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« Mur de la honte » à Sciences Po Lille : des étudiants anti-blocage ciblés

Collectif

Tribune des observateurs

Read More  Des barricades installées devant l’IEP de Lille pour protester contre la réforme des retraites, le 17 mars 2023.Sameer Al-DOUMY / AFPAprès Grenoble, Lille. Ce mardi 4 avril, Pierre Mathiot, le président de Sciences Po Lille a posté sur le compte Facebook de l’école un message incisif, au sujet d' »agissements inacceptables ». Il révèle que, dans la nuit de dimanche à lundi, les prénoms de onze élèves ont été tagués sur un bâtiment en travaux situé juste en face de l’école sous la mention « Mur de la honte ».Neuf d’entre eux étaient candidats sur la liste S’Engager lors des dernières élections étudiantes. « Ils ont en commun d’avoir émis dans la période récente des critiques publiques, ou sur des listes de diffusion, sur la manière dont le mouvement social était conduit dans notre école, contre le recours aux blocages surtout », poursuit Pierre Mathiot.Ces faits rappellent de façon troublante les tags disposés sur un mur de Sciences Po Grenoble, il y a deux ans. Le 4 mars 2021, les noms des professeurs Klaus Kinzler et Vincent Tournier s’étaient retrouvés placardés sur un mur devant l’établissement, accompagnés des mentions « fascistes » et « l’islamophobie tue ». La conclusion d’une période de conflit entre ces enseignants et l’Union syndicale, le syndicat majoritaire de l’IEP, scissionnaire de l’Unef. »Police de la pensée »A 700 kilomètres de là, les mêmes causes semblent avoir produit les mêmes effets. « Ces pratiques visent à imposer une police de la pensée, une vision unique du bien, de ce qu’il est possible de dire et interdit d’exprimer. Celles et ceux qui s’en écartent sont accusés sans nuance d’être des « fascistes » ou des « identitaires » », s’indigne Pierre Mathiot dans son communiqué. Les étudiants visés devraient très prochainement porter plainte contre X pour injures publiques, soutenus par la direction de l’école qui, « si cette plainte prospère », engagera « de son côté des poursuites disciplinaires. »Thomas* (qui préfère conserver l’anonymat de peur de voir son nom tagué à son tour), étudiant en quatrième année à Sciences Po Lille et ancien élu au Conseil d’administration, donne des clés sur le contexte autour de cette stigmatisation : « Des étudiants emmenés par le collectif IEP Mobilisé, plutôt classé à l’extrême gauche sur le spectre politique, bloquent ou tentent de bloquer l’école depuis près de trois semaines dans le cadre de la mobilisation contre les retraites » raconte-t-il. Lundi 27 mars, lors d’une assemblée générale, plusieurs étudiants se seraient manifestés contre la poursuite des opérations de blocage, dont les personnes qui ont vu leurs noms tagués sur le fameux mur. « En première et deuxième années, la crise du Covid nous avait déjà obligés à passer en distanciel, ce qui nous avait fait prendre pas mal de retard. Que des manifestations aient lieu au sein de l’IEP, on peut l’entendre. Mais à partir du moment où ça aggrave les conditions d’enseignement, là ça commence à énerver un peu tout le monde », poursuit Thomas, remonté contre une « minorité très dynamique qui impose sa façon de penser aux autres ».IEP Mobilisé proche de SolidairesApparue en 2018, la page Facebook du collectif IEP de Lille mobilisé laisse entrevoir une proximité avec le syndicat Solidaires, dont les positions ont été relayées à plusieurs reprises. Le collectif s’est notamment opposé à la venue dans l’école de l’eurodéputé François-Xavier Bellamy (Les Républicains), qualifié de « personnage homophobe et sexiste », comme il avait critiqué en 2020 l’invitation de Pierre Moscovici, une « figure du néo-libéralisme autoritaire ». IEP de Lille mobilisé n’a toutefois pas revendiqué l’opération du « mur de la honte ». Quelle est sa position sur cette action ? Contacté, le collectif n’avait pas encore répondu à L’Express au moment de la publication de cet article. Ces dernières semaines, ce groupement, fer de lance des blocages de l’établissement, s’en est pris à plusieurs reprises à Pierre Mathiot, coupable de s’être prononcé contre l’arrêt des cours au sein de l’IEP, tout comme la liste S’Engager.Alexandre Agache, fondateur de cette liste considérée comme de centre-droit par France 3, étudiant en deuxième année, explicite la position de son organisation : « Lors des blocages de ces dernières semaines, notre liste apartisane a simplement souhaité rappeler et prôner la liberté de toutes et tous. A savoir tant la liberté de manifester que celle d’accéder aux locaux pour que tout le monde puisse disposer d’un endroit calme et serein mais aussi d’une bonne connexion Internet, ce dont ne bénéficient pas toujours les étudiants les plus précaires », avance-t-il. L’étudiant ne fait pas partie de ceux qui ont vu leurs noms affichés. « Mais mes autres camarades concernés se retrouvent calomniés sur la place publique, injuriés et même cloués au pilori pour le simple fait d’avoir défendu la liberté de chacun et chacune. Donc ça les a particulièrement touchés et blessés à titre personnel », insiste Alexandre Agache. »Ce n’est pas normal de dénoncer des personnes »Avant de répondre à L’Express, Alexandre Limanton, inscrit en quatrième année de Sciences Po Lille, a lui pris soin de sonder ses camarades. « Autour de moi, tout le monde condamne globalement ces inscriptions. Si on a des désaccords, il faut en parler et en débattre. Ce n’est pas normal dans un fonctionnement démocratique de dénoncer des personnes, ce qui pourrait avoir des conséquences graves comme déboucher sur des violences », insiste-t-il. Pour autant, cet étudiant se dit, comme bien d’autres, farouchement opposé à la réforme des retraites. Même s’il ne fait pas lui-même partie du collectif IEP de Lille mobilisé, il estime nécessaire « d’établir un rapport de force avec le gouvernement » en passant, notamment, par le blocage de son établissement. « Une manifestation bloque l’ordre public, les grèves c’est pareil. Nous notre objectif n’est pas de ruiner les études des autres, sachant que les nôtres sont très affectées aussi. Le mieux serait de bloquer les jours de mobilisation nationale et, les autres jours, de faire des actions », avance-t-il.Quelles seront les suites du communiqué de Pierre Mathiot ? « Nous nous efforçons depuis plus de deux mois d’essayer de tenir ensemble des aspirations différentes voire contraires. Je vous remercie vraiment de nous aider à tenir cet objectif sauf à mettre durablement en péril ce qui nous fait avancer ensemble », conclut le président de Sciences Po Lille dans son communiqué. 

