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Et pendant ce temps, à la Grande mosquée de Paris.

Et pendant ce temps, à la Grande mosquée de Paris.

Vincent Tournier

Maître de conférences en science politique à l'IEP de Grenoble.

Alors que la deuxième saison des émeutes urbaines bat son plein, qu’en disent les institutions musulmanes ? D’aucuns martèleront que ce n’est pas le sujet. Sans doute, mais il faut tout de même être de mauvaise foi pour ne pas voir que, chez les émeutiers et leurs soutiens, les références à l’islam sont très présentes. Sur les réseaux sociaux, les témoignages de sympathie envers Nahel Merzouk regorgent de références religieuses. On y trouve aussi la formule « Allah y rahmo », ce qui signifie qu’Allah lui donne sa miséricorde, formule qui figurait notamment sur les banderoles de la marche de soutien. Le site d’informations Musulmans en France ne se prive pas de voir dans le « racisme d’État » et « l’islamophobie » la cause des émeutes.

Dans ces conditions, comment se positionnent les institutions musulmanes ? Depuis la fin programmée du Conseil français du culte musulman (CFCM), annoncée par Emmanuel Macron en février dernier, la Grande mosquée de Paris (GMP) dirigée par Chems-Eddine Hafiz entend bien reprendre toute sa place, elle qui se considère comme l’unique représentant légitime de l’islam en France. La confrontation récente avec Michel Houellebecq en a fait la démonstration.

Une visite sur le site Internet de la GMP s’avère instructive. Sur la page d’accueil, trois informations sont exposées : « Échanges avec Edwy Plenel », « La mosquée d’Auch taguée » et « Célébration du 61ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie ». Juste en dessous, dans la rubrique Événements, une information sur les « Colonies de vacances en Algérie : été 2023 ».

En ouvrant la rubrique Actualités, outre les trois articles précités et les dates des fêtes islamiques, on lit les communiqués suivants :

– « 50 jeunes envoyés en Algérie par la Grande Mosquée de Paris pour les jeux panarabes 2023 » (5 juillet) ;

– « Le recteur reçoit l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin » (4 juillet) ;

– « Distribution solidaire à la Grande Mosquée de Paris » (3 juillet) ;

– « Première ‘Journée avec les convertis’ hier après-midi » (1er juillet) ;

– « Communiqué – Mort du jeune Nahel : l’apaisement pour la vérité et la justice » (29 juin) ;

– « Le recteur a rencontré le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Algéro-Française » (27 juin) ;

– « Rencontre entre les accompagnateurs de nos prochaines colonies de vacances en Algérie » (24 juin) ;

– « Réunion de travail pour finaliser les préparatifs de nos colonies de vacances en Algérie » (22 juin) ;

– « La formation Emouna de Sciences Po à la Grande Mosquée de Paris » (19 juin) ;

– « Les coordonnées de notre service pour la certification Halal des produits exportés vers l’Algérie » (16 juin)

– « Échange avec Aymeric Caron » (15 juin).

Cet échantillon donne un aperçu intéressant des messages que la GMP entend envoyer. On y trouve des marques très claires d’inféodation à l’Algérie, un objectif de légitimation en tant qu’autorité religieuse (la certification halal) et institution de bienfaisance (les distributions solidaires), ainsi qu’une stratégie de légitimation via l’enseignement supérieur (Sciences po) et les contacts avec diverses personnalités politiques de gauche (Edwy Plenel, Aymeric Caron) et du centre (Jean-Pierre Raffarin).

Les émeutes urbaines ne sont pas oubliées, mais le communiqué du 29 juin semble bien anecdotique et très général.

« Si l’incompréhension, la douleur et la colère sont légitimes à la suite d’un tel drame, la Grande Mosquée de Paris appelle en particulier les jeunes à ne pas réagir par la violence. Elle les invite à faire entendre leurs voix et à se mobiliser pacifiquement pour que la mémoire de Nahel soit respectée et pour que la justice soit rendue (…). Il est du rôle d’une institution religieuse et des hommes de foi de montrer que l’apaisement est le seul chemin possible et constructif pour accéder à la vérité et à la justice ».

Rien à redire en apparence, si ce n’est que ce communiqué ne contient aucune condamnation franche de la violence, ni aucun appel pour récuser tout lien avec l’islam ou désavouer les musulmans qui se livreraient à des exactions.

Hasard sans doute : ce communiqué a étépublié le même jour que celui du ministère des affaires étrangères algérien, lequel indique avoir « appris avec choc et consternation la disparition brutale et tragique du jeune Nahel et les circonstances particulièrement troublantes et préoccupantes dans lesquelles elle est intervenue ». Les autorités algériennes précisent « faire confiance » au gouvernement français pour « assumer pleinement son devoir de protection, soucieux de la quiétude et de la sécurité dont doivent bénéficier nos ressortissants sur leur terre d’accueil », ajoutant qu’elles suivent avec « une très grande attention » cette « affaire tragique, avec le souci constant d’être aux côtés des membres de sa communauté nationale au moment de l’adversité et de l’épreuve ».

De toute évidence, les autorités algériennes n’ont pas encore compris l’objectif d’Emmanuel Macron de couper les liens entre les Français musulmans et les pays étrangers. On se demande également si le gouvernement algérien a bien écouté le ministre de l’Intérieur lorsque celui-ci a expliqué que 90% des émeutiers sont Français.  

Il y a encore du pain sur la planche.

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