Read More Mairesse, autrice, directrice : la féminisation des titres est entrée dans l’usage depuis des années au Québec. Devant les demandes répétées pour une écriture encore plus inclusive, certains médias optent aujourd’hui pour des mots épicènes, des formulations tronquées ou des doublets afin de remplacer le langage genré. D’autres préfèrent jouer de prudence et prendre un temps de réflexion avant de ponctuer leurs articles de « iel » et de points médians. « Journée historique pour Québec Science : avec son numéro d’octobre-novembre, le magazine passe à l’écriture inclusive ! » Le 6 octobre dernier, la rédactrice en chef du magazine scientifique, Mélissa Guillemette, a annoncé la nouvelle en grande pompe sur les réseaux sociaux. Québec Science allait désormais utiliser la forme épicène dans ses articles, soit des mots neutres représentant autant le genre féminin que masculin. Les doublets — la répétition d’un mot au féminin et au masculin — sont aussi une option, mais à utiliser avec « parcimonie ». En entrevue, Mme Guillemette assure que ce changement n’a rien d’un « coup de tête ». C’est une décision mûrement réfléchie et basée… sur la science. « C’est une vidéo de la vulgarisatrice scientifique Viviane Lalande qui a été le déclencheur. Elle montre, en s’appuyant sur la recherche scientifique, comment notre cerveau imagine des hommes quand on lui présente une phrase où le masculin l’emporte. C’est important qu’on imagine aussi des femmes en lisant nos articles », explique-t-elle. Mme Guillemette a passé des mois à lire des ouvrages sociolinguistiques et scientifiques sur la question avant de trancher avec son équipe. Québec Science est ainsi devenu l’un des premiers médias d’ici à se doter d’une politique d’écriture inclusive. Journalistes et lectorat ont par ailleurs bien accueilli ce changement. « La forme épicène, c’est une façon douce de l’introduire, ça devient vite un automatisme sans changer le français, souligne-t-elle. Est-ce que dans 10 ans, on sera rendu au point médian ? On verra. La langue française n’est pas figée. » De la formation L’écriture inclusive n’est pas obligatoire au journal Métro, mais elle est encouragée depuis décembre 2021. « On n’a pas de politique écrite, mais ça fait partie de la formation des nouveaux employés. On encourage l’écriture épicène le plus possible, mais souvent la forme tronquée avec un point est plus facile et acceptée », indique la directrice adjointe de l’information, Lili Boisvert. D’après elle, les journalistes ont rapidement pris le pli. Certains étaient même très enthousiastes à l’idée d’utiliser une écriture proche de leurs valeurs. « Le but, c’est de mieux représenter notre société, [de laisser tomber] les vieilles règles machistes et hétéronormatives », poursuit-elle. Dans la rapidité de l’information en continu, ça peut représenter un frein pour certains, reconnaît Mme Boisvert. Elle n’exclut pas pour autant de rendre cette politique obligatoire un jour. « Pas simple » À Radio-Canada, la réflexion sur l’utilisation de l’écriture inclusive n’a pas été si évidente. Le comité mis sur pied par le diffuseur public a mis plus d’un an pour proposer des « lignes directrices simples, claires et cohérentes , en vue d’une utilisation progressive et volontaire ». « Nos NPJ [Normes et pratiques journalistiques, NDLR] nous obligent, au nom de l’équité, à traiter les gens qui font l’objet de nos reportages avec ouverture et respect. Ces mêmes normes nous imposent le devoir, au nom de l’exactitude, de manier la langue française de façon claire et compréhensible pour tout le monde. Dans le cas de l’écriture inclusive, trouver une voie de passage n’est pas simple », a écrit la directrice générale de l’information, Luce Julien, dans une note adressée aux lecteurs la semaine dernière. Ainsi, l’écriture épicène est maintenant recommandée. Les formes tronquées sont à éviter pour ne pas alourdir la lecture. Les doublets sont à utiliser avec « modération ». L’utilisation du pronom « iel » est autorisé « si une personne non binaire en fait la demande ». Du côté des grands quotidiens, aucune politique à cet égard n’a pour le moment été adoptée. Mais les directives de Radio-Canada pourraient bien inspirer Le Devoir, qui réfléchit à la question. Le défi, selon sa rédactrice en chef, c’est de trouver