Des barricades installées devant l’IEP de Lille pour protester contre la réforme des retraites, le 17 mars 2023.

Sameer Al-DOUMY / AFP

Après Grenoble, Lille. Ce mardi 4 avril, Pierre Mathiot, le président de Sciences Po Lille a posté sur le compte Facebook de l’école un message incisif, au sujet d' »agissements inacceptables ». Il révèle que, dans la nuit de dimanche à lundi, les prénoms de onze élèves ont été tagués sur un bâtiment en travaux situé juste en face de l’école sous la mention « Mur de la honte ».

Neuf d’entre eux étaient candidats sur la liste S’Engager lors des dernières élections étudiantes. « Ils ont en commun d’avoir émis dans la période récente des critiques publiques, ou sur des listes de diffusion, sur la manière dont le mouvement social était conduit dans notre école, contre le recours aux blocages surtout », poursuit Pierre Mathiot.

Ces faits rappellent de façon troublante les tags disposés sur un mur de Sciences Po Grenoble, il y a deux ans. Le 4 mars 2021, les noms des professeurs Klaus Kinzler et Vincent Tournier s’étaient retrouvés placardés sur un mur devant l’établissement, accompagnés des mentions « fascistes » et « l’islamophobie tue ». La conclusion d’une période de conflit entre ces enseignants et l’Union syndicale, le syndicat majoritaire de l’IEP, scissionnaire de l’Unef.

« Police de la pensée »

A 700 kilomètres de là, les mêmes causes semblent avoir produit les mêmes effets. « Ces pratiques […] visent à imposer une police de la pensée, une vision unique du bien, de ce qu’il est possible de dire et interdit d’exprimer. Celles et ceux qui s’en écartent sont accusés sans nuance d’être des « fascistes » ou des « identitaires » », s’indigne Pierre Mathiot dans son communiqué. Les étudiants visés devraient très prochainement porter plainte contre X pour injures publiques, soutenus par la direction de l’école qui, « si cette plainte prospère », engagera « de son côté des poursuites disciplinaires. »

