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L’afroféminisme, expliqué par Kiyémis

L’afroféminisme, expliqué par Kiyémis

Collectif

Tribune des observateurs

Read More  Zoom sur un concept qui est aussi une lutte : l’afroféminisme. Une notion qui a le mérite de sensibiliser au fait qu’être une femme, déjà, c’est n’est pas simple, mais être une femme noire en France, même en 2023, ça reste plus compliqué encore. Dans cette émission, il est question d’intersectionnalité et de discriminations.
L’afroféminisme est-il devenu nécessaire dans une société où le féminisme blanc oublie trop souvent d’inclure les femmes noires ?
Pour nous éclairer sur cette notion, l’invitée est Kiyémis, autrice, poétesse, conférencière. Elle travaille essentiellement autour des questions de l’amour de soi, du body positive, et de la place des afro-descendantes en Europe. Elle a publié en 2008 un recueil de poésie, À nos humanités révoltées, aux éditions Métagraphes et à l’automne dernier, Je suis ton pire cauchemar, chez Albin Michel*.*
D’où vient l’afro-féminisme ?Dans les années 1950, aux États-Unis, cela commence par des rassemblements de femmes afro-américaines qui protestent contre les discriminations qu’elles subissent en raison de leur race ou de leur sexe. En 1969, la militante féministe noire Mary Ann Weathers écrit An Argument For Black Women’s Liberation As a Revolutionary Force. Ce texte devient un texte fondateur de l’afroféminisme.
Dans les années 1970, c’est au tour d’Angela Davis de s’imposer comme une figure du militantisme américain. Dans l’autobiographie qu’elle publie en 1975, elle raconte notamment les nombreuses fois où elle fut victime de sexisme et de racisme. La Black Panther sera une des premières femmes à soulever la question de l’intersectionnalité. Elle souligne un fait essentiel : les questions d’émancipation des femmes ne sont pas les mêmes pour les Noires et les Blanches.
En 1970, la Third World Women’s Alliance (l’Alliance des Femmes du Tiers-Monde) dénonce les discriminations particulières qui existent à l’encontre des femmes noires, à travers le Black Women’s Manifesto. Ce texte est un des premiers à dénoncer l’oppression sexiste et raciale envers les femmes noires et à élaborer les bases de ce qui allait devenir l’intersectionnalité. On peut y lire cet extrait, provenant du média Madmoizelle : « La femme noire demande une nouvelle gamme de définitions de la femme. Elle demande à être reconnue comme une citoyenne, une compagne, une confidente et non comme une vilaine matriarche ou une auxiliaire pour fabriquer des bébés. »
Pour Kiyémis, l’afroféminisme n’est pas une réponse ou une sous-branche du féminisme, mais vraiment un mouvement à part entière, avec sa vitalité, avec sa force, avec sa puissance. Cette volonté d’émancipation remonte d’ailleurs bien avant le XXᵉ siècle.
Afroféminisme, on en est où ?Notre société est le fruit d’une histoire sexiste et raciste, comme le dit l’invitée : « Comment lutter contre des centaines d’années d’imagerie raciste colonialiste ? Parce qu’il fallait bien justifier l’asservissement des Noirs par un discours et  une forme d’imaginaire. Sans le déconstruire, sans affronter ce passé et sans affronter cette histoire, c’est très compliqué. Les mouvements antiracistes essayent de déraciner ces grands baobabs ou ces grands chênes internes, mais non sans mal. »
Il y a encore beaucoup de travail, comme l’explique Kiyémis : « On a encore beaucoup de travail à faire, du point de vue des discriminations, de la représentation. Il y a une surreprésentation des populations racisées, notamment des femmes, dans les classes les plus pauvres, les plus précaires. Donc, il y a encore beaucoup de chemin, beaucoup de travail et on a besoin de beaucoup de colère et de joie. »
Pour elle, il ne faudrait pas opposer un féminisme universaliste versus un féminisme communautariste : « Je me révolte parce que je pense que nous incarnons l’universalisme, l’universalisme réel, celui qui est ancré dans la réalité, et non pas cette espèce d’idée qu’il faudrait gommer toutes les différences, comme si on n’était pas tous différents et que gommer les différences de manière absolue, cela suffirait pour changer le monde. C’est faux. »
Point lexique : afroféminisme, intersectionnalité et misogynoirQuelle est la différence entre intersectionnalité et afroféminisme ? Kiyémis explique : « L’intersectionnalité, c’est une grille de lecture, une grille d’analyse qui a été conçue par Kimberlé Crenshaw dans Cartographie des marges dans les années 1990, mais qui s’inscrit évidemment dans une histoire plus longue, intellectuelle et politique, des mouvements d’émancipation menés par et pour les femmes noires. Évidemment, c’est une théorie qui inspire et qui alimente l’afroféminisme, qui est l’action ou la dénonciation, alors que l’intersectionnalité, c’est vraiment une grille d’analyse, qui pose un constat. »
Qu’est-ce que la misogynoir ? « C’est un mot qui a été conçu par Moya Bailey, une intellectuelle et sociologue afro américaine, et qui décrit les processus spécifiques de sexisme qui touchent particulièrement les femmes noires. » Kiyémis donne un exemple de discrimination spécifique qui touche les femmes noires : « Sur la question des discriminations médicales. On voit que par exemple aux États-Unis, à cause du sexisme, du racisme, et de la pauvreté aussi, il faut le dire, les femmes noires meurent plus en couche que les femmes blanches. »
🎧 Pour en savoir plus, écoutez l’émission… 

Zoom sur un concept qui est aussi une lutte : l’afroféminisme. Une notion qui a le mérite de sensibiliser au fait qu’être une femme, déjà, c’est n’est pas simple, mais être une femme noire en France, même en 2023, ça reste plus compliqué encore. Dans cette émission, il est question d’intersectionnalité et de discriminations.

