Read More FIGAROVOX/TRIBUNE – L’ancien membre de la mission laïcité du Haut Conseil à l’Intégration Guylain Chevrier salue, au nom de la laïcité et de l’universalisme, la décision de la Fédération française de football d’interdire les pauses pendant les matchs pour les joueurs effectuant le ramadan. Guylain Chevrier est docteur en histoire, formateur, enseignant et consultant. Il a été membre de la mission laïcité du Haut Conseil à l’Intégration. Vendredi 31 mars, la Fédération française de football (FFF) a annoncé qu’il n’y aurait pas de pauses pendant les matchs, pour les joueurs musulmans effectuant le Ramadan, réagissant à «des interruptions de matchs suite aux ruptures du jeûne du ramadan». Un mail a même été envoyé aux arbitres en ce sens pour rappeler cette position de principe qui n’est pas nouvelle de «neutralité du football sur les lieux de pratique». La neutralité dans le sport est un sujet brûlant, d’ailleurs plusieurs joueurs et entraîneurs ont réagi diversement à sa réaffirmation par la FFF dans ce contexte. À lire aussiFoot et ramadan: l’interdiction des pauses en France fait débat Sur le fond, pourquoi cette neutralité ? Question qu’aucun joueur ou entraîneur, critiquant ce principe, ne semble s’être posée, n’y allant que de la tolérance ou pas. On doit d’abord se demander s’il est possible de prendre en compte toutes les religions avec leurs obligations. Assurément, ce n’est même pas imaginable. Effectivement, à chaque religion sa vérité et ses exigences, il y a des dizaines de cultes connus, avec leurs différents courants, aujourd’hui en France, en raison d’une immigration y arrivant de partout. Les musulmans sont censés ne pas travailler le vendredi, les juifs le samedi… Que fait-on alors ? Va-t-on arrêter de jouer pour tenir compte de chacune des religions ? Un peuple doit pouvoir s’incarner dans une équipe de France féminine ou masculine, indépendamment de la couleur, l’origine, la religion, le sexe, des uns et des autres. Ce sont des joueurs de foot, un point c’est tout. Guylain Chevrier Soyons un peu sérieux. Cette primauté religieuse revendiquée qui fait passer la religion avant tout, devrait nous faire réfléchir à la question de «comment faire société», et des interrogations que cela pose concernant l’intégration d’une partie de nos concitoyens de confession musulmane. Le sport en général, le foot particulièrement comme modèle de référence si populaire d’intégration, doit être absolument protégé de ces influences qui n’ont rien à y faire, au risque de reproduire dans les stades des conflits intercommunautaires contraires à l’idée de faire peuple. Un peuple doit pouvoir s’incarner dans une équipe de France féminine ou masculine, indépendamment de la couleur, l’origine, la religion, le sexe, des uns et des autres. Ce sont des joueurs de foot, un point c’est tout. Ils portent des valeurs, un idéal sportif de dépassement de soi, l’excellence, et au-dessus de tout, c’est ça qui est beau, pas le chacun pour soi selon sa différence. À lire aussiFoot : des pauses en cours de match pour le ramadan auront lieu en Angleterre Mais aussi, pourquoi devrait-on accepter des pratiques qui assimilent des équipes entières à quelques joueurs qui font le ramadan ? Cela porte un nom, l’assignation, autrement dit imposer à des joueurs non-musulmans, et même à toute une société, une pratique découlant d’exigences religieuses. N’y a-t-il pas là un problème avec la liberté de conscience des autres, renversant la charge d’accusation à mi-mot de discrimination ? Ne serait-ce pas cela qui serait en fait réellement discriminatoire ? Qui dit libertés dit aussi devoirs communs, ce que l’on gomme un peu facilement derrière une notion de tolérance, qui ne veut rien dire ici. Guylain Chevrier L’entraîneur de l’OGC Nice, Didier Digard, présenté comme voulant dans ce domaine «faire évoluer les mentalités», s’il explique qu’«on est dans un pays laïc, pas dans un pays musulman.» et «qu’il faut accepter le pays où l’on vit», dit aussi en prenant l’exemple de