Thomas* (qui préfère conserver l’anonymat de peur de voir son nom tagué à son tour), étudiant en quatrième année à Sciences Po Lille et ancien élu au Conseil d’administration, donne des clés sur le contexte autour de cette stigmatisation : « Des étudiants emmenés par le collectif IEP Mobilisé, plutôt classé à l’extrême gauche sur le spectre politique, bloquent ou tentent de bloquer l’école depuis près de trois semaines dans le cadre de la mobilisation contre les retraites » raconte-t-il. Lundi 27 mars, lors d’une assemblée générale, plusieurs étudiants se seraient manifestés contre la poursuite des opérations de blocage, dont les personnes qui ont vu leurs noms tagués sur le fameux mur. « En première et deuxième années, la crise du Covid nous avait déjà obligés à passer en distanciel, ce qui nous avait fait prendre pas mal de retard. Que des manifestations aient lieu au sein de l’IEP, on peut l’entendre. Mais à partir du moment où ça aggrave les conditions d’enseignement, là ça commence à énerver un peu tout le monde », poursuit Thomas, remonté contre une « minorité très dynamique qui impose sa façon de penser aux autres ».

IEP Mobilisé proche de Solidaires

Apparue en 2018, la page Facebook du collectif IEP de Lille mobilisé laisse entrevoir une proximité avec le syndicat Solidaires, dont les positions ont été relayées à plusieurs reprises. Le collectif s’est notamment opposé à la venue dans l’école de l’eurodéputé François-Xavier Bellamy (Les Républicains), qualifié de « personnage homophobe et sexiste », comme il avait critiqué en 2020 l’invitation de Pierre Moscovici, une « figure du néo-libéralisme autoritaire ». IEP de Lille mobilisé n’a toutefois pas revendiqué l’opération du « mur de la honte ». Quelle est sa position sur cette action ? Contacté, le collectif n’avait pas encore répondu à L’Express au moment de la publication de cet article. Ces dernières semaines, ce groupement, fer de lance des blocages de l’établissement, s’en est pris à plusieurs reprises à Pierre Mathiot, coupable de s’être prononcé contre l’arrêt des cours au sein de l’IEP, tout comme la liste S’Engager.

Alexandre Agache, fondateur de cette liste considérée comme de centre-droit par France 3, étudiant en deuxième année, explicite la position de son organisation : « Lors des blocages de ces dernières semaines, notre liste apartisane a simplement souhaité rappeler et prôner la liberté de toutes et tous. A savoir tant la liberté de manifester que celle d’accéder aux locaux pour que tout le monde puisse disposer d’un endroit calme et serein mais aussi d’une bonne connexion Internet, ce dont ne bénéficient pas toujours les étudiants les plus précaires », avance-t-il. L’étudiant ne fait pas partie de ceux qui ont vu leurs noms affichés. « Mais mes autres camarades concernés se retrouvent calomniés sur la place publique, injuriés et même cloués au pilori pour le simple fait d’avoir défendu la liberté de chacun et chacune. Donc ça les a particulièrement touchés et blessés à titre personnel », insiste Alexandre Agache.

« Ce n’est pas normal de dénoncer des personnes »

Avant de répondre à L’Express, Alexandre Limanton, inscrit en quatrième année de Sciences Po Lille, a lui pris soin de sonder ses camarades. « Autour de moi, tout le monde condamne globalement ces inscriptions. Si on a des désaccords, il faut en parler et en débattre. Ce n’est pas normal dans un fonctionnement démocratique de dénoncer des personnes, ce qui pourrait avoir des conséquences graves comme déboucher sur des violences », insiste-t-il. Pour autant, cet étudiant se dit, comme bien d’autres, farouchement opposé à la réforme des retraites. Même s’il ne fait pas lui-même partie du collectif IEP de Lille mobilisé, il estime nécessaire « d’établir un rapport de force avec le gouvernement » en passant, notamment, par le blocage de son établissement. « Une manifestation bloque l’ordre public, les grèves c’est pareil. Nous notre objectif n’est pas de ruiner les études des autres, sachant que les nôtres sont très affectées aussi. Le mieux serait de bloquer les jours de mobilisation nationale et, les autres jours, de faire des actions », avance-t-il.

Quelles seront les suites du communiqué de Pierre Mathiot ? « Nous nous efforçons depuis plus de deux mois d’essayer de tenir ensemble des aspirations différentes voire contraires. Je vous remercie vraiment de nous aider à tenir cet objectif sauf à mettre durablement en péril ce qui nous fait avancer ensemble », conclut le président de Sciences Po Lille dans son communiqué.

 

« Ce post est un relevé d’information de notre veille d’information »

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