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La littérature à l’oblique. Sexualités et genres dissidents : enjeux critiques (séminaire Philomel Paris, Sorbonne & en ligne)

Collectif

Tribune des observateurs

Read More  « Tout écrivain minoritaire (qui a conscience de l’être) entre dans la littérature à l’oblique […] Les grands problèmes qui préoccupent les littérateurs, ses contemporains, lui apparaissent de biais et déformés par sa perspective. Les problèmes formels le passionnent mais il est travaillé à cœur et à corps par sa matière, “ce qui appelle le nom caché”, “ce qui n’ose pas dire son nom”, ce qu’il retrouve partout bien que ce ne soit jamais écrit. » (Monique Wittig, avant-note à La Passion de Djuna Barnes)Depuis l’avènement des études sur le genre et des cultural studies dans les dernières décennies du XXe siècle, féminismes, homosexualités, questions de genre ont trouvé droit de cité au sein de la recherche littéraire. Droit de cité fragile, discuté, contesté, pour autant tangible, il a permis à un certain nombre d’histoires, de critiques et de théories littéraires d’éclore dans le champ universitaire et d’y ouvrir de nouveaux horizons d’analyse, riches et peu à peu explorés.
En 2023, c’est toujours cependant « à l’oblique » que s’élaborent une grande partie de ces travaux, à l’image des œuvres qu’ils étudient : dans les marges des circuits de recherche et d’édition, dans l’ambiguïté d’un rapport à la fois affirmatif, provocateur et conflictuel aux catégories et axiologies desquelles ils dépendent.
Dans les marges : parce que, même lorsqu’ils énoncent leur appartenance à des histoires et théories générales de la littérature, ces travaux se trouvent relégués au singulier, à l’étrange, à l’idée d’une lubie politique dont l’ambition scientifique paraît douteuse. Il y a désormais un droit de cité des études sur les sexualités et les identités de genre (profusion des séminaires, journées d’études, monographies abordant ces sujets), mais comme à condition qu’elles ne s’essaient pas à prétendre aux mêmes ambitions que des études littéraires « générales » (sont-elles, elles, vraiment « générales » ?) Par exemple : où trouve-t-on, en librairies, les histoires littéraires traitant d’homosexualité ? La plupart du temps, au rayon « genre », quand il existe ; mais sur les étagères de l’histoire littéraire, guère. Cette observation signale, positivement, la reconnaissance de l’existence évidente d’un public qui est là, nombreux, pour réceptionner ces travaux – un public qui ne se dirigerait peut-être pas spontanément vers les étagères d’histoire littéraire. Mais ce phénomène ne s’observe pas autant pour d’autres angles eux aussi « particuliers » de la recherche en littérature : cherche-t-on un ouvrage sur les écopoétiques des littératures contemporaines aux rayons écologistes ? une étude sur le conservatisme littéraire dans la section politique ? Cette condamnation ambiguë à l’à-côté, jusqu’à récemment, se reflétait dans les choix scientifiques opérés au sein des universités : où trouvait-on des cours, des recherches, abordant frontalement des sujets genrés ? Majoritairement dans des enseignements optionnels, des parcours spécialisés, des mémoires ou des thèses non financées, ou financées sur des sujets abordant les sujets queer de biais, à l’oblique. Ces recherches se trouvent aussi dans une certaine ambiguïté face aux catégories et axiologies : parce que les études sur les sexualités et les identités de genre naissent d’une assignation première, qu’elles cherchent précisément à discuter et à réorienter, mais qu’elles doivent commencer par assumer pour pouvoir s’énoncer. Les personnes situées socialement, sexuellement, politiquement, comme « lesbiennes », « gay », « trans » – et autres, « queer » en général –, n’ont pas toujours intérêt à être identifiées comme telles en littérature. Car la catégorie n’est jamais simplement descriptive : elle agit. Elle oriente les lectures, les critiques, elle spécialise : positivement, en contribuant à construire les fiertés, à énoncer des enjeux singuliers, à affirmer des histoires et cultures vivantes et immenses ; mais aussi négativement, en marginalisant, en minorant – ce qui se spécialise n’intéresse souvent que les spécialistes ou aspirant·es spécialistes –, oblitérant tout ce qui, dans une œuvre, ne dépend pas de cette catégorie, qui devient l’arbre qui cache la forêt. En même temps, l’histoire littéraire est faite de catégories perpétuellement discutées et repositionnées : l’originalité des questions queer tient à leur manière spécifique de problématiser ces enjeux. Une réflexion critique sur la catégorie elle-même ne peut guère non plus se débarrasser des enjeux politiques qui la fondent au départ : les positions de surplomb échouent et de tels sujets invitent davantage, chaque fois, à interroger les postures de recherche adoptées, leur articulation à différents plans éthiques, politiques, épistémologiques, scientifiques ; ces sujets se défilent dès lors que chercheurs et chercheuses essaient d’esquiver les conséquences de leur propre engagement.
Peu à peu, et sans doute de plus en plus vite actuellement, ces situations changent, les corpus critiques prennent de l’ampleur en dépit des résistances, les enjeux de toutes ces questions se réarticulent.
« La littérature à l’oblique », séminaire d’études littéraires internationales organisé au sein de Philomel, groupe d’études sur le genre de Sorbonne Université, vise à prendre à bras-le-corps ces questions. Elles touchent à la fois à l’élaboration de nouvelles théories de la littérature, à la mise au jour de textes méconnus et à l’analyse des raisons de cette méconnaissance, à la nécessaire réflexivité méthodologique et épistémologique des recherches menées sur les rapports entre littératures et sexualités, entre littératures et identités de genre. L’affirmation de la pertinence de telles entreprises de recherche est un point de départ, qu’il ne s’agit plus de prouver : il s’agit plutôt d’ouvrir un espace de discussion scientifique qui, choisissant de se dégager de la nécessité de répondre aux dénis et résistances qui se jouent à l’extérieur, permette d’approfondir pour de bon les enjeux critiques réellement soulevés par ces questions.

En 2023, le séminaire est fondé et organisé par Manon Berthier, Camille Islert, membres du laboratoire Lettres, Idées, Savoir (LIS) de l’Université Paris-Est Créteil, et Daria Kriazhova, Lorenzo Ruzzene, Aurore Turbiau, membres du Centre de Recherche en Littérature Comparée (CRLC) et de l’Initiative Genre Philomel de Sorbonne Université. Contact : lalitteraturealoblique@gmail.comPour lancer le séminaire, nous choisissons de prioriser l’organisation de séances portant sur les littératures lesbiennes – catégorie qui doit être discutée, interrogée. Donner une dimension internationale à ce séminaire est une priorité. Or, sur de tels sujets où les travaux restent relativement rares, il n’est pas toujours aisé de trouver des intervenant·es : le sujet des littératures homosexuelles et queer en général est, dans de nombreux pays, non seulement minorisé, mais parfois inexistant, voire prohibé. Aussi, nous appelons à nous joindre les personnes qui souhaiteraient intervenir ou qui auraient des propositions de contacts à nous donner, pour mieux faire connaître l’état des littératures et recherches queer de différents pays ou contextes culturels.

Les deux premières séances du séminaire auront lieu à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université, 1 rue Victor Cousin, en salle D664. Un lien pour suivre la séance en ligne sera également proposé. Toutes les informations, ainsi que les lectures conseillées par les intervenant·es en amont des séances, seront publiées à l’avance sur le lien suivant : https://philomel.hypotheses.org/la-litterature-a-lobliqueLa première séance aura lieu le 12 avril 2023 de 17h à 19h et portera principalement sur l’aire géographique et culturelle italienne. Laura Maver (Sorbonne Université) interviendra au sujet de la traduction comme pratique queer et interrogera sa place périphérique dans la production des savoirs. Jessy Simonini (Universités d’Udine et de Trieste) proposera une recherche sur et de la littérature lesbienne en Italie dans les années 1970 et 1980. Inscriptions au lien suivant : https://framaforms.org/inscription-seminaire-la-litterature-a-loblique-12-avril-1680772068La deuxième séance aura lieu le 31 mai 2023 de 17h30 à 19h30 et proposera des échanges entre l’Amérique Latine, le Québec et l’Europe. Thérèse Courau (Université Toulouse II Jean Jaurès) interviendra sur la littérature lesbienne et les circulations sexo-dissidentes entre l’Europe et l’Amérique latine. Ariane Gibeau (Université Laval) posera la question de l’émergence d’une littérature lesbienne au Québec entre 1945 et 1965. Inscriptions au lien suivant : https://framaforms.org/inscription-seminaire-la-litterature-a-loblique-31-mai-1680772336
Les interventions seront suivies d’un échange avec le public. 

