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La reprise en main du Conseil des sages de la laïcité « scandalise » une partie de la droite sénatoriale

La reprise en main du Conseil des sages de la laïcité « scandalise » une partie de la droite sénatoriale

Collectif

Tribune des observateurs

Read More  Le 20 mai 2022, Pap Ndiaye était à peine nommé rue de Varenne qu’une partie de la droite sénatoriale s’alarmait de sa perception de la laïcité, soupçonnée d’être trop accommodante. Les élus avaient gardé en tête les positions passées de l’historien en rupture avec celle de son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer. Pap Ndiaye avait rejeté les concepts de « wokisme » ou d’islamo-gauchisme », « un épouvantail plus qu’une réalité sociale ou idéologique » pour le premier, « une manière de stigmatiser des courants de recherche », pour le second. « Ces changements au sein du Conseil des sages de la laïcité sont la confirmation de ce qu’on pouvait craindre » Auditionné par la commission de l’Education et de la culture de la Haute assemblée quelques semaines après sa nomination, le jeune ministre avait alors tenté de rassurer les élus de la chambre haute en rappelant être « un citoyen laïc et républicain ». « Je n’ai pas fait partie de ceux qui lui ont fait un procès a priori par rapport à ses travaux universitaires. Mais ces changements au sein du Conseil des sages de la laïcité sont la confirmation de ce qu’on pouvait craindre », indique le sénateur LR Max Brisson, auteur d’une proposition de loi sur l’expérimentation de l’autonomie des établissements scolaires. « Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de haine et de discriminations » Le 14 avril dernier, le ministre de l’Education nationale a procédé à une nouvelle installation du Conseil des sages de la laïcité mis en place par Jean-Michel Blanquer en 2018 dont la mission est à l’origine « de diffuser ce qu’est la laïcité du point de vue intellectuel et les conséquences pratiques dans la gestion des établissements de ces principes », comme l’expliquait sa présidente, la sociologue Dominique Schnapper devant le Sénat. Pap Ndiaye a élargi son périmètre « à tout ce qui renforce l’adhésion des élèves aux valeurs de la République : la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et toutes les formes de haine et de discriminations, l’égalité femme-homme, la promotion du principe de fraternité à l’école », peut-on lire le Bulletin officiel de l’Education. Le Conseil qui pouvait jusqu’à présent s’autosaisir pour apporter des réponses aux chefs d’établissement, n’agira désormais que sur la saisine du ministre. Pap Ndiaye a également nommé de nouvelles personnalités au sein du Conseil : Gwénaële Calvès, professeure de droit public à l’université de Cergy-Pontoise, Christine Darnault, inspectrice d’académie, directrice de cabinet adjointe du recteur de Créteil, Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah, Thomas Hochmann, professeur de droit public à l’université de Paris-Nanterre, et enfin Alain Policar, sociologue et politiste, chercheur associé au Cevipof. Ce dernier nom, en particulier, suscite une levée de boucliers. Dans une tribune publiée dans Le Point, intitulée « N’assassinons pas la laïcité ! », la sœur de Samuel Paty fustige la nomination d’Alain Policar, « connu pour son hostilité à ce qu’il appelle la laïcité répressive, ou de combat ». « C’est assez désolant pour moi qui suis un laïc convaincu », réagit Alain Policar à publicsenat.fr. Le sociologue explique s’orienter vers la pensée universaliste, tout en s’éloignant « des traductions qu’elle a pu recevoir, tout particulièrement comme justification de l’entreprise coloniale ». « L’universalisme, comme indifférence à la couleur ou aux religions, c’est un bon principe mais dans un monde idéal », souligne le chercheur qui confirme vouloir « favoriser les valeurs de pluralisme ». « C’est un wokiste qui ne comprend rien à ce qu’il se passe dans les établissements » Sur Twitter, le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau évoque « les lâchetés de Pap Ndiaye qui « baisse la garde sur la laïcité en dénaturant le conseil des sages de la laïcité ». La sénatrice LR, Jacqueline Eustache Brinio, qui fut rapporteure du projet de loi séparatisme, est moins mesurée dans ses critiques à l’égard de la ligne que semble vouloir adopter par le ministre. « Je suis scandalisée. Je n’ai aucune confiance en ce ministre. C’est un wokiste qui ne comprend rien à ce qu’il se passe dans les établissements. La laïcité ne s’adjective pas. Il remet en cause le principe même du Conseil des sages de la laïcité en y mettant des gens qui n’ont rien à y faire ». « Il ne fait que reprendre en main une instance crée par Jean-Michel Blanquer », relativise le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias, auteur d’une proposition de loi visant à favoriser la mixité sociale à l’école et notamment dans les établissements privés. L’élu dénonce « l’hypocrisie » du gouvernement sur la laïcité dans les établissements scolaires. « Depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron n’a fait que mettre en concurrence le public et le privé et celui qui gagne c’est le privé et il n’est pas laïc. La droite sénatoriale et le gouvernement revendiquent la laïcité dans les établissements publics et acceptent certaines dérives dans les établissements privés. C’est assez hypocrite ». En novembre dernier, le ministère faisait état de 353 signalements d’atteinte au principe de laïcité recensés, contre 720 en octobre et 313 en septembre. « Je suis surpris que le ministre se contente de recenser les atteintes à la laïcité sans donner des directives claires aux directeurs d’établissements. On ne peut pas transiger avec la loi. La laïcité est un principe constitutionnel. L’école publique s’est construite par une laïcité de combat face au catholicisme, à la fin du XIXe siècle. Ce doit être la même chose face à l’islam politique », appuie Max Brisson. « Tolérer le port d’un foulard ne veut pas dire l’approuver » Faut-il voir dans l’élargissement des missions du Conseil des sages de la laïcité, un affaiblissement de l’application de la loi de 2004 qui interdit le port des signes religieux ostentatoires dans les établissements scolaires ? « Je ne pense pas », répond Alain Policar. « Mais il faut s’intéresser à la situation des personnes qui sont tentées par une affiliation religieuse quelconque. La dimension émancipatrice de la laïcité qui consiste à imposer la lumière, n’est pas ce que je défends. Je défends la notion de tolérance qui ne relève pas exclusivement de la tradition philosophico-politique anglo-saxonne. Tolérer le port d’un foulard ne veut pas dire l’approuver. De même, on ne peut nier les différences basées sur la couleur de peau puisque les personnes racistes les prennent en considération. Les comportements des individus se cristallisent dans les institutions et de là nait un racisme structurel. Les personnes racisées peuvent ensuite s’enferrer dans une identité par un retournement du stigmate ». Max Brisson ne veut pas s’appuyer sur l’opinion d’un seul membre du Conseil des sages de la laïcité pour préjuger de la nouvelle feuille de route du ministre. « Mais si Pap Ndiaye s’enferre dans le relativisme, il aura la majorité sénatoriale face à lui », prévient-il. 

