Quand la France préférait la voie réformiste

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Tribune des observateurs

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Quand la France préférait la voie réformiste

Read More  ©PASCAL PAVANI / AFPClés de lecture historiqueIl ne s’agit pourtant en rien d’un changement pacifique au regard par exemple de ce qui s’est produit à Sainte-Soline. De ce point de vue, on est tenté de rapprocher les évènements en cours avec ce qui s’est produit au début des années 1970 lorsque différents mouvements de l’ultra gauche ont tenté de peser sur le cours des évènements politiques. Si leurs tentatives se sont très vite soldées par un échec, on peut y voir la conjonction de deux démarches : d’une part, la mise en œuvre d’un programme réformiste par la majorité d’alors ; d’autre part, la faculté du parti socialiste dirigé par François Mitterrand à partir de 1971 de neutraliser ces courants en les absorbant plutôt qu’à les suivre. Deux clés de lecture historique qui donnent à penser pour appréhender la situation que nous traversons actuellement.  La violence politique perpétrée par l’extrême-gauche depuis plusieurs semaines et l’appel au soulèvement général ne sont en effet pas sans rappeler la France de cette époque. La Gauche prolétarienne, née dans les remugles de Mai 1968, choisit de pratiquer la violence verbale et physique, dans les usines et à l’égard de la police. Notamment au cours des affrontements avec le mouvement d’extrême-droite Ordre nouveau en 1971. La mort du militant maoïste Pierre Overney l’année suivante renforce ce contexte de radicalisation, relayé par des mouvements sociaux emblématiques comme ceux du Joint français (1972) et de LIP (1973). On notera aussi, autre similitude, la tentative de l’extrême-gauche de rallier à sa cause les lycéens, notamment en 1973 lors de la réforme des sursis pour le service militaire initié par le ministre de la Défense Michel Debré. Face à cette tentative de subversion, Georges Pompidou veut, tout en faisant respecter l’ordre public (on se souvient de Raymond Marcellin, ministre de l’Intérieur, comme de « Raymond la matraque ») proposer une réelle perspective réformiste. À sa manière, le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas portera haut cette ambition avec son projet de « Nouvelle société » (des hommes venus de la gauche réformatrice, Simon Nora et Jacques Delors, en avaient été les concepteurs). On peut également voir dans la prise en main du parti socialiste par François Mitterrand en 1971 une manière de phagocyter une partie de l’extrême gauche en reprenant à son compte ses thèmes de prédilection ainsi que les aspirations de Mai 68, qu’il s’agisse de l’écologie ou du féminisme. Une partie de celle-ci, maoïste ou trotskiste, à commencer par Jean-Luc Mélenchon, passera ensuite avec armes et bagages au parti socialiste. D’une certaine manière, on peut aussi considérer que le programme réformateur impulsé par Pompidou et poursuivi par Valéry Giscard d’Estaing (notamment la loi Veil et la majorité à 18 ans) a fortement marqué la France de la fin des Trente glorieuses. La droite actuelle serait bien inspirée à ce sujet de se rappeler les élans réformateurs qu’elle portât en 1958 comme en 1974. Aujourd’hui, on ne peut que constater le manque de stratégie politique à la fois dans le parti présidentiel et dans le parti socialiste. La France insoumise et les Verts semblent, eux, ne pas vouloir se couper de leurs racines radicales. En dépit de l’épisode Jadot, Europe Écologie paraît en effet toujours attiré du côté de ses origines gauchistes et libertaires. Du côté du camp macroniste, et contrairement à ce que le chef de l’État laissait entendre durant la campagne de 2017, on ne décèle pas une réelle ambition de répondre d’une manière globale aux nouvelles aspirations de la société française, en particulier du point de vue de la transition écologique. L’usage des conventions citoyennes n’a pas été en capacité de proposer de nouveaux modes de relations entre gouvernants et gouvernés. Plus généralement, on ne voit guère émerger un projet de société destiné à répondre aux inquiétudes (légitimes) des Français. L’approche se résume à l’usage répété de formules creuses telles que les références aux « territoires », à la « ruralité » ou bien encore aux « quartiers ». Au regard de son intransigeance assumée, le chef de l’État serait bien inspiré de se rappeler des formules de Pompidou qui voulait incarner « le changement dans la continuité » ou de Giscard d’Estaing qui voulait « décrisper » la société par des réformes intéressant l’ensemble des Français. Comment faire renaitre une politique « incarnée » ? Tel pourrait-être le défi auquel les partis réformistes pourraient s’atteler.A gauche, la soumission totale du parti socialiste d’Olivier Faure à la ligne radicale imposée par Jean-Luc Mélenchon comme en atteste encore très récemment l’élection partielle en Ariège prive le jeu politique de toute réelle perspective d’alternance politique. De ce point de vue, on serait d’ailleurs bien incapable de déceler le moindre souffle réformiste tel qu’il a pu exister en 1936 comme en 1981. C’est même tout l’inverse dans la mesure où la gauche n’est plus en capacité de porter un projet de société mais se limite à défendre l’existant. Pourtant, plus que jamais, au regard des mutations que nous traversons actuellement sur le plan national, mais également pour répondre aux définis internationaux, la France a besoin d’une ligne claire qui dépasse le jeu imposé par les extrêmes qui se figent autour de postures identitaires et d’expressions radicalisées. On constate par exemple aujourd’hui l’impuissance politique des partis de gauche comme de droite à porter devant les Français de manière rationnelle et argumentée le débat pourtant si nécessaire sur la place de l’immigration en France. Pour en terminer avec ces concordances des temps, revenons-en encore une fois encore à la matrice politique commune, à savoir la révolution française. Contre le moment révolutionnaire de 1793 qui s’ouvrit par l’épuration des massacres de septembre 1792 et se clôtura avec la chute de Robespierre en 1794, c’est bien le moment réformiste de 1789 qui donna à la France les clés de sa modernité à venir, en particulier la reconnaissance politique du Tiers État, l’abolition des privilèges et la déclaration des Droits de l’Homme. Aux femmes et aux hommes de bonne volonté de se saisir une nouvelle fois de cet héritage intemporel.   

©PASCAL PAVANI / AFP

Clés de lecture historique

Il ne s’agit pourtant en rien d’un changement pacifique au regard par exemple de ce qui s’est produit à Sainte-Soline. De ce point de vue, on est tenté de rapprocher les évènements en cours avec ce qui s’est produit au début des années 1970 lorsque différents mouvements de l’ultra gauche ont tenté de peser sur le cours des évènements politiques. Si leurs tentatives se sont très vite soldées par un échec, on peut y voir la conjonction de deux démarches : d’une part, la mