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Et pendant ce temps-là, Marine Le Pen progresse en silence. Vraiment ?

Et pendant ce temps-là, Marine Le Pen progresse en silence. Vraiment ?

Collectif

Tribune des observateurs

Read More  Marine Le Pen lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale, le 22 mars 2023.Atlantico : Selon les derniers sondages, la cheffe de file du Rassemblement national est donnée dans tous les cas de figure en tête du premier tour de la présidentielle de 2027. À 4 ans de l’élection, c’est encore très hypothétique. Si l’on regarde l’évolution depuis 10 ou 20 ans, à quel point la part de la population française qui adhère aux idées portées par le Rassemblement national s’est-elle élargie ? Combien cela représente-t-il dans les intentions de vote actuelle ?Christophe Boutin : Si l’on s’en tient au sondages, Marine Le Pen obtiendrait environ 31 % des voix au premier tour d’une présidentielle si elle se tenait aujourd’hui (sondage Elabe) soit huit points de plus qu’en 2022. Quant à son parti, le Rassemblement national, il obtiendrait à des législatives, toujours si elles avaient lieu aujourd’hui, 22 %, des suffrages exprimés (sondage, Harris), soit trois points de plus qu’en 2022. Gardons-nous cependant de voir dans des sondages faits à quatre années d’une élection la boule de cristal qui nous révèlerait tout, et, plutôt que de parler résultat des sondages, ou même évolution des pourcentages, examinons les voix obtenues pour apporter quelques éléments de réponse à la question que vous nous posez.Si donc on compare les voix, le premier élément notable est que Marine Le Pen a progressé, au premier tour de la présidentielle, de 27% entre dix ans (2012-2022). Belle progression sans doute, mais son parti a lui multiplié par 5 ses voix entre les premiers tours des législatives de 2012 et 2017, et les a augmentées de 42% entre 2017 et 2022. Relativisons cela : il y a eu plus ou moins de candidats du parti selon les années, les taux d’abstention n’étaient pas les mêmes selon ces élections, et il y avait ou non d’autres concurrents… Mais ces différents correctifs ne changent pas grand-chose au fond au fond : la progression potentielle évoquée dans les sondages n’est en rien aberrante au vu des résultats de la dernière décennie, ni pour le parti, ni pour sa dirigeante.Le RN a-t-il définitivement asphyxié LR ?Quelle part de la population utilise le vote Marine Le Pen, et l’intention de vote pour Marine Le Pen, comme une manifestation de mécontentement, de rejet du reste de la classe politique (et notamment d’Emmanuel Macron) sans forcément adhérer aux idées ? Là encore, bonne question, et bien difficile à traiter. Il est certain en tout cas qu’il faut sortir ici de la logique simpliste visant à faire du vote pour le Rassemblement nationale un vote seulement « contestataire », lui niant l’aspect d’un « vote d’adhésion ». Le discrédit dont ont souffert les deux principaux « partis de gouvernement » structurant notre vie politique, PS et Républicains, qui, en dix ans, se sont complètement effondrés, a permis la « révolution », pour reprendre le titre de son ouvrage de 2017, menée par Emmanuel Macron, et la constitution du « bloc central et progressiste » évoqué il y a quelques jours par Stéphane Séjourné. Il serait bien hasardeux de penser que seul ce vote aurait reposé sur un choix politique cohérent, quand les évolutions parallèles, à droite, du Rassemblement national, mais aussi, dans une moindre mesure, de Reconquête, et, à gauche, de cette France insoumise, sous les fourches caudines de laquelle socialistes, écologistes et communistes ont dû passer pour former la NUPES, n’auraient pas eu une telle valeur politique. Il n’y a pas, d’un côté, une sorte de choix noble et raisonnable et, de l’autre, une incontrôlable éruption irrationnelle. La preuve en est d’ailleurs la manière dont les Français considèrent le Rassemblement national à la fin de l’année 2022, dans la 10e édition du sondage Cévipof Fractures françaises. 39% l’estiment en effet « capable de gouverner le pays » (soit autant que pour le PS, et plus que pour EELV et LFI). Il est pourtant qualifié « d’extrême droite » par 70 % de ces mêmes Français, ce qui prouve que le terme n’est plus un tabou – et il est d’ailleurs de moins en moins vu comme « xénophobe » (par 52% des Français, soit une baisse de 9 points en dix ans).Un premier ministre LR sans repasser par la case élections ? Aller simple pour le crash définitif de la droite républicaine Nul ne niera d’ailleurs, je crois, qu’au législatives de 2022 l’offre anti-macronienne était relativement large, et qu’il y avait donc plus d’une possibilité pour exprimer son désaccord. À droite par exemple, on trouvait notamment les candidats des Républicains, de Reconquête et du Rassemblement national. Or au premier tour ces derniers attiraient 4 248 000 électeurs, soit presque le double des Républicains (2 370 000), quand Reconquête n’arrivait pas à passer le million, avec 965 000 voix. Et si les candidats de cette dernière formation étaient moins nombreux et moins connus, ceux des Républicains étaient au contraire plus enracinés dans leurs circonscriptions. On ne peut que conclure à l’existence d’un choix politique en faveur des thèses du RN.La tendance que l’on observe actuellement est-elle une progression de l’adhésion à Marine Le Pen et son projet ou à sa posture, son “volontarisme” pour faire bouger les lignes ?Bien sûr, la récente attitude du parti au Parlement a un effet que l’on ne peut pas nier, et qui le