Appel à communications:
Le colloque « Philosophies et féminismes » se veut une réponse aux critiques persistantes dans l’espace francophone adressées aux études féministes et de genre, à leur caractère censément idéologique et à leur manque de scientificité. Contre ces critiques, et plus largement en réaction à la difficulté de faire reconnaître la légitimité de la perspective féministe dans le champ philosophique f, il s’agit de mettre en évidence la richesse, la pluralité et la fécondité des travaux de philosophie prenant le genre pour objet ou s’inscrivant dans une démarche féministe ou d’études de genre. Parce que la recherche féministe est une activité collective, et que la transmission des savoirs féministes est un enjeu central du féminisme, nous souhaitons aussi à cette occasion créer des liens et un espace d’échanges entre chercheuses et chercheurs féministes de langue française, de pays et de générations différentes.
Le colloque s’ouvrira sur une table ronde réunissant des chercheuses dont les travaux ont contribué à donner aux questions et aux méthodes féministes une présence et une visibilité au sein de l’université et des institutions de recherche. Anne Berger, Rosi Braidotti, Geneviève Fraisse, Helena Hirata, Rada Ivekovic, Diane Lamoureux, Sandra Laugier et Isabelle Stengers nous parleront de thèmes et questions qui les ont toujours accompagnées mais qu’elles n’ont pas eu l’occasion d’aborder dans leur travail. Les deux demi-journées suivantes seront consacrées à des panels autour de questions et thèmes qui s’inscrivent dans les trois axes suivants :
Axe 1 : Un premier axe interrogera à la fois ce que les différents féminismes ont fait à la philosophie et ce que la philosophie peut faire au/pour les féminismes. Il se déploiera autour d’une question centrale, celle de savoir ce qu’il en est de la critique féministe. On pourra se demander comment les questions féministes transforment la philosophie, ses méthodes et ses objets; comment elles ont amené les chercheur.ses en philosophie qui s’en sont emparées à déplacer leur objet, à l’aborder d’une façon philosophiquement nouvelle. On pourra également se demander quelle stratégie de développement des pratiques philosophiques féministes est la plus pertinente, des différentes stratégies qui sont empruntées aujourd’hui ou qui ont pu être développées par le passé: vaut-il mieux chercher à établir une “philosophie féministe” – mais alors en quoi consisterait alors sa spécificité? Ou vaut-il mieux chercher des espaces à l’extérieur du champ philosophique, au-delà des partages disciplinaires institués, voire hors de l’institution universitaire pour travailler les questions féministes et de genre? Les contributions des féminismes à la philosophie sont nombreuses et plurielles, mais elles en débordent souvent les contours, disciplinaires et institutionnels, et se pensent parfois mieux depuis ses marges et ses périphéries. La même chose est évidemment vraie pour l’espace francophone qui est composé et traversé par une multitude de langues, un espace qui porte en lui son histoire coloniale mais également les voix critiques qui l’interrogent. La traduction est permanente, si bien que l’on pourra aussi se demander s’il y a un sens et lequel à parler de philosophie féministe “francophone”.
Axe 2 : Un deuxième axe prendra pour objet la manière dont les différents apports situés dans le champ de la philosophie féministe permettent de renouveler et de recadrer les débats politiques, éthiques, esthétiques, culturels et sociaux contemporains et d’intervenir dans la cité aussi bien que dans les institutions productrices de savoirs. La philosophie occidentale s’est historiquement développée comme une pratique théorique d’intervention dans la cité, et la philosophie politique a historiquement eu une dimension critique, cherchant à énoncer ce que pourrait être une société juste, à partir d’un diagnostic implicite ou explicite portant sur les injustices existantes. La philosophie féministe s’inscrit dans cette tradition mais la déplace, en énonçant sa critique et ses perspectives de transformations depuis des expériences et des points de vue traditionnellement négligés par la philosophie. L’enjeu de cet axe sera de mettre au jour ces déplacements. On pourra y revenir sur les objets actuels de la critique féministe, ou sur ce que les féminismes identifient aujourd’hui comme des situations injustes ou intolérables. On pourra également s’y interroger sur les perspectives de transformation que les travaux féministes ouvrent, ou sur les formes de vie qu’ils identifient comme désirables. Enfin, l’analyse pourra porter sur les langages et les méthodes dans lesquels se formulent ces critiques et ces perspectives; dans ce cadre, on pourra s’intéresser au rapport que les philosophies féministes entretiennent avec les différentes propositions qui entendent renouveler aujourd’hui le programme pratique de la philosophie, telle que la philosophie de terrain ou les démarches participatives issues des épistémologies radicales. Un volet de l’interrogation pourra également porter sur la manière dont les philosophies féministes appréhendent, plus spécifiquement, les institutions productrices de savoir, et prendre pour objet les critiques qu’elles leur adressent et la manière dont elles contribuent à les transformer et à modifier ainsi les conceptions dominantes de la production des savoirs.
Axe 3 : Les mauvais objets et les impensés des philosophies féministes : Qu’importe-t-il de penser maintenant?
Les axes 1 et 2 doivent nous aider à cartographier les acquis des philosophies féministes durant les quarante dernières années. Mais les philosophies féministes s’écrivent au présent, et tant le nombre croissant des étudiant·es inscrivant leurs recherches dans une perspective féministe que le foisonnement des publications et des traductions relevant de la philosophie féministe, témoignent de cette actualité. Cet axe se structurera par conséquent autour de la question de savoir quels nouveaux champs sont ouverts par la critique féministe aujourd’hui, quelles sont ses nouvelles frontières, de quels objets nouveaux celle-ci se saisit-elle et quels effets ont ces renouvellements sur ses méthodes, son rapport à la philosophie traditionnelle, ou encore son rapport aux luttes sociales ainsi qu’à l’historicité de sa propre pensée. Comment des défis politiques et sociétaux comme les politiques anti-genre anti-LGBTIQ+ la crise climatique, la crise du care, la montée des politiques familialistes, racistes et nationalistes mais aussi les initiatives contre le racisme, les luttes féministes et LGBTQI+ actuelles, les nouveaux mouvements sociaux pour la justice économique et climatique aux Nords et aux Sud globaux permettent-elles de renouveler les outils critiques et pratiques de la philosophie ? Comment des nouvelles formes d’écriture et de communication, les réseaux sociaux ou l’intelligence artificielle, reposent-ils la question du genre et des sexualités ? Quels défis méthodologiques les philosophies féministes doivent-elles affronter aujourd’hui? Quelle pensée féministe en dehors des méthodologies académiques? Est-il possible – au moment où elle se développe comme une critique de la philosophie traditionnelle – de repenser la philosophie féministe au pluriel et de manière transnationale, d’en interroger ses lieux et ses pratiques de production ?
Les sessions de panels seront suivies par une Assemblée générale dont le but sera de fonder l’Association francophone des philosophes féministes (AFPH).
Veuillez envoyer votre proposition de communication qui ne devrait pas dépasser les 1500 signes pour une communication de 20 minutes en vous inscrivant sur cette plateforme.
Date limite : 15 mars 2023
Les intervenant.es seront prévenu.es avant la pause d’été. Le programme sera publié à la rentrée en automne 2023.