ce parfait équilibre entre l’inclusion du plus grand nombre et le fait d’être compris par le plus grand nombre. « L’écriture épicène, c’est quelque chose qu’on va d’abord encourager et qu’on encourage déjà. Les doublets, c’est trop lourd, et avec les points, on n’atteint pas nécessairement notre objectif de compréhension », fait valoir Marie-Andrée Chouinard. À La Presse, l’éditeur adjoint, François Cardinal, explique que c’est aussi par souci de « compréhension et de conformité grammaticale » que l’écriture inclusive n’est pas employée, bien qu’il reconnaisse son « caractère louable ». Comme au Devoir, le quotidien compte quelques exceptions comme la féminisation des titres, le recours à des mots épicènes, et l’on évite l’utilisation des mots « il » et « elle » lorsqu’une personne le demande. Le rôle des médias ? Si les milieux politique, institutionnel ou encore littéraire ont déjà adopté depuis un moment ces formes plus poussées de l’écriture inclusive, les médias ne sont pas en retard pour autant, juge Nikita Kamblé-Bagal, doctorante à l’Université d’Ottawa, dont la thèse porte sur l’usage de l’écriture inclusive dans les médias québécois et français de 1990 à aujourd’hui. On encourage l’écriture épicène le plus possible, mais souvent la forme tronquée avec un pointest plus facile et acceptée
« Les médias d’ici ont toujours eu une longueur d’avance sur les médias français, quand il s’agit d’adapter notre langue à l’évolution de la société », souligne-t-elle. Il n’en reste pas moins que c’est en étendant son usage au grand public qu’on pourra rendre l’écriture inclusive pérenne. « Les médias ont beaucoup d’influence, plusieurs nouveaux mots sont entrés dans l’usage parce qu’ils ont d’abord été utilisés dans nos médias. Ils ont le pouvoir d’inciter la population à davantage utiliser l’écriture inclusive. »
Mairesse, autrice, directrice : la féminisation des titres est entrée dans l’usage depuis des années au Québec. Devant les demandes répétées pour une écriture encore plus inclusive, certains médias optent aujourd’hui pour des mots épicènes, des formulations tronquées ou des doublets afin de remplacer le langage genré. D’autres préfèrent jouer de prudence et prendre un temps de réflexion avant de ponctuer leurs articles de « iel » et de points médians.
« Journée historique pour Québec Science : avec son numéro d’octobre-novembre, le magazine passe à l’écriture inclusive ! » Le 6 octobre dernier, la rédactrice en chef du magazine scientifique, Mélissa Guillemette, a annoncé la nouvelle en grande pompe sur les réseaux sociaux. Québec Science allait désormais utiliser la forme épicène dans ses articles, soit des mots neutres représentant autant le genre féminin que masculin. Les doublets — la répétition d’un mot au féminin et au masculin — sont aussi une option, mais à utiliser avec « parcimonie ».
En entrevue, Mme Guillemette assure que ce changement n’a rien d’un « coup de tête ». C’est une décision mûrement réfléchie et basée… sur la science. « C’est une vidéo de la vulgarisatrice scientifique Viviane Lalande qui a été le déclencheur. Elle montre, en s’appuyant sur la recherche scientifique, comment notre cerveau imagine des hommes quand on lui présente une phrase où le masculin l’emporte. C’est important qu’on imagine aussi des femmes en lisant nos articles », explique-t-elle.
Mme Guillemette a passé des mois à lire des ouvrages sociolinguistiques et scientifiques sur la question avant de trancher avec son équipe. Québec Science est ainsi devenu l’un des premiers médias d’ici à se doter d’une politique d’écriture inclusive.
Journalistes et lectorat ont par ailleurs bien accueilli ce changement. « La forme épicène, c’est une façon douce de l’introduire, ça devient vite un automatisme sans changer le français, souligne-t-elle. Est-ce que dans 10 ans, on sera rendu au point médian ? On verra. La langue française n’est pas figée. »
De la formation
L’écriture inclusive n’est pas obligatoire au journal Métro, mais elle est encouragée depuis décembre 2021. « On n’a pas de politique écrite, mais ça fait partie de la formation des nouveaux employés. On encourage l’écriture épicène le plus possible, mais souvent la forme tronquée avec un point est plus facile et acceptée », indique la directrice adjointe de l’information, Lili Boisvert.