renforce, comme il renforce aussi sa présidente, qui y siège et lui a imposé sa discipline. C’est ainsi que 35 % des Français approuvent l’attitude du RN dans l’opposition (Cevipof), ce qui est le plus haut score des différents partis d’opposition, de droite comme de gauche. Pour autant, selon un sondage Odoxa, dès mars 2022 c’était Marine Le Pen qui représentait déjà le mieux la droite pour une majorité de Français… y compris pour ceux de droite. L’ancienne « extrême droite » devient donc peu à peu « la droite », peut-être parce que, parallèlement, la droite dite « républicaine » abandonne ses valeurs et s’effondre, lui laissant une place qu’elle doit maintenant partager avec Reconquête.Conflit social ou crise démocratique : comme un parfum de fin de 4e République ?Mais Marine Le Pen a ici un avantage important, celui de pouvoir capitaliser sur l’image de son parti dans certains domaines, et donc de ne pas avoir à insister dans son discours sur des éléments qui pourraient être clivants, parce que, pour les électeurs, ils font naturellement partie de son programme : ainsi en est-il par exemple de la lutte contre l’insécurité ou contre l’immigration. Cela lui a permis de faire évoluer son discours dans deux directions. La première dans le domaine social : alors que le Front National d’autrefois en tenait volontiers pour les thèses libérales en économie, Marine Le Pen a pu se prononcer pour une approche nettement plus étatiste, espérant peut-être attirer ainsi des électeurs venus du service public, et évitant en tout cas, en minimisant les risques de voir disparaître certains acquis, de braquer des retraités qui, eux, ont encore en-tête l’image sulfureuse de son père, et peuvent être tentés par le « vote-barrage » au second tour. L’autre évolution qu’elle a pu engager concerne cette fois le plan sociétal, par exemple autour des questions de l’avortement ou du mariage pour tous, sur lesquelles elle a pris des positions qui n’auraient pas été celles de son parti il y a quinze ans. Dans tous les cas, le socle « non-dit », considéré comme intangible par des électeurs plus radicaux suffit à les fidéliser, les adaptations étant censées en attirer d’autres – et participer à la « dédiabolisation » souhaitée. Ainsi, lorsque vous évoquer une différence entre adhésion au projet et adhésion à la posture, vous comprenez qu’il est difficile de faire une différence, car avec cette posture volontariste Marine Le Pen fait bel et bien évoluer le projet du Rassemblement national. Un succès ? Là encore, reportons-nous à la dernière enquête du Cevipof : 37 % des Français trouvent le RN « proche de leurs préoccupations » (et c’est le second rang, derrière EELV).En définitive, à quoi adhèrent vraiment les nouveaux électeurs du Rassemblement national, acquis ou putatifs ? Quelle part des électeurs serait vraiment prête à voir Marine le Pen au pouvoir ?L’adhésion à un parti politique, ou, plus encore, le soutien à un candidat au second tour d’une élection, présidentielle ou législative, peut reposer sur bien des choses. Il y a dans le programme d’une formation politique toute une série d’éléments auxquels nous allons plus ou moins adhérer et que nous allons hiérarchiser, de la même manière que nous hiérarchiserons les questions qui nous semblent plus ou moins importantes qui concernent notre vie personnelle ou celle de notre pays. Nous allons ensuite faire un choix qui ne nous satisfera jamais intégralement, et qui ne sera même parfois, dans le cas où nous choisirons avant tout d’écarter un candidat bien plus que d’en choisir un autre, qu’un choix par défaut. Ajoutons à cela que nous pouvons encore faire le choix de ne pas choisir, celui de l’abstention, un non-choix que font de plus en plus de Français élection après élection. Enfin, les circonstances changent, et nous conduisent à faire évoluer en permanence nos priorités. À quoi adhèrent les électeurs du RN ? Ultime référence à l’enquête du Cevipof : 32% des Français souhaiteraient vivre dans la société que prône ce parti – un score peu ou prou semblable aux autres, sauf pour LFI, nettement inférieur. Il est donc permis de considérer qu’un tiers de nos concitoyens adhèrent à la vision du monde véhiculée par le discours du Rassemblement national, quoi que l’on puisse penser de sa cohérence ou de son évolution, et ce alors même que certains éléments de ce corpus font l’objet d’attaques permanentes. Le vote pour ce parti attire ainsi par exemple une part importante d’une jeunesse qui n’a connu que la dénonciation, dans les médias et à l’école, de son fascisme supposé, de sa xénophobie ou de l’irrationalité de ses thèses. Ce choix est-il la simple envie adolescente de choquer en votant pour le diable, ou la conséquence d’une trop grande distorsion entre le discours entendu et le vécu quotidien de cette jeunesse ? On l’a dit, 39% des Français pensent que le RN pourrait gouverner le pays. L’écart de voix entre le vote pour Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle et celui pour les candidats de son parti au premier tour des législatives s’est d’ailleurs significativement réduit entre 2017 et 2022 (-15 points), montrant que les représentants du parti, avec leurs nécessaires faiblesses, sont de mieux en mieux acceptés. Peu importe donc finalement que cette adhésion progresse par une confiance absolue des électeurs dans les qualités de Marine Le Pen et de son équipe ou parce qu’ils ne voient plus qui d’autre pourrait traiter des sujets qui les préoccupent : certains ne renonceront que lorsqu’ils auront tout tenté… 

