La décision prise par le Ministre de l’Éducation nationale de ranger l’abaya au magasin des « signes religieux ostensibles » est une réponse à l’armée des prédicateurs islamistes auto-proclamés, qui expliquaient aux jeunes filles musulmanes sur Tik Tok comment obéir à Allah en détournant la loi scolaire de 2004. Il est hypocrite dans ces conditions de soutenir qu’il ne s’agit pas d’un vêtement religieux.
La polémique et les réactions politiques violentes qui n’ont pas manqué de surgir, et qui vont à nouveau faire condamner la France à l’ONU pour discrimination – ce qui va finir par devenir une marque de reconnaissance – ciblent la prétendue obsession antimusulmane des autorités françaises. Les islamistes et leurs clients ont en effet quasiment réussi en France et en Europe à monopoliser l’expression publique de l’islam et de ses croyants. Ainsi donc, le gouvernement français et les Français qui le soutiennent à 82% sur ce point, seraient antimusulmans en s’en prenant à un vêtement qui n’a rien à voir avec l’islam.
Un point aveugle de cette polémique opposant « laïcs » et « islamistes » doit pourtant être rappelé sans relâche : le sort des femmes -et des jeunes femmes en particulier- que leur réservent les islamistes. Il est stupéfiant que la querelle laïque occulte la question du voilement et de ses finalités, comme si elle ne concernait que l’affichage islamique et le marquage des territoires. Car derrière le voilement, l’intentionnalité est autre : soustraire une partie des jeunes Françaises -ou des jeunes étrangères vivant en France- au libre marché des relations entre les individus, les sexes et les groupes.
Le voilement (sous la forme du voile, de l’abaya ou autre) est un recouvrement du corps des femmes qui vise non seulement à masquer leur corps, objet de convoitises, mais surtout à réserver ces mêmes femmes aux hommes qui ont sont en quelque sorte les « propriétaires » naturels, les musulmans de solide conviction islamique. Il s’agit par le voilement, de mettre à l’écart de la société -jugée permissive et corruptrice- le groupe de jeunes filles musulmanes pieuses, ainsi réservées à leurs futurs maris, dans l’attente de leur mariage virginal, de la procréation qui leur est assignée, et d’une éventuelle claustration, idéal du parcours salafiste pour les épouses- même si les Frères musulmans n’hésitent pas à recourir aux sœurs les plus aguerries dans l’espace ou le débat publics. Cela permet d’avaliser la thèse du « féminisme islamique ».
L’affichage islamiste par les vêtements vise donc à soustraire, dès l’annonce de leur puberté, les femmes musulmanes au marché des interactions sociales, de la séduction et au marché matrimonial. La jeune fille voilée est supposée respectée par ses coreligionnaires, et sera défendue contre toute tentative d’approche ou de séduction extérieure au groupe. A l’inverse, les femmes non voilées sont des objets de convoitise pour tous les hommes, y compris les plus pieux des Frères, attirés par tant d’impudeur, sans désespérer de convertir les plus extraverties (comme la rappeuse Diam’s). Devant cet archaïsme qui nous ramène aux récits mythologiques de l’Antiquité, tout ce que compte la France de féministes (archéo ou néo) devrait se lever comme une seule femme. Contre toute attente, la protestation devant l’indicible est paralysante, et c’est le prétendu « libre choix vestimentaire » des petites jeunes filles qui retient l’attention des passionarias de l’indifférenciation sexuelle.
Prétendre que l’abaya n’est pas un marqueur religieux tout en fustigeant la « haine anti-musulman » de ses opposants, prétendre défendre la liberté des femmes tout en soutenant les manœuvres de ceux qui tentent d’effacer des générations de luttes pour leurs droits : par naïveté ou par clientélisme, les idéologues d’un progressisme dévoyé n’en sont décidément pas à une contradiction près !