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Eléonore Baude : enseigner un français égalitaire, enfin

Eléonore Baude : enseigner un français égalitaire, enfin

Collectif

Tribune des observateurs

Read More  En 2008, le Conseil de l’Europe a appelé à « l’élimination du sexisme dans le langage et la promotion d’un langage reflétant le principe d’égalité entre les femmes et les hommes. » Peut-on enfin faire résonner cet appel dans les cours de français ? Professeure de lettres dans l’académie de Rennes, Eléonore Baude nous y aide. Elle tente de déployer une didactique susceptible de rendre visibles dans la langue toutes les personnes, quel que soit leur genre. La mise en action d’un français vivant favorise une pratique et une réflexion tout à la fois grammaticales, historiques et politiques. Et l’enjeu apparait essentiel, pour tous et toutes : « Se réapproprier le langage, c’est avoir prise sur le monde, cela permet d’inventer d’autres façons de dire, de se dire, d’exister dans la langue et donc dans la société. Inventer, créer de nouveaux mots, de nouvelles formulations, jouer avec la langue, la subvertir, c’est œuvrer à sa propre émancipation. » L’écriture égalitaire fait régulièrement polémique : pouvez-vous nous rappeler ce dont il s’agit ?

« Ecriture égalitaire », « langage inclusif » ou « écriture inclusive » sont des termes actuellement utilisés pour désigner l’ensemble des techniques qui cherchent à rendre visibles toutes les personnes dans la langue, quel que soit leur genre. Dans les années 2000, des termes plus militants étaient utilisés comme « écriture féministe » « langage anti sexiste » pour dire l’émergence d’une réflexion sur le genre dans les milieux anarchistes et féministes. Maintenant que de nombreux guides et manuels sont parus, le langage inclusif tend à se normer et on retrouve les mêmes propositions, parution après parution. Celles-ci peuvent être catégorisées en trois parties : la réactivation d’anciens noms communs féminins de métiers et d’accords traditionnels, la reformulation de phrase, et l’apparition de nouvelles formes comme le point médian ou les inclusifs contractés (exemple : toustes). Entre les injonctions de politiques, les préconisations de l’Académie française, la circulaire Blanquer de mai 2021, le Guide pour une communication publique sans stéréotype de sexe du HCE récemment actualisé, les fonctionnaires ont sans doute un peu de mal à s’y retrouver : quels vous semblent être les principes qui doivent inspirer et guider nos pratiques en la matière ?
La France n’évite effectivement pas les contradictions. Alors que le premier ministre Edouard Philippe a condamné l’écriture inclusive dans les textes officiels en 2017, le site web du secrétariat d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes a longtemps proposé le téléchargement d’un manuel d’aide à l’écriture inclusive. De plus, proscrire l’écriture inclusive dans son ensemble est paradoxal car la reféminisation des noms communs de métier en fait partie et l’incitation à l’employer est reconduit dans cette même circulaire. De même, alors que le point médian est proscrit dans le cadre de l’enseignement, le Haut Conseil à l’Egalité réactualise son Guide en précisant que lorsque « les termes ne présentent qu’un surplus de lettres pour passer de la forme masculine à la forme féminine, le point médian est le signe le plus adapté puisqu’il n’entraine aucune des connotations attachées aux autres signes employés en français ».
Ces paradoxes montrent une méconnaissance de ce vaste sujet. La liberté pédagogique des enseignantes leur permet d’aiguiser l’esprit critique des élèves en transmettant l’histoire de la langue, en montrant son évolution spontanée, ses hésitations, les choix opérés à marche forcée au sein des sociétés savantes, les variations d’usage selon les pays… En ayant acquis ces connaissances, les élèves sont plus à même de comprendre le fonctionnement du genre dans la langue et de jouer avec son usage. L’écriture égalitaire est précisément associée souvent à la question du point médian : en quoi cette vision des choses vous semble-t-elle réductrice ? que répondre à celleux qui considèrent le point médian comme un attentat visuel à la langue ?
Le point médian est un des outils qui peut être utilisé pour visibiliser les genres dans un texte. Mais il est loin d’être le seul. De nombreuses autres techniques permettent de réorganiser un texte pour le rendre plus inclusif. La reformulation par exemple supprime les marques du genre : la phrase « êtes-vous fatigué·es ? » peut devenir « ressentez-vous de la fatigue ? » Avant le point médian, qui a du succès parce qu’il est discret et efficace, existaient les parenthèses que l’on trouve sur les anciennes cartes d’identité. Le tiret est aussi utilisé tout comme le point bas, le slash ou le E majuscule. La particularité du point médian est qu’il ne renvoie à aucun autre usage actuel.
A l’école, on enseigne la langue de manière prescriptive, comme si elle était figée. Mais seules les langues anciennes n’évoluent plus, les langues vivantes changent en fonction des usages et de la société dans laquelle elles existent : des mots disparaissent, d’autres se forment, s’emploient de plus en plus puis entrent dans le dictionnaire. C’est l’usage qui fait la langue et permet d’accueillir ou de rejeter des tentatives, des propositions. Le point médian relève d’une abréviation qui n’est pas plus étrange que le point bas dans « M. », ou « etc. » que l’on comprend par habitude. L’utilisation du point médian s’est répandue et répond à un besoin d’exister dans la langue et dans sa graphie, notamment pour les communautés intersexe, queer et non binaire. En novembre 2017 paraissait avec fracas le manifeste « Nous n’enseignerons plus que le masculin l’emporte sur le féminin » : comment aider les élèves à dépasser et remplacer cette « règle » ?