Marine Le Pen lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale, le 22 mars 2023.

Atlantico : Selon les derniers sondages, la cheffe de file du Rassemblement national est donnée dans tous les cas de figure en tête du premier tour de la présidentielle de 2027. À 4 ans de l’élection, c’est encore très hypothétique. Si l’on regarde l’évolution depuis 10 ou 20 ans, à quel point la part de la population française qui adhère aux idées portées par le Rassemblement national s’est-elle élargie ? Combien cela représente-t-il dans les intentions de vote actuelle ?

Christophe Boutin : Si l’on s’en tient au sondages, Marine Le Pen obtiendrait environ 31 % des voix au premier tour d’une présidentielle si elle se tenait aujourd’hui (sondage Elabe) soit huit points de plus qu’en 2022. Quant à son parti, le Rassemblement national, il obtiendrait à des législatives, toujours si elles avaient lieu aujourd’hui, 22 %, des suffrages exprimés (sondage, Harris), soit trois points de plus qu’en 2022. Gardons-nous cependant de voir dans des sondages faits à quatre années d’une élection la boule de cristal qui nous révèlerait tout, et, plutôt que de parler résultat des sondages, ou même évolution des pourcentages, examinons les voix obtenues pour apporter quelques éléments de réponse à la question que vous nous posez.

Si donc on compare les voix, le premier élément notable est que Marine Le Pen a progressé, au premier tour de la présidentielle, de 27% entre dix ans (2012-2022). Belle progression sans doute, mais son parti a lui multiplié par 5 ses voix entre les premiers tours des législatives de 2012 et 2017, et les a augmentées de 42% entre 2017 et 2022. Relativisons cela : il y a eu plus ou moins de candidats du parti selon les années, les taux d’abstention n’étaient pas les mêmes selon ces élections, et il y avait ou non d’autres concurrents… Mais ces différents correctifs ne changent pas grand-chose au fond au fond : la progression potentielle évoquée dans les sondages n’est en rien aberrante au vu des résultats de la dernière décennie, ni pour le parti, ni pour sa dirigeante.