« Tout écrivain minoritaire (qui a conscience de l’être) entre dans la littérature à l’oblique […] Les grands problèmes qui préoccupent les littérateurs, ses contemporains, lui apparaissent de biais et déformés par sa perspective. Les problèmes formels le passionnent mais il est travaillé à cœur et à corps par sa matière, “ce qui appelle le nom caché”, “ce qui n’ose pas dire son nom”, ce qu’il retrouve partout bien que ce ne soit jamais écrit. » (Monique Wittig, avant-note à La Passion de Djuna Barnes)

Depuis l’avènement des études sur le genre et des cultural studies dans les dernières décennies du XXe siècle, féminismes, homosexualités, questions de genre ont trouvé droit de cité au sein de la recherche littéraire. Droit de cité fragile, discuté, contesté, pour autant tangible, il a permis à un certain nombre d’histoires, de critiques et de théories littéraires d’éclore dans le champ universitaire et d’y ouvrir de nouveaux horizons d’analyse, riches et peu à peu explorés.

En 2023, c’est toujours cependant « à l’oblique » que s’élaborent une grande partie de ces travaux, à l’image des œuvres qu’ils étudient : dans les marges des circuits de recherche et d’édition, dans l’ambiguïté d’un rapport à la fois affirmatif, provocateur et conflictuel aux catégories et axiologies desquelles ils dépendent.

Dans les marges : parce que, même lorsqu’ils énoncent leur appartenance à des histoires et théories générales de la littérature, ces travaux se trouvent relégués au singulier, à l’étrange, à l’idée d’une lubie politique dont l’ambition scientifique paraît douteuse. Il y a désormais un droit de cité des études sur les sexualités et les identités de genre (profusion des séminaires, journées d’études, monographies abordant ces sujets), mais comme à condition qu’elles ne s’essaient pas à prétendre aux mêmes ambitions que des études littéraires « générales » (sont-elles, elles, vraiment « générales » ?) Par exemple : où trouve-t-on, en librairies, les histoires littéraires traitant d’homosexualité ? La plupart du temps, au rayon « genre », quand il existe ; mais sur les étagères de l’histoire littéraire, guère. Cette observation signale, positivement, la reconnaissance de l’existence évidente d’un public qui est là, nombreux, pour réceptionner ces travaux – un public qui ne se dirigerait peut-être pas spontanément vers les étagères d’histoire littéraire. Mais ce phénomène ne s’observe pas autant pour d’autres angles eux aussi « particuliers » de la recherche en littérature : cherche-t-on un ouvrage sur les écopoétiques des littératures contemporaines aux rayons écologistes ? une étude sur le conservatisme littéraire dans la section politique ? Cette condamnation ambiguë à l’à-côté, jusqu’à récemment, se reflétait dans les choix scientifiques opérés au sein des universités : où trouvait-on des cours, des recherches, abordant frontalement des sujets genrés ? Majoritairement dans des enseignements optionnels, des parcours spécialisés, des mémoires ou des thèses non financées, ou financées sur des sujets abordant les sujets queer de biais, à l’oblique. 

Ces recherches se trouvent aussi dans une certaine ambiguïté face aux catégories et axiologies : parce que les études sur les sexualités et les identités de genre naissent d’une assignation première, qu’elles cherchent précisément à discuter et à réorienter, mais qu’elles doivent commencer par assumer pour pouvoir s’énoncer. Les personnes situées socialement, sexuellement, politiquement, comme « lesbiennes », « gay », « trans » – et autres, « queer » en général –, n’ont pas toujours intérêt à être identifiées comme telles en littérature. Car la catégorie n’est jamais simplement descriptive : elle agit. Elle oriente les lectures, les critiques, elle spécialise : positivement, en contribuant à construire les fiertés, à énoncer des enjeux singuliers, à affirmer des histoires et cultures vivantes et immenses ; mais aussi négativement, en marginalisant, en minorant – ce qui se spécialise n’intéresse souvent que les spécialistes ou aspirant·es spécialistes –, oblitérant tout ce qui, dans une œuvre, ne dépend pas de cette catégorie, qui devient l’arbre qui cache la forêt. En même temps, l’histoire littéraire est faite de catégories perpétuellement discutées et repositionnées : l’originalité des questions queer tient à leur manière spécifique de problématiser ces enjeux. Une réflexion critique sur la catégorie elle-même ne peut guère non plus se débarrasser des enjeux politiques qui la fondent au départ : les positions de surplomb échouent et de tels sujets invitent davantage, chaque fois, à interroger les postures de recherche adoptées, leur articulation à différents plans éthiques, politiques, épistémologiques, scientifiques ; ces sujets se défilent dès lors que chercheurs et chercheuses essaient d’esquiver les conséquences de leur propre engagement.