Eliane Viennot, historienne spécialiste de l’histoire de la langue explique que cette règle date de l’Ancien Régime qui théorisait l’infériorité des femmes par rapport aux hommes (Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin, 2014). Elle n’a donc pas sa place dans une école publique qui prône des valeurs comme l’égalité et combat les discriminations.
C’est très intéressant de faire prendre conscience aux élèves que cette règle n’a pas toujours été employée et que, depuis le latin, d’autres accords simples et cohérents existent. Par exemple, l’accord de proximité qui permet d’accorder l’adjectif ou le participe passé avec le sujet le plus proche : « les infirmiers et les doctoresses sont entrées dans l’hôpital » Ou bien l’accord au choix qui peut se faire avec le plus grand nombre : « les doctoresses et l’infirmier sont entrées dans l’hôpital », mais aussi selon le sens : « la majorité des musées sont fermés le lundi ». Ces règles n’ont jamais été clairement condamnées par l’institution scolaire. Vous tentez de déployer une vraie didactique de l’écriture égalitaire dans ses divers aspects : pouvez-vous donner des exemples de points à aborder avec les élèves et de possibles activités de manipulation de la langue ?
Il me semble que le plus important est de faire prendre conscience aux élèves que la langue est en perpétuelle évolution. Les élites de l’Ancien Régime en ont fait un instrument de pouvoir en la complexifiant et en la masculinisant. Cependant, faire de l’histoire de la langue avec les élèves leur permet de remarquer qu’elle n’est pas figée, que ce qui a été complexifié et masculinisé peut évoluer.
Réfléchir à la suppression des noms communs féminins de métier prestigieux (professeuse, autrice, médecine, philosophesse, peintresse, poétesse…) permet de mettre en lumière l’articulation entre la masculinisation de la langue et l’éviction politique des femmes. Ce sujet est d’autant plus important qu’il permet de montrer que la langue française forme des noms communs de personne de manière régulière et que son enseignement pourrait en être simplifié. On apprend aux jeunes que les noms communs féminins se forment en ajoutant un -e au masculin (ce qui pose problème car le genre masculin est donné comme préexistant et non marqué), puis on leur présente une longue série d’irrégularités. Or, la langue française fonctionne à l’aide d’un radical qui permet de créer des familles de mots. On pourrait donc montrer que les noms communs de personnes fonctionnent par alternance de suffixes : -eur, -euse (chanteur, chanteuse ; professeur, professeuse), -ière, -ier (infirmière, infirmier)… et que c’est même parfois plus simple de partir du nom commun féminin (montagnarde) pour savoir comment termine le nom commun masculin (montagnard). « Le français est à nous ! », proclamaient dans un fameux ouvrage Maria Candéa et Laélia Veron : en quoi cette didactique de l’écriture égalitaire vous semble-t-elle développer chez les élèves des compétences grammaticales, voire changer leur rapport à la langue ?
Réfléchir sur son propre rapport à la langue, à l’écriture, permet de questionner sa place dans la société, de mettre des mots sur ce que l’on voit, ce que l’on vit. Se réapproprier le langage, c’est avoir prise sur le monde, cela permet d’inventer d’autres façons de dire, de se dire, d’exister dans la langue et donc dans la société. Inventer, créer de nouveaux mots, de nouvelles formulations, jouer avec la langue, la subvertir, c’est œuvrer à sa propre émancipation. Notre langue est masculinisée : en matière de construction de l’identité, de représentation du monde ou de projet d’orientation, qu’apporterait selon vous aux élèves une telle démasculinisation du français ?
Des études de psycholinguistique (Le cerveau pense-t-il au masculin, Gabriel, Gygax, Zufferey) montrent que les termes employés au masculin pluriel ne sont pas facilement perçus par le cerveau comme englobant toutes les personnes. On a tendance à penser uniquement à des hommes dans ce cas. Ainsi, parler sans cesse des « étudiants », des « professeurs », ou des « plombiers » entraine une image mentale masculine, ce qui exerce une influence sur les imaginaires des élèves, leurs choix de vie et leur place dans la société. Quand on parle au masculin, on pense au masculin. Les collégiennes et les lycéennes, par exemple, se projettent bien davantage dans un métier lorsqu’il est genré au féminin. C’est donc primordial de décliner les noms de métier à tous les genres pour garder grandes ouvertes les portes de l’orientation.
Or, une très grande majorité des manuels scolaires et des livres jeunesse depuis la toute petite enfance mettent en scène des personnages masculins, des animaux mâles, des illustrations représentant des hommes. Cette prédominance du genre masculin dans l’univers des élèves implique une utilisation massive du masculin pensé comme générique qui invisibilise les autres genres et impacte leur orientation, leur imagination, leur représentation du monde, et leur vie en général. Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut 