Le 20 mai 2022, Pap Ndiaye était à peine nommé rue de Varenne qu’une partie de la droite sénatoriale s’alarmait de sa perception de la laïcité, soupçonnée d’être trop accommodante. Les élus avaient gardé en tête les positions passées de l’historien en rupture avec celle de son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer. Pap Ndiaye avait rejeté les concepts de « wokisme » ou d’islamo-gauchisme », « un épouvantail plus qu’une réalité sociale ou idéologique » pour le premier, « une manière de stigmatiser des courants de recherche », pour le second.

« Ces changements au sein du Conseil des sages de la laïcité sont la confirmation de ce qu’on pouvait craindre »

Auditionné par la commission de l’Education et de la culture de la Haute assemblée quelques semaines après sa nomination, le jeune ministre avait alors tenté de rassurer les élus de la chambre haute en rappelant être « un citoyen laïc et républicain ».

« Je n’ai pas fait partie de ceux qui lui ont fait un procès a priori par rapport à ses travaux universitaires. Mais ces changements au sein du Conseil des sages de la laïcité sont la confirmation de ce qu’on pouvait craindre », indique le sénateur LR Max Brisson, auteur d’une proposition de loi sur l’expérimentation de l’autonomie des établissements scolaires.

« Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de haine et de discriminations »

Le 14 avril dernier, le ministre de l’Education nationale a procédé à une nouvelle installation du Conseil des sages de la laïcité mis en place par Jean-Michel Blanquer en 2018 dont la mission est à l’origine « de diffuser ce qu’est la laïcité du point de vue intellectuel et les conséquences pratiques dans la gestion des établissements de ces principes », comme l’expliquait sa présidente, la sociologue Dominique Schnapper devant le Sénat.

Pap Ndiaye a élargi son périmètre « à tout ce qui renforce l’adhésion des élèves aux valeurs de la République : la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et toutes les formes de haine et de discriminations, l’égalité femme-homme, la promotion du principe de fraternité à l’école », peut-on lire le Bulletin officiel de l’Education.