D’après elle, les journalistes ont rapidement pris le pli. Certains étaient même très enthousiastes à l’idée d’utiliser une écriture proche de leurs valeurs. « Le but, c’est de mieux représenter notre société, [de laisser tomber] les vieilles règles machistes et hétéronormatives », poursuit-elle.
Dans la rapidité de l’information en continu, ça peut représenter un frein pour certains, reconnaît Mme Boisvert. Elle n’exclut pas pour autant de rendre cette politique obligatoire un jour.
« Pas simple »
À Radio-Canada, la réflexion sur l’utilisation de l’écriture inclusive n’a pas été si évidente. Le comité mis sur pied par le diffuseur public a mis plus d’un an pour proposer des « lignes directrices simples, claires et cohérentes […], en vue d’une utilisation progressive et volontaire ».
« Nos NPJ [Normes et pratiques journalistiques, NDLR] nous obligent, au nom de l’équité, à traiter les gens qui font l’objet de nos reportages avec ouverture et respect. Ces mêmes normes nous imposent le devoir, au nom de l’exactitude, de manier la langue française de façon claire et compréhensible pour tout le monde. Dans le cas de l’écriture inclusive, trouver une voie de passage n’est pas simple », a écrit la directrice générale de l’information, Luce Julien, dans une note adressée aux lecteurs la semaine dernière.
Ainsi, l’écriture épicène est maintenant recommandée. Les formes tronquées sont à éviter pour ne pas alourdir la lecture. Les doublets sont à utiliser avec « modération ». L’utilisation du pronom « iel » est autorisé « si une personne non binaire en fait la demande ».
Du côté des grands quotidiens, aucune politique à cet égard n’a pour le moment été adoptée. Mais les directives de Radio-Canada pourraient bien inspirer Le Devoir, qui réfléchit à la question. Le défi, selon sa rédactrice en chef, c’est de trouver ce parfait équilibre entre l’inclusion du plus grand nombre et le fait d’être compris par le plus grand nombre. « L’écriture épicène, c’est quelque chose qu’on va d’abord encourager et qu’on encourage déjà. Les doublets, c’est trop lourd, et avec les points, on n’atteint pas nécessairement notre objectif de compréhension », fait valoir Marie-Andrée Chouinard.
À La Presse, l’éditeur adjoint, François Cardinal, explique que c’est aussi par souci de « compréhension et de conformité grammaticale » que l’écriture inclusive n’est pas employée, bien qu’il reconnaisse son « caractère louable ». Comme au Devoir, le quotidien compte quelques exceptions comme la féminisation des titres, le recours à des mots épicènes, et l’on évite l’utilisation des mots « il » et « elle » lorsqu’une personne le demande.
Le rôle des médias ?
Si les milieux politique, institutionnel ou encore littéraire ont déjà adopté depuis un moment ces formes plus poussées de l’écriture inclusive, les médias ne sont pas en retard pour autant, juge Nikita Kamblé-Bagal, doctorante à l’Université d’Ottawa, dont la thèse porte sur l’usage de l’écriture inclusive dans les médias québécois et français de 1990 à aujourd’hui.
On encourage l’écriture épicène le plus possible, mais souvent la forme tronquée avec un pointest plus facile et acceptée
« Les médias d’ici ont toujours eu une longueur d’avance sur les médias français, quand il s’agit d’adapter notre langue à l’évolution de la société », souligne-t-elle. Il n’en reste pas moins que c’est en étendant son usage au grand public qu’on pourra rendre l’écriture inclusive pérenne. « Les médias ont beaucoup d’influence, plusieurs nouveaux mots sont entrés dans l’usage parce qu’ils ont d’abord été utilisés dans nos médias. Ils ont le pouvoir d’inciter la population à davantage utiliser l’écriture inclusive. »
« Ce post est un relevé d’information de notre veille d’information »