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Dans son nouvel essai, le sociologue Albert Ogien analyse le spectre de la lutte minoritaire

Collectif

Tribune des observateurs

Read More  Pourquoi un groupe social minoritaire, lorsqu’il revendique des principes d’égalité, d’autonomie ou de dignité, fait-il souvent l’objet d’un soupçon de particularisme ? Pourquoi les luttes sociales sont toujours soumises à des controverses polarisées entre des termes piégés (universalité contre particularité, question sociale contre question raciale…) ? Avançant en terrain largement miné, le sociologue Albert Ogien désamorce efficacement ces oppositions répétées pour remettre la question de l’émancipation au cœur des enjeux démocratiques, loin des habituelles querelles. Dans son essai, vif et percutant, Émancipations. Luttes minoritaires, luttes universelles ?, l’auteur appréhende l’émancipation de façon empirique, en rappelant qu’elle concerne toute action collective visant l’accès aux mêmes droits et conditions d’existence de tout un chacun. Lutter pour son émancipation, ce n’est rien d’autre qu’exiger le droit de n’être soumis·e à aucun type d’humiliation. Partout où ces dimensions de la vie sociale ordinaire sont bafouées, dès qu’un groupe est ostracisé ”en raison d’une position d’infériorité qui lui est assignée par un ordre hiérarchique établi”, il y a lutte pour l’émancipation. Les minorités sociales, civiques et épistémiques Ces minorités en lutte s’ajustent à trois types de situations, selon Ogien. Les “minorités sociales” sont d’abord ces personnes réduites à l’état de prolétaires par l’instauration des rapports de production capitalistes qui les dépossèdent de leur autonomie ; les ”minorités civiques” concernent les personnes qui, en raison d’un attribut censé les disqualifier, restent soumises à des discriminations (populations racisées, femmes, personnes affichant une sexualité singulière…) ; et enfin, les “minorités épistémiques” désignent les citoyens ordinaires, maintenus dans un état d’infériorité politique par les “élites“, seules capables de saisir la complexité des affaires publiques. Autant dire que notre actualité politique abrite à l’envi les voix de ces trois types de minorités ! La cartographie précise qu’il fait de ce champ de luttes pousse Ogien à disqualifier la charge contre le bien-fondé des luttes d’émancipation faite au nom d’une version “républicaine” de l’universalisme. Pour le sociologue, “toute lutte d’émancipation combine nécessairement une dose d’universalité – s’affranchir d’une forme de domination – et une dose de particularité – la formulation d’une revendication circonstancielle”. De la répression violente d’une grève à une réforme qui supprime un droit social acquis, d’un meurtre raciste à une agression sexuelle, les événements qui motivent une mobilisation désamorcent par eux-mêmes la critique du camp universaliste. Lorsque, par exemple, le féminisme cherche à débarrasser le quotidien des femmes des manifestations de la domination masculine, il vise à ce que l’humanité se libère entièrement des effets de la domination patriarcale. “Tout engagement visant à abolir une situation de minorité avérée ne peut se développer sans se référer aux principes d’égalité et de justice, qui sont au fondement d’un universalisme ouvert et pluraliste”, insiste Albert Ogien dans ce texte d’intervention lucide, saluant, dans le chaos du présent, les volontés disséminées de ne rien céder sur les droits et les libertés : des combats universels, ancrés dans des expériences singulières. Albert Ogien, Émancipations. Luttes minoritaires, luttes universelles ? (Textuel) 160 p., 17,90 €. En librairie. 

Pourquoi un groupe social minoritaire, lorsqu’il revendique des principes d’égalité, d’autonomie ou de dignité, fait-il souvent l’objet d’un soupçon de particularisme ? Pourquoi les luttes sociales sont toujours soumises à des controverses polarisées entre des termes piégés (universalité contre particularité, question sociale contre question raciale…) ? Avançant en terrain largement miné, le sociologue Albert Ogien désamorce efficacement ces oppositions répétées pour remettre la question de l’émancipation au cœur des enjeux démocratiques, loin des habituelles querelles.

Dans son essai, vif et percutant, Émancipations. Luttes minoritaires, luttes universelles ?, l’auteur appréhende l’émancipation de façon empirique, en rappelant qu’elle concerne toute action collective visant l’accès aux mêmes droits et conditions d’existence de tout un chacun. Lutter pour son émancipation, ce n’est rien d’autre qu’exiger le droit de n’être soumis·e à aucun type d’humiliation. Partout où ces dimensions de la vie sociale ordinaire sont bafouées, dès qu’un groupe est ostracisé ”en raison d’une position d’infériorité qui lui est assignée par un ordre hiérarchique établi”, il y a lutte pour l’émancipation.

Les minorités sociales, civiques et épistémiques

Ces minorités en lutte s’ajustent à trois types de situations, selon Ogien. Les “minorités sociales” sont d’abord ces personnes réduites à l’état de prolétaires par l’instauration des rapports de production capitalistes qui les dépossèdent de leur autonomie ; les ”minorités civiques” concernent les personnes qui, en raison d’un attribut censé les disqualifier, restent soumises à des discriminations (populations racisées, femmes, personnes affichant une sexualité singulière…) ; et enfin, les “minorités épistémiques” désignent les citoyens ordinaires, maintenus dans un état d’infériorité politique par les “élites“, seules capables de saisir la complexité des affaires publiques. Autant dire que notre actualité politique abrite à l’envi les voix de ces trois types de minorités !

La cartographie précise qu’il fait de ce champ de luttes pousse Ogien à disqualifier la charge contre le bien-fondé des luttes d’émancipation faite au nom d’une version “républicaine” de l’universalisme. Pour le sociologue, “toute lutte d’émancipation combine nécessairement une dose d’universalité – s’affranchir d’une forme de domination – et une dose de particularité – la formulation d’une revendication circonstancielle”. De la répression violente d’une grève à une réforme qui supprime un droit social acquis, d’un meurtre raciste à une agression sexuelle, les événements qui motivent une mobilisation désamorcent par eux-mêmes la critique du camp universaliste.

Lorsque, par exemple, le féminisme cherche à débarrasser le quotidien des femmes des manifestations de la domination masculine, il vise à ce que l’humanité se libère entièrement des effets de la domination patriarcale. “Tout engagement visant à abolir une situation de minorité avérée ne peut se développer sans se référer aux principes d’égalité et de justice, qui sont au fondement d’un universalisme ouvert et pluraliste”, insiste Albert Ogien dans ce texte d’intervention lucide, saluant, dans le chaos du présent, les volontés disséminées de ne rien céder sur les droits et les libertés : des combats universels, ancrés dans des expériences singulières.

Albert Ogien, Émancipations. Luttes minoritaires, luttes universelles ? (Textuel) 160 p., 17,90 €. En librairie.

 

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