l’Angleterre, «il faut l’avouer, ils sont plus ouverts que nous sur le sujet et ça a toujours été comme ça. Ce serait bien que la France le fasse… » L’international français, Lucas Digne, a aussi déploré sur Instagram, ce qu’il appelle «le retard qu’accuse la France dans ce domaine». Il faut dire que la Premier League et la Bundesliga ont choisi d’interrompre les rencontres pour la rupture du jeûne. L’Angleterre et l’Allemagne seraient donc plus «ouvertes» ? Ne faudrait-il pas là une piqûre de rappel ? Ces deux pays sont fondés sur le multiculturalisme, le principe selon lequel chacun a sa communauté, et où l’on ne se mélange pas ou peu. Derrière les murs communautaires, les individus perdent leurs droits confisqués par la logique de clan, qui ne sont plus des citoyens pris en otage par les effets dévastateurs du clientélisme. Est-ce vis-à-vis de cela que nous serions «en retard» ? David Cameron, ancien Premier ministre anglais, et Angela Merkel, ancienne chancelière d’Allemagne, avaient chacun en leur temps souligné l’échec du multiculturalisme dans leur pays, pour dire la faillite de ce système au regard de l’intégration, c’est-à-dire de faire de chacun un citoyen, d’où qu’il vienne. À lire aussiLes Hijabeuses à la conquête des terrains de foot Dans son communiqué, la FFF précise : «la Fédération et ses organes déconcentrés, en tant qu’organes chargés d’une mission de service public déléguée par l’État, défendent les valeurs fondamentales de la République française et doivent mettre en œuvre les moyens permettant d’empêcher toute discrimination ou atteinte à la dignité d’une personne en raison notamment (…) de ses convictions politiques et religieuses». Oui, elle a ô combien raison ! Car, c’est bien la République laïque qui a de l’avance en matière de modernité démocratique, et reste plus ouverte que n’importe quel autre système. Car à ne voir que des individus égaux et non chacun selon sa différence, elle ne fait pas de différence de traitement au regard d’une loi qui est la même pour tous. «Laïque» veut dire que notre contrat social est fondé sur des lois communes qui dépassent les religions ou pas, les singularismes propres à tout un chacun, pour garantir un cadre de vie commun, qui repose sur des libertés fondamentales, qui protège l’autonomie de la personne. Qui dit libertés dit aussi devoirs communs, ce que l’on gomme un peu facilement derrière une notion de tolérance qui ne veut rien dire ici. Historiquement, grâce à la République, nous avons su dépasser bien des différences, les logiques communautaires, religieuses, familiales, celle des anciens ordres, noblesse, clergé, pour faire un peuple de citoyens, une nation. Guylain Chevrier Historiquement, grâce à la République, nous avons su dépasser bien des différences, les logiques communautaires, villageoises, religieuses, familiales, pesantes, celle des anciens ordres, noblesse, clergé, tiers état, qui ont aussi existé pendant des siècles, pour faire un peuple de citoyens, une nation. Revenons donc à la seule véritable liberté pour le peuple, d’être la source du pouvoir politique dans nos institutions, un corps politique souverain de citoyens unis par leurs droits, d’Hommes susceptibles d’écrire par leur volonté commune leur histoire. La crise actuelle du politique ne remet en rien en cause les fondements de cette vérité, et le caractère de propriété collective de ces droits, dont une part de leur avenir reste à écrire. À lire aussiLe droit de porter le hijab pendant les matchs de foot féminin: cette réclamation inquiétante qu’examine le Conseil d’Etat La devise de la République liberté, égalité, fraternité prend ici tout son sens : si nous sommes libres c’est parce que nous sommes égaux, et ainsi, il nous est facile de fraterniser. Quoi de mieux ! C’est à cela que s’oppose fondamentalement cette vision d’une société qui ne serait qu’une addition de communautés, de différences. On voit bien ce que cette neutralité dans les stades a pour signification profonde, celle de la liberté pour tous.