En 2008, le Conseil de l’Europe a appelé à « l’élimination du sexisme dans le langage et la promotion d’un langage reflétant le principe d’égalité entre les femmes et les hommes. » Peut-on enfin faire résonner cet appel dans les cours de français ? Professeure de lettres dans l’académie de Rennes, Eléonore Baude nous y aide. Elle tente de déployer une didactique susceptible de rendre visibles dans la langue toutes les personnes, quel que soit leur genre. La mise en action d’un français vivant favorise une pratique et une réflexion tout à la fois grammaticales, historiques et politiques. Et l’enjeu apparait essentiel, pour tous et toutes : « Se réapproprier le langage, c’est avoir prise sur le monde, cela permet d’inventer d’autres façons de dire, de se dire, d’exister dans la langue et donc dans la société. Inventer, créer de nouveaux mots, de nouvelles formulations, jouer avec la langue, la subvertir, c’est œuvrer à sa propre émancipation. »

L’écriture égalitaire fait régulièrement polémique : pouvez-vous nous rappeler ce dont il s’agit ?

« Ecriture égalitaire », « langage inclusif » ou « écriture inclusive » sont des termes actuellement utilisés pour désigner l’ensemble des techniques qui cherchent à rendre visibles toutes les personnes dans la langue, quel que soit leur genre. Dans les années 2000, des termes plus militants étaient utilisés comme « écriture féministe » « langage anti sexiste » pour dire l’émergence d’une réflexion sur le genre dans les milieux anarchistes et féministes. Maintenant que de nombreux guides et manuels sont parus, le langage inclusif tend à se normer et on retrouve les mêmes propositions, parution après parution. Celles-ci peuvent être catégorisées en trois parties : la réactivation d’anciens noms communs féminins de métiers et d’accords traditionnels, la reformulation de phrase, et l’apparition de nouvelles formes comme le point médian ou les inclusifs contractés (exemple : toustes).