Le Conseil qui pouvait jusqu’à présent s’autosaisir pour apporter des réponses aux chefs d’établissement, n’agira désormais que sur la saisine du ministre. Pap Ndiaye a également nommé de nouvelles personnalités au sein du Conseil : Gwénaële Calvès, professeure de droit public à l’université de Cergy-Pontoise, Christine Darnault, inspectrice d’académie, directrice de cabinet adjointe du recteur de Créteil, Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah, Thomas Hochmann, professeur de droit public à l’université de Paris-Nanterre, et enfin Alain Policar, sociologue et politiste, chercheur associé au Cevipof.

Ce dernier nom, en particulier, suscite une levée de boucliers. Dans une tribune publiée dans Le Point, intitulée « N’assassinons pas la laïcité ! », la sœur de Samuel Paty fustige la nomination d’Alain Policar, « connu pour son hostilité à ce qu’il appelle la laïcité répressive, ou de combat ».

« C’est assez désolant pour moi qui suis un laïc convaincu », réagit Alain Policar à publicsenat.fr. Le sociologue explique s’orienter vers la pensée universaliste, tout en s’éloignant « des traductions qu’elle a pu recevoir, tout particulièrement comme justification de l’entreprise coloniale ». « L’universalisme, comme indifférence à la couleur ou aux religions, c’est un bon principe mais dans un monde idéal », souligne le chercheur qui confirme vouloir « favoriser les valeurs de pluralisme ».

« C’est un wokiste qui ne comprend rien à ce qu’il se passe dans les établissements »

Sur Twitter, le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau évoque « les lâchetés de Pap Ndiaye qui « baisse la garde sur la laïcité en dénaturant le conseil des sages de la laïcité ».

La sénatrice LR, Jacqueline Eustache Brinio, qui fut rapporteure du projet de loi séparatisme, est moins mesurée dans ses critiques à l’égard de la ligne que semble vouloir adopter par le ministre. « Je suis scandalisée. Je n’ai aucune confiance en ce ministre. C’est un wokiste qui ne comprend rien à ce qu’il se passe dans les établissements. La laïcité ne s’adjective pas. Il remet en cause le principe même du Conseil des sages de la laïcité en y mettant des gens qui n’ont rien à y faire ».

« Il ne fait que reprendre en main une instance crée par Jean-Michel Blanquer », relativise le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias, auteur d’une proposition de loi visant à favoriser la mixité sociale à l’école et notamment dans les établissements privés. L’élu dénonce « l’hypocrisie » du gouvernement sur la laïcité dans les établissements scolaires. « Depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron n’a fait que mettre en concurrence le public et le privé et celui qui gagne c’est le privé et il n’est pas laïc. La droite sénatoriale et le gouvernement revendiquent la laïcité dans les établissements publics et acceptent certaines dérives dans les établissements privés. C’est assez hypocrite ».

En novembre dernier, le ministère faisait état de 353 signalements d’atteinte au principe de laïcité recensés, contre 720 en octobre et 313 en septembre. « Je suis surpris que le ministre se contente de recenser les atteintes à la laïcité sans donner des directives claires aux directeurs d’établissements. On ne peut pas transiger avec la loi. La laïcité est un principe constitutionnel. L’école publique s’est construite par une laïcité de combat face au catholicisme, à la fin du XIXe siècle. Ce doit être la même chose face à l’islam politique », appuie Max Brisson.

« Tolérer le port d’un foulard ne veut pas dire l’approuver »

Faut-il voir dans l’élargissement des missions du Conseil des sages de la laïcité, un affaiblissement de l’application de la loi de 2004 qui interdit le port des signes religieux ostentatoires dans les établissements scolaires ? « Je ne pense pas », répond Alain Policar. « Mais il faut s’intéresser à la situation des personnes qui sont tentées par une affiliation religieuse quelconque. La dimension émancipatrice de la laïcité qui consiste à imposer la lumière, n’est pas ce que je défends. Je défends la notion de tolérance qui ne relève pas exclusivement de la tradition philosophico-politique anglo-saxonne. Tolérer le port d’un foulard ne veut pas dire l’approuver. De même, on ne peut nier les différences basées sur la couleur de peau puisque les personnes racistes les prennent en considération. Les comportements des individus se cristallisent dans les institutions et de là nait un racisme structurel. Les personnes racisées peuvent ensuite s’enferrer dans une identité par un retournement du stigmate ».

Max Brisson ne veut pas s’appuyer sur l’opinion d’un seul membre du Conseil des sages de la laïcité pour préjuger de la nouvelle feuille de route du ministre. « Mais si Pap Ndiaye s’enferre dans le relativisme, il aura la majorité sénatoriale face à lui », prévient-il.

 

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