FIGAROVOX/TRIBUNE – L’ancien membre de la mission laïcité du Haut Conseil à l’Intégration Guylain Chevrier salue, au nom de la laïcité et de l’universalisme, la décision de la Fédération française de football d’interdire les pauses pendant les matchs pour les joueurs effectuant le ramadan.
Guylain Chevrier est docteur en histoire, formateur, enseignant et consultant. Il a été membre de la mission laïcité du Haut Conseil à l’Intégration.
Vendredi 31 mars, la Fédération française de football (FFF) a annoncé qu’il n’y aurait pas de pauses pendant les matchs, pour les joueurs musulmans effectuant le Ramadan, réagissant à «des interruptions de matchs suite aux ruptures du jeûne du ramadan». Un mail a même été envoyé aux arbitres en ce sens pour rappeler cette position de principe qui n’est pas nouvelle de «neutralité du football sur les lieux de pratique». La neutralité dans le sport est un sujet brûlant, d’ailleurs plusieurs joueurs et entraîneurs ont réagi diversement à sa réaffirmation par la FFF dans ce contexte.
À lire aussiFoot et ramadan: l’interdiction des pauses en France fait débat
Sur le fond, pourquoi cette neutralité ? Question qu’aucun joueur ou entraîneur, critiquant ce principe, ne semble s’être posée, n’y allant que de la tolérance ou pas. On doit d’abord se demander s’il est possible de prendre en compte toutes les religions avec leurs obligations. Assurément, ce n’est même pas imaginable. Effectivement, à chaque religion sa vérité et ses exigences, il y a des dizaines de cultes connus, avec leurs différents courants, aujourd’hui en France, en raison d’une immigration y arrivant de partout. Les musulmans sont censés ne pas travailler le vendredi, les juifs le samedi… Que fait-on alors ? Va-t-on arrêter de jouer pour tenir compte de chacune des religions ?
Un peuple doit pouvoir s’incarner dans une équipe de France féminine ou masculine, indépendamment de la couleur, l’origine, la religion, le sexe, des uns et des autres. Ce sont des joueurs de foot, un point c’est tout.
Guylain Chevrier
Soyons un peu sérieux. Cette primauté religieuse revendiquée qui fait passer la religion avant tout, devrait nous faire réfléchir à la question de «comment faire société», et des interrogations que cela pose concernant l’intégration d’une partie de nos concitoyens de confession musulmane. Le sport en général, le foot particulièrement comme modèle de référence si populaire d’intégration, doit être absolument protégé de ces influences qui n’ont rien à y faire, au risque de reproduire dans les stades des conflits intercommunautaires contraires à l’idée de faire peuple. Un peuple doit pouvoir s’incarner dans une équipe de France féminine ou masculine, indépendamment de la couleur, l’origine, la religion, le sexe, des uns et des autres. Ce sont des joueurs de foot, un point c’est tout. Ils portent des valeurs, un idéal sportif de dépassement de soi, l’excellence, et au-dessus de tout, c’est ça qui est beau, pas le chacun pour soi selon sa différence.
À lire aussiFoot : des pauses en cours de match pour le ramadan auront lieu en Angleterre
Mais aussi, pourquoi devrait-on accepter des pratiques qui assimilent des équipes entières à quelques joueurs qui font le ramadan ? Cela porte un nom, l’assignation, autrement dit imposer à des joueurs non-musulmans, et même à toute une société, une pratique découlant d’exigences religieuses. N’y a-t-il pas là un problème avec la liberté de conscience des autres, renversant la charge d’accusation à mi-mot de discrimination ? Ne serait-ce pas cela qui serait en fait réellement discriminatoire ?
Qui dit libertés dit aussi devoirs communs, ce que l’on gomme un peu facilement derrière une notion de tolérance, qui ne veut rien dire ici.