Le RN a-t-il définitivement asphyxié LR ?

Quelle part de la population utilise le vote Marine Le Pen, et l’intention de vote pour Marine Le Pen, comme une manifestation de mécontentement, de rejet du reste de la classe politique (et notamment d’Emmanuel Macron) sans forcément adhérer aux idées ? 

Là encore, bonne question, et bien difficile à traiter. Il est certain en tout cas qu’il faut sortir ici de la logique simpliste visant à faire du vote pour le Rassemblement nationale un vote seulement « contestataire », lui niant l’aspect d’un « vote d’adhésion ». Le discrédit dont ont souffert les deux principaux « partis de gouvernement » structurant notre vie politique, PS et Républicains, qui, en dix ans, se sont complètement effondrés, a permis la « révolution », pour reprendre le titre de son ouvrage de 2017, menée par Emmanuel Macron, et la constitution du « bloc central et progressiste » évoqué il y a quelques jours par Stéphane Séjourné. Il serait bien hasardeux de penser que seul ce vote aurait reposé sur un choix politique cohérent, quand les évolutions parallèles, à droite, du Rassemblement national, mais aussi, dans une moindre mesure, de Reconquête, et, à gauche, de cette France insoumise, sous les fourches caudines de laquelle socialistes, écologistes et communistes ont dû passer pour former la NUPES, n’auraient pas eu une telle valeur politique. Il n’y a pas, d’un côté, une sorte de choix noble et raisonnable et, de l’autre, une incontrôlable éruption irrationnelle. 

La preuve en est d’ailleurs la manière dont les Français considèrent le Rassemblement national à la fin de l’année 2022, dans la 10e édition du sondage Cévipof Fractures françaises. 39% l’estiment en effet « capable de gouverner le pays » (soit autant que pour le PS, et plus que pour EELV et LFI). Il est pourtant qualifié « d’extrême droite » par 70 % de ces mêmes Français, ce qui prouve que le terme n’est plus un tabou – et il est d’ailleurs de moins en moins vu comme « xénophobe » (par 52% des Français, soit une baisse de 9 points en dix ans).

Un premier ministre LR sans repasser par la case élections ? Aller simple pour le crash définitif de la droite républicaine

Nul ne niera d’ailleurs, je crois, qu’au législatives de 2022 l’offre anti-macronienne était relativement large, et qu’il y avait donc plus d’une possibilité pour exprimer son désaccord. À droite par exemple, on trouvait notamment les candidats des Républicains, de Reconquête et du Rassemblement national. Or au premier tour ces derniers attiraient 4 248 000 électeurs, soit presque le double des Républicains (2 370 000), quand Reconquête n’arrivait pas à passer le million, avec 965 000 voix. Et si les candidats de cette dernière formation étaient moins nombreux et moins connus, ceux des Républicains étaient au contraire plus enracinés dans leurs circonscriptions. On ne peut que conclure à l’existence d’un choix politique en faveur des thèses du RN.

La tendance que l’on observe actuellement est-elle une progression de l’adhésion à Marine Le Pen et son projet ou à sa posture, son “volontarisme” pour faire bouger les lignes ?

Bien sûr, la récente attitude du parti au Parlement a un effet que l’on ne peut pas nier, et qui le renforce, comme il renforce aussi sa présidente, qui y siège et lui a imposé sa discipline. C’est ainsi que 35 % des Français approuvent l’attitude du RN dans l’opposition (Cevipof), ce qui est le plus haut score des différents partis d’opposition, de droite comme de gauche. Pour autant, selon un sondage Odoxa, dès mars 2022 c’était Marine Le Pen qui représentait déjà le mieux la droite pour une majorité de Français… y compris pour ceux de droite. L’ancienne « extrême droite » devient donc peu à peu « la droite », peut-être parce que, parallèlement, la droite dite « républicaine » abandonne ses valeurs et s’effondre, lui laissant une place qu’elle doit maintenant partager avec Reconquête.

Conflit social ou crise démocratique : comme un parfum de fin de 4e République ?

Mais Marine Le Pen a ici un avantage important, celui de pouvoir capitaliser sur l’image de son parti dans certains domaines, et donc de ne pas avoir à insister dans son discours sur des éléments qui pourraient être clivants, parce que, pour les électeurs, ils font naturellement partie de son programme : ainsi en est-il par exemple de la lutte contre l’insécurité ou contre l’immigration. 

