Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Note sur l’émission de France Culture organisée par Alain Finkielkraut, avec Edwy Plenel du 11 mars 2023.

Invité par Alain Finkielkraut à parler de son dernier livre, consacré comme il se doit à la vigilance face à l’extrême-droite, Edwy Plenel a rapidement été interrogé sur le concept d’islamophobie. On le sait, ce concept a été largement promu et développé par le site de Mediapart, et par Plenel lui-même, au point de faire passer à la trappe toute référence aux mantras de la gauche révolutionnaire : la lutte des classes, l’exploitation, les inégalités sociales, et même la classe dominante. Avec l’islamophobie, la population musulmane a été essentialisée et victimisée, devenant l’alpha et l’oméga des luttes à mener. Ce changement dans la désignation du nouveau moteur de la lutte ne date pas d’aujourd’hui : ce sont les courants maoïstes qui, dans les années 1970 et 1980, ont fait des immigrants en provenance du Maghreb l’élément essentiel de ce qui devait former, selon eux, la nouvelle base de la révolution. 

Ce positionnement islamophile débouche pourtant sur une foule de contradictions qui ont rapidement été pointées tout au long de l’émission. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Edwy Plenel ne répond quasiment jamais aux questions d’Alain Finkielkraut, ce que ce dernier s’est courtoisement gardé de relever. Il est vrai que le rhéteur est au sommet de son art, et que l’esquive est devenue son sport favori. Cette façon de faire est typique de ceux qui ont été formés à l’école du maoïsme, du trotskisme et du stalinisme : on discute sans discuter, on répond sans répondre, on écoute sans écouter. Le but est simplement de profiter de l’occasion pour développer une logorrhée idéologique sans fin, tout en discréditant au passage son contradicteur en lui accolant l’étiquette du réactionnaire ou du fou patenté (« vos obsessions »). Pourtant, les questions étaient redoutablement pertinentes, comme lorsqu’Alain Finkielkraut lui fait remarquer que le concept de Grand remplacement est brandi avec enthousiasme par des militants pro-immigration.

Sur ce point, Edwy Plenel est resté silencieux, comme il est resté silencieux sur la question de l’antisémitisme en provenance des milieux arabo-musulmans. De même, alors qu’il soutient que la haine des homosexuels constitue le point commun de l’extrême-droite, il ne voit pas que cette haine est encore plus terrible dans l’islamisme. Aucune de ces contradictions ne le fait douter. Imperturbable, il s’en tient à sa posture favorite : celle du grand défenseur des droits universels, luttant contre une extrême droite qui serait la seule menace sérieuse, mais dont on peine à saisir la nature et la réalité. 

On peut regretter qu’Alain Finkielkraut, sans doute lassé, n’ait pas eu le temps ou l’envie de pousser plus loin la mise à nu des contradictions de son invité. Relevons quand même un fait notable : à un moment, il est question de la nation à propos de l’Ukraine. Alain Finkielkraut ne s’y attarde pas. A tort, car c’est probablement l’hostilité viscérale de Plenel envers la nation qui explique le mieux son personnage, comme le montre la proximité troublante entre sa biographie et celle de Jacques Vergès. Or, malgré une déclaration en faveur de l’Ukraine contre l’impérialisme russe, Edwy Plenel ne veut pas voir que c’est précisément cette guerre qui a constitué, entre autres facteurs, le peuple ukrainien en nation, et que c’est au nom de la nation que la résistance ukrainienne peut se déployer avec une énergie qui surprend et fascine en Occident. Se pourrait-il que l’un des effets collatéraux de cette guerre finisse par perturber sérieusement le logiciel de Plenel ?

Auteur