Entre les injonctions de politiques, les préconisations de l’Académie française, la circulaire Blanquer de mai 2021, le Guide pour une communication publique sans stéréotype de sexe du HCE récemment actualisé, les fonctionnaires ont sans doute un peu de mal à s’y retrouver : quels vous semblent être les principes qui doivent inspirer et guider nos pratiques en la matière ?

La France n’évite effectivement pas les contradictions. Alors que le premier ministre Edouard Philippe a condamné l’écriture inclusive dans les textes officiels en 2017, le site web du secrétariat d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes a longtemps proposé le téléchargement d’un manuel d’aide à l’écriture inclusive. De plus, proscrire l’écriture inclusive dans son ensemble est paradoxal car la reféminisation des noms communs de métier en fait partie et l’incitation à l’employer est reconduit dans cette même circulaire. De même, alors que le point médian est proscrit dans le cadre de l’enseignement, le Haut Conseil à l’Egalité réactualise son Guide en précisant que lorsque « les termes ne présentent qu’un surplus de lettres pour passer de la forme masculine à la forme féminine, le point médian est le signe le plus adapté puisqu’il n’entraine aucune des connotations attachées aux autres signes employés en français ».

Ces paradoxes montrent une méconnaissance de ce vaste sujet. La liberté pédagogique des enseignantes leur permet d’aiguiser l’esprit critique des élèves en transmettant l’histoire de la langue, en montrant son évolution spontanée, ses hésitations, les choix opérés à marche forcée au sein des sociétés savantes, les variations d’usage selon les pays… En ayant acquis ces connaissances, les élèves sont plus à même de comprendre le fonctionnement du genre dans la langue et de jouer avec son usage.

L’écriture égalitaire est précisément associée souvent à la question du point médian : en quoi cette vision des choses vous semble-t-elle réductrice ? que répondre à celleux qui considèrent le point médian comme un attentat visuel à la langue ?

Le point médian est un des outils qui peut être utilisé pour visibiliser les genres dans un texte. Mais il est loin d’être le seul. De nombreuses autres techniques permettent de réorganiser un texte pour le rendre plus inclusif. La reformulation par exemple supprime les marques du genre : la phrase « êtes-vous fatigué·es ? » peut devenir « ressentez-vous de la fatigue ? » Avant le point médian, qui a du succès parce qu’il est discret et efficace, existaient les parenthèses que l’on trouve sur les anciennes cartes d’identité. Le tiret est aussi utilisé tout comme le point bas, le slash ou le E majuscule. La particularité du point médian est qu’il ne renvoie à aucun autre usage actuel.

A l’école, on enseigne la langue de manière prescriptive, comme si elle était figée. Mais seules les langues anciennes n’évoluent plus, les langues vivantes changent en fonction des usages et de la société dans laquelle elles existent : des mots disparaissent, d’autres se forment, s’emploient de plus en plus puis entrent dans le dictionnaire. C’est l’usage qui fait la langue et permet d’accueillir ou de rejeter des tentatives, des propositions. Le point médian relève d’une abréviation qui n’est pas plus étrange que le point bas dans « M. », ou « etc. » que l’on comprend par habitude. L’utilisation du point médian s’est répandue et répond à un besoin d’exister dans la langue et dans sa graphie, notamment pour les communautés intersexe, queer et non binaire.

En novembre 2017 paraissait avec fracas le manifeste « Nous n’enseignerons plus que le masculin l’emporte sur le féminin » : comment aider les élèves à dépasser et remplacer cette « règle » ?

Eliane Viennot, historienne spécialiste de l’histoire de la langue explique que cette règle date de l’Ancien Régime qui théorisait l’infériorité des femmes par rapport aux hommes (Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin, 2014). Elle n’a donc pas sa place dans une école publique qui prône des valeurs comme l’égalité et combat les discriminations.

C’est très intéressant de faire prendre conscience aux élèves que cette règle n’a pas toujours été employée et que, depuis le latin, d’autres accords simples et cohérents existent. Par exemple, l’accord de proximité qui permet d’accorder l’adjectif ou le participe passé avec le sujet le plus proche : « les infirmiers et les doctoresses sont entrées dans l’hôpital » Ou bien l’accord au choix qui peut se faire avec le plus grand nombre : « les doctoresses et l’infirmier sont entrées dans l’hôpital », mais aussi selon le sens : « la majorité des musées sont fermés le lundi ». Ces règles n’ont jamais été clairement condamnées par l’institution scolaire.