Peu à peu, et sans doute de plus en plus vite actuellement, ces situations changent, les corpus critiques prennent de l’ampleur en dépit des résistances, les enjeux de toutes ces questions se réarticulent.

« La littérature à l’oblique », séminaire d’études littéraires internationales organisé au sein de Philomel, groupe d’études sur le genre de Sorbonne Université, vise à prendre à bras-le-corps ces questions. Elles touchent à la fois à l’élaboration de nouvelles théories de la littérature, à la mise au jour de textes méconnus et à l’analyse des raisons de cette méconnaissance, à la nécessaire réflexivité méthodologique et épistémologique des recherches menées sur les rapports entre littératures et sexualités, entre littératures et identités de genre. 

L’affirmation de la pertinence de telles entreprises de recherche est un point de départ, qu’il ne s’agit plus de prouver : il s’agit plutôt d’ouvrir un espace de discussion scientifique qui, choisissant de se dégager de la nécessité de répondre aux dénis et résistances qui se jouent à l’extérieur, permette d’approfondir pour de bon les enjeux critiques réellement soulevés par ces questions.

En 2023, le séminaire est fondé et organisé par Manon Berthier, Camille Islert, membres du laboratoire Lettres, Idées, Savoir (LIS) de l’Université Paris-Est Créteil, et Daria Kriazhova, Lorenzo Ruzzene, Aurore Turbiau, membres du Centre de Recherche en Littérature Comparée (CRLC) et de l’Initiative Genre Philomel de Sorbonne Université. Contact : lalitteraturealoblique@gmail.comPour lancer le séminaire, nous choisissons de prioriser l’organisation de séances portant sur les littératures lesbiennes – catégorie qui doit être discutée, interrogée. 

Donner une dimension internationale à ce séminaire est une priorité. Or, sur de tels sujets où les travaux restent relativement rares, il n’est pas toujours aisé de trouver des intervenant·es : le sujet des littératures homosexuelles et queer en général est, dans de nombreux pays, non seulement minorisé, mais parfois inexistant, voire prohibé. Aussi, nous appelons à nous joindre les personnes qui souhaiteraient intervenir ou qui auraient des propositions de contacts à nous donner, pour mieux faire connaître l’état des littératures et recherches queer de différents pays ou contextes culturels.

Les deux premières séances du séminaire auront lieu à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université, 1 rue Victor Cousin, en salle D664. Un lien pour suivre la séance en ligne sera également proposé. Toutes les informations, ainsi que les lectures conseillées par les intervenant·es en amont des séances, seront publiées à l’avance sur le lien suivant : https://philomel.hypotheses.org/la-litterature-a-loblique

La première séance aura lieu le 12 avril 2023 de 17h à 19h et portera principalement sur l’aire géographique et culturelle italienne. Laura Maver (Sorbonne Université) interviendra au sujet de la traduction comme pratique queer et interrogera sa place périphérique dans la production des savoirs. Jessy Simonini (Universités d’Udine et de Trieste) proposera une recherche sur et de la littérature lesbienne en Italie dans les années 1970 et 1980. Inscriptions au lien suivant : https://framaforms.org/inscription-seminaire-la-litterature-a-loblique-12-avril-1680772068

La deuxième séance aura lieu le 31 mai 2023 de 17h30 à 19h30 et proposera des échanges entre l’Amérique Latine, le Québec et l’Europe. Thérèse Courau (Université Toulouse II Jean Jaurès) interviendra sur la littérature lesbienne et les circulations sexo-dissidentes entre l’Europe et l’Amérique latine. Ariane Gibeau (Université Laval) posera la question de l’émergence d’une littérature lesbienne au Québec entre 1945 et 1965. Inscriptions au lien suivant : https://framaforms.org/inscription-seminaire-la-litterature-a-loblique-31-mai-1680772336

Les interventions seront suivies d’un échange avec le public.

 

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