBUNE – Depuis la sortie d’American Psycho en 1991, l’écrivain américain s’oppose, avec ironie et intelligence, à la culture de l’effacement qui ostracise les œuvres non-politiquement correctes, rappelle Olivier Amiel. Un positionnement encore trop rare aux États-Unis, selon lui.

Avocat, Olivier Amiel est l’auteur de Voir le pire. L’altérité dans l’œuvre de Bret Easton Ellis (Éditions Les Presses Littéraires, 2021).

La sortie cette semaine du dernier roman de Bret Easton Ellis (Les Éclats, chez Robert Laffont) est l’occasion de retrouver sur le devant de la scène un auteur représentant le mieux cette Amérique – trop rare – qui dit non à la tyrannie bien-pensante de la cancel culture.

À l’occasion de son passage à Paris, l’auteur américain a rappelé tout le mal qu’il pense de l’épidémie de supériorité morale des autoproclamés progressistes et de leur «nouveau modèle éditorial» faisant la part belle aux sensitivity readers, ces relecteurs dans les maisons d’édition chargés d’expurger les textes sous le prisme de la sensibilité des offensés de tout poil – attention cela arrive en France…

À lire aussiLa «cancel culture» fabrique-t-elle une génération d’ignorants?

Bret Easton Ellis s’est souvent moqué de la cancel culture, cette pratique militante et idéologique consistant à vouloir «effacer», donc à bannir, par la censure et le boycott une œuvre ou un artiste qui offenserait une communauté se revendiquant comme minorité, donc victime, donc intouchable comme des «bébés pandas». C’est l’avènement de ce que Philippe Muray prophétisait en 1991 comme «le lynchage sous le masque du progressisme» par «l’Empire du bien».

Cette incompréhension de l’ironie nécessaire d’une satire est devenue plus habituelle à notre époque qui déteste la nuance

Olivier Amiel

Il faut dire que cette même année 1991, Bret Easton Ellis a été une des premières victimes modernes de ce mouvement de «cancel culture» avec la sortie de son roman American Psycho, brillante et éprouvante satire des années 80 décrivant dans les moindres détails les obsessions et les crimes d’un trader psychopathe. L’écrivain a connu une importante campagne d’appels au boycott, au retrait du livre et même des menaces de mort de la part notamment d’associations féministes. Sa première maison d’édition le lâchera en cours… Même si cela deviendra le best-seller qu’on sait.

La confusion entre narrateur et auteur qui était déjà reprochée en 1991 à Bret Easton Ellis est devenue banale chez nos nouveaux censeurs. Interrogé dans Le Figaro, l’écrivain Giuliano da Empoli répond à ses détracteurs qui veulent le confondre avec son personnage du roman Le mage du Kremlin (Gallimard) : «C’est un peu comme si on accusait Bret Easton Ellis d’être un serial killer parce qu’il a écrit American Psycho à la première personne ! À l’époque certains aux États-Unis l’ont fait, mais en France heureusement nous n’en sommes pas là… ».

À lire aussi«Aux États-Unis, l’élection présidentielle pourrait être déterminée par le clivage entre “woke” et “anti-woke”»

Nous n’en sommes pas là, mais pas si loin. Cette incompréhension de l’ironie nécessaire d’une satire est devenue plus habituelle à notre époque qui déteste la nuance. Imaginons d’ailleurs la mobilisation de 1991 avec les outils numériques d’aujourd’hui et notamment les réseaux sociaux. La pression aurait été encore plus forte, mais surtout, la faiblesse actuelle d’éditeurs se soumettant à la relecture pour ne pas offenser toute sensibilité aurait conduit à une autocensure empêchant l’existence d’une œuvre aussi radicale qu’American Psycho.

Si le positionnement de Bret Easton Ellis est trop rare aux États-Unis, on remarque tout de même un mouvement de plus en plus important contre la « cancel culture » à droite mais aussi au sein de l’influente gauche libérale américaine.

Olivier Amiel

D’ailleurs, Bret Easton Ellis l’a rappelé cette semaine à Paris, il serait impossible de publier ce roman pour la première fois aujourd’hui. Cela ne l’empêche pas de considérer dans la même intervention qu’un auteur qui se soumettrait à cette censure serait «une poule mouillée». Un peu à la manière de l’Espagnol Javier Cercas pour qui «un écrivain timoré est comme un torero peureux : il s’est trompé de métier».

Si le positionnement de Bret Easton Ellis est trop rare aux États-Unis, on remarque tout de même un mouvement de plus en plus important contre la «cancel culture» à droite mais aussi au sein de l’influente gauche libérale américaine (ce qu’Ellis appelle «son côté de l’allée de l’église»), qui a défendu dans un premier temps le mouvement dans les universités et les médias de peur de ne pas être dans le bon sens de l’Histoire avant d’en être elle-même victime car c’est bien connu : «La Révolution est comme Saturne : elle dévore ses propres enfants». Une leçon que devrait retenir la gauche française, omnipotente dans le domaine littéraire et culturel.

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