L’afroféminisme est-il devenu nécessaire dans une société où le féminisme blanc oublie trop souvent d’inclure les femmes noires ?

Pour nous éclairer sur cette notion, l’invitée est Kiyémis, autrice, poétesse, conférencière. Elle travaille essentiellement autour des questions de l’amour de soi, du body positive, et de la place des afro-descendantes en Europe. Elle a publié en 2008 un recueil de poésie, À nos humanités révoltées, aux éditions Métagraphes et à l’automne dernier, Je suis ton pire cauchemar, chez Albin Michel*.*

D’où vient l’afro-féminisme ?

Dans les années 1950, aux États-Unis, cela commence par des rassemblements de femmes afro-américaines qui protestent contre les discriminations qu’elles subissent en raison de leur race ou de leur sexe. En 1969, la militante féministe noire Mary Ann Weathers écrit An Argument For Black Women’s Liberation As a Revolutionary Force. Ce texte devient un texte fondateur de l’afroféminisme.

Dans les années 1970, c’est au tour d’Angela Davis de s’imposer comme une figure du militantisme américain. Dans l’autobiographie qu’elle publie en 1975, elle raconte notamment les nombreuses fois où elle fut victime de sexisme et de racisme. La Black Panther sera une des premières femmes à soulever la question de l’intersectionnalité. Elle souligne un fait essentiel : les questions d’émancipation des femmes ne sont pas les mêmes pour les Noires et les Blanches.

En 1970, la Third World Women’s Alliance (l’Alliance des Femmes du Tiers-Monde) dénonce les discriminations particulières qui existent à l’encontre des femmes noires, à travers le Black Women’s Manifesto. Ce texte est un des premiers à dénoncer l’oppression sexiste et raciale envers les femmes noires et à élaborer les bases de ce qui allait devenir l’intersectionnalité. On peut y lire cet extrait, provenant du média Madmoizelle : « La femme noire demande une nouvelle gamme de définitions de la femme. Elle demande à être reconnue comme une citoyenne, une compagne, une confidente et non comme une vilaine matriarche ou une auxiliaire pour fabriquer des bébés. »

Pour Kiyémis, l’afroféminisme n’est pas une réponse ou une sous-branche du féminisme, mais vraiment un mouvement à part entière, avec sa vitalité, avec sa force, avec sa puissance. Cette volonté d’émancipation remonte d’ailleurs bien avant le XXᵉ siècle.

Afroféminisme, on en est où ?

Notre société est le fruit d’une histoire sexiste et raciste, comme le dit l’invitée : « Comment lutter contre des centaines d’années d’imagerie raciste colonialiste ? Parce qu’il fallait bien justifier l’asservissement des Noirs par un discours et  une forme d’imaginaire. Sans le déconstruire, sans affronter ce passé et sans affronter cette histoire, c’est très compliqué. Les mouvements antiracistes essayent de déraciner ces grands baobabs ou ces grands chênes internes, mais non sans mal. »

Il y a encore beaucoup de travail, comme l’explique Kiyémis : « On a encore beaucoup de travail à faire, du point de vue des discriminations, de la représentation. Il y a une surreprésentation des populations racisées, notamment des femmes, dans les classes les plus pauvres, les plus précaires. Donc, il y a encore beaucoup de chemin, beaucoup de travail et on a besoin de beaucoup de colère et de joie. »

Pour elle, il ne faudrait pas opposer un féminisme universaliste versus un féminisme communautariste : « Je me révolte parce que je pense que nous incarnons l’universalisme, l’universalisme réel, celui qui est ancré dans la réalité, et non pas cette espèce d’idée qu’il faudrait gommer toutes les différences, comme si on n’était pas tous différents et que gommer les différences de manière absolue, cela suffirait pour changer le monde. C’est faux. »

Point lexique : afroféminisme, intersectionnalité et misogynoir

Quelle est la différence entre intersectionnalité et afroféminisme ? Kiyémis explique : « L’intersectionnalité, c’est une grille de lecture, une grille d’analyse qui a été conçue par Kimberlé Crenshaw dans Cartographie des marges dans les années 1990, mais qui s’inscrit évidemment dans une histoire plus longue, intellectuelle et politique, des mouvements d’émancipation menés par et pour les femmes noires. Évidemment, c’est une théorie qui inspire et qui alimente l’afroféminisme, qui est l’action ou la dénonciation, alors que l’intersectionnalité, c’est vraiment une grille d’analyse, qui pose un constat. »

Qu’est-ce que la misogynoir ? « C’est un mot qui a été conçu par Moya Bailey, une intellectuelle et sociologue afro américaine, et qui décrit les processus spécifiques de sexisme qui touchent particulièrement les femmes noires. » Kiyémis donne un exemple de discrimination spécifique qui touche les femmes noires : « Sur la question des discriminations médicales. On voit que par exemple aux États-Unis, à cause du sexisme, du racisme, et de la pauvreté aussi, il faut le dire, les femmes noires meurent plus en couche que les femmes blanches. »

🎧 Pour en savoir plus, écoutez l’émission…

 

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