Guylain Chevrier
L’entraîneur de l’OGC Nice, Didier Digard, présenté comme voulant dans ce domaine «faire évoluer les mentalités», s’il explique qu’«on est dans un pays laïc, pas dans un pays musulman.» et «qu’il faut accepter le pays où l’on vit», dit aussi en prenant l’exemple de l’Angleterre, «il faut l’avouer, ils sont plus ouverts que nous sur le sujet et ça a toujours été comme ça. Ce serait bien que la France le fasse… » L’international français, Lucas Digne, a aussi déploré sur Instagram, ce qu’il appelle «le retard qu’accuse la France dans ce domaine». Il faut dire que la Premier League et la Bundesliga ont choisi d’interrompre les rencontres pour la rupture du jeûne. L’Angleterre et l’Allemagne seraient donc plus «ouvertes» ? Ne faudrait-il pas là une piqûre de rappel ? Ces deux pays sont fondés sur le multiculturalisme, le principe selon lequel chacun a sa communauté, et où l’on ne se mélange pas ou peu. Derrière les murs communautaires, les individus perdent leurs droits confisqués par la logique de clan, qui ne sont plus des citoyens pris en otage par les effets dévastateurs du clientélisme. Est-ce vis-à-vis de cela que nous serions «en retard» ? David Cameron, ancien Premier ministre anglais, et Angela Merkel, ancienne chancelière d’Allemagne, avaient chacun en leur temps souligné l’échec du multiculturalisme dans leur pays, pour dire la faillite de ce système au regard de l’intégration, c’est-à-dire de faire de chacun un citoyen, d’où qu’il vienne.
À lire aussiLes Hijabeuses à la conquête des terrains de foot
Dans son communiqué, la FFF précise : «la Fédération et ses organes déconcentrés, en tant qu’organes chargés d’une mission de service public déléguée par l’État, défendent les valeurs fondamentales de la République française et doivent mettre en œuvre les moyens permettant d’empêcher toute discrimination ou atteinte à la dignité d’une personne en raison notamment (…) de ses convictions politiques et religieuses». Oui, elle a ô combien raison ! Car, c’est bien la République laïque qui a de l’avance en matière de modernité démocratique, et reste plus ouverte que n’importe quel autre système. Car à ne voir que des individus égaux et non chacun selon sa différence, elle ne fait pas de différence de traitement au regard d’une loi qui est la même pour tous. «Laïque» veut dire que notre contrat social est fondé sur des lois communes qui dépassent les religions ou pas, les singularismes propres à tout un chacun, pour garantir un cadre de vie commun, qui repose sur des libertés fondamentales, qui protège l’autonomie de la personne. Qui dit libertés dit aussi devoirs communs, ce que l’on gomme un peu facilement derrière une notion de tolérance qui ne veut rien dire ici.
Historiquement, grâce à la République, nous avons su dépasser bien des différences, les logiques communautaires, religieuses, familiales, celle des anciens ordres, noblesse, clergé, pour faire un peuple de citoyens, une nation.
Guylain Chevrier
Historiquement, grâce à la République, nous avons su dépasser bien des différences, les logiques communautaires, villageoises, religieuses, familiales, pesantes, celle des anciens ordres, noblesse, clergé, tiers état, qui ont aussi existé pendant des siècles, pour faire un peuple de citoyens, une nation. Revenons donc à la seule véritable liberté pour le peuple, d’être la source du pouvoir politique dans nos institutions, un corps politique souverain de citoyens unis par leurs droits, d’Hommes susceptibles d’écrire par leur volonté commune leur histoire. La crise actuelle du politique ne remet en rien en cause les fondements de cette vérité, et le caractère de propriété collective de ces droits, dont une part de leur avenir reste à écrire.
La devise de la République liberté, égalité, fraternité prend ici tout son sens : si nous sommes libres c’est parce que nous sommes égaux, et ainsi, il nous est facile de fraterniser. Quoi de mieux ! C’est à cela que s’oppose fondamentalement cette vision d’une société qui ne serait qu’une addition de communautés, de différences. On voit bien ce que cette neutralité dans les stades a pour signification profonde, celle de la liberté pour tous.
« Ce post est un relevé d’information de notre veille d’information »