Vous tentez de déployer une vraie didactique de l’écriture égalitaire dans ses divers aspects : pouvez-vous donner des exemples de points à aborder avec les élèves et de possibles activités de manipulation de la langue ?

Il me semble que le plus important est de faire prendre conscience aux élèves que la langue est en perpétuelle évolution. Les élites de l’Ancien Régime en ont fait un instrument de pouvoir en la complexifiant et en la masculinisant. Cependant, faire de l’histoire de la langue avec les élèves leur permet de remarquer qu’elle n’est pas figée, que ce qui a été complexifié et masculinisé peut évoluer.

Réfléchir à la suppression des noms communs féminins de métier prestigieux (professeuse, autrice, médecine, philosophesse, peintresse, poétesse…) permet de mettre en lumière l’articulation entre la masculinisation de la langue et l’éviction politique des femmes. Ce sujet est d’autant plus important qu’il permet de montrer que la langue française forme des noms communs de personne de manière régulière et que son enseignement pourrait en être simplifié. On apprend aux jeunes que les noms communs féminins se forment en ajoutant un -e au masculin (ce qui pose problème car le genre masculin est donné comme préexistant et non marqué), puis on leur présente une longue série d’irrégularités. Or, la langue française fonctionne à l’aide d’un radical qui permet de créer des familles de mots. On pourrait donc montrer que les noms communs de personnes fonctionnent par alternance de suffixes : -eur, -euse (chanteur, chanteuse ; professeur, professeuse), -ière, -ier (infirmière, infirmier)… et que c’est même parfois plus simple de partir du nom commun féminin (montagnarde) pour savoir comment termine le nom commun masculin (montagnard).

« Le français est à nous ! », proclamaient dans un fameux ouvrage Maria Candéa et Laélia Veron : en quoi cette didactique de l’écriture égalitaire vous semble-t-elle développer chez les élèves des compétences grammaticales, voire changer leur rapport à la langue ?

Réfléchir sur son propre rapport à la langue, à l’écriture, permet de questionner sa place dans la société, de mettre des mots sur ce que l’on voit, ce que l’on vit. Se réapproprier le langage, c’est avoir prise sur le monde, cela permet d’inventer d’autres façons de dire, de se dire, d’exister dans la langue et donc dans la société. Inventer, créer de nouveaux mots, de nouvelles formulations, jouer avec la langue, la subvertir, c’est œuvrer à sa propre émancipation.

Notre langue est masculinisée : en matière de construction de l’identité, de représentation du monde ou de projet d’orientation, qu’apporterait selon vous aux élèves une telle démasculinisation du français ?

Des études de psycholinguistique (Le cerveau pense-t-il au masculin, Gabriel, Gygax, Zufferey) montrent que les termes employés au masculin pluriel ne sont pas facilement perçus par le cerveau comme englobant toutes les personnes. On a tendance à penser uniquement à des hommes dans ce cas. Ainsi, parler sans cesse des « étudiants », des « professeurs », ou des « plombiers » entraine une image mentale masculine, ce qui exerce une influence sur les imaginaires des élèves, leurs choix de vie et leur place dans la société. Quand on parle au masculin, on pense au masculin. Les collégiennes et les lycéennes, par exemple, se projettent bien davantage dans un métier lorsqu’il est genré au féminin. C’est donc primordial de décliner les noms de métier à tous les genres pour garder grandes ouvertes les portes de l’orientation.

Or, une très grande majorité des manuels scolaires et des livres jeunesse depuis la toute petite enfance mettent en scène des personnages masculins, des animaux mâles, des illustrations représentant des hommes. Cette prédominance du genre masculin dans l’univers des élèves implique une utilisation massive du masculin pensé comme générique qui invisibilise les autres genres et impacte leur orientation, leur imagination, leur représentation du monde, et leur vie en général.

Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut

 

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