Cela lui a permis de faire évoluer son discours dans deux directions. La première dans le domaine social : alors que le Front National d’autrefois en tenait volontiers pour les thèses libérales en économie, Marine Le Pen a pu se prononcer pour une approche nettement plus étatiste, espérant peut-être attirer ainsi des électeurs venus du service public, et évitant en tout cas, en minimisant les risques de voir disparaître certains acquis, de braquer des retraités qui, eux, ont encore en-tête l’image sulfureuse de son père, et peuvent être tentés par le « vote-barrage » au second tour. L’autre évolution qu’elle a pu engager concerne cette fois le plan sociétal, par exemple autour des questions de l’avortement ou du mariage pour tous, sur lesquelles elle a pris des positions qui n’auraient pas été celles de son parti il y a quinze ans. 

Dans tous les cas, le socle « non-dit », considéré comme intangible par des électeurs plus radicaux suffit à les fidéliser, les adaptations étant censées en attirer d’autres – et participer à la « dédiabolisation » souhaitée. Ainsi, lorsque vous évoquer une différence entre adhésion au projet et adhésion à la posture, vous comprenez qu’il est difficile de faire une différence, car avec cette posture volontariste Marine Le Pen fait bel et bien évoluer le projet du Rassemblement national. Un succès ? Là encore, reportons-nous à la dernière enquête du Cevipof : 37 % des Français trouvent le RN « proche de leurs préoccupations » (et c’est le second rang, derrière EELV).

En définitive, à quoi adhèrent vraiment les nouveaux électeurs du Rassemblement national, acquis ou putatifs ? Quelle part des électeurs serait vraiment prête à voir Marine le Pen au pouvoir ?

L’adhésion à un parti politique, ou, plus encore, le soutien à un candidat au second tour d’une élection, présidentielle ou législative, peut reposer sur bien des choses. Il y a dans le programme d’une formation politique toute une série d’éléments auxquels nous allons plus ou moins adhérer et que nous allons hiérarchiser, de la même manière que nous hiérarchiserons les questions qui nous semblent plus ou moins importantes qui concernent notre vie personnelle ou celle de notre pays. Nous allons ensuite faire un choix qui ne nous satisfera jamais intégralement, et qui ne sera même parfois, dans le cas où nous choisirons avant tout d’écarter un candidat bien plus que d’en choisir un autre, qu’un choix par défaut. Ajoutons à cela que nous pouvons encore faire le choix de ne pas choisir, celui de l’abstention, un non-choix que font de plus en plus de Français élection après élection. Enfin, les circonstances changent, et nous conduisent à faire évoluer en permanence nos priorités. 

À quoi adhèrent les électeurs du RN ? Ultime référence à l’enquête du Cevipof : 32% des Français souhaiteraient vivre dans la société que prône ce parti – un score peu ou prou semblable aux autres, sauf pour LFI, nettement inférieur. Il est donc permis de considérer qu’un tiers de nos concitoyens adhèrent à la vision du monde véhiculée par le discours du Rassemblement national, quoi que l’on puisse penser de sa cohérence ou de son évolution, et ce alors même que certains éléments de ce corpus font l’objet d’attaques permanentes. Le vote pour ce parti attire ainsi par exemple une part importante d’une jeunesse qui n’a connu que la dénonciation, dans les médias et à l’école, de son fascisme supposé, de sa xénophobie ou de l’irrationalité de ses thèses. Ce choix est-il la simple envie adolescente de choquer en votant pour le diable, ou la conséquence d’une trop grande distorsion entre le discours entendu et le vécu quotidien de cette jeunesse ? 

On l’a dit, 39% des Français pensent que le RN pourrait gouverner le pays. L’écart de voix entre le vote pour Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle et celui pour les candidats de son parti au premier tour des législatives s’est d’ailleurs significativement réduit entre 2017 et 2022 (-15 points), montrant que les représentants du parti, avec leurs nécessaires faiblesses, sont de mieux en mieux acceptés. Peu importe donc finalement que cette adhésion progresse par une confiance absolue des électeurs dans les qualités de Marine Le Pen et de son équipe ou parce qu’ils ne voient plus qui d’autre pourrait traiter des sujets qui les préoccupent : certains ne renonceront que lorsqu’ils auront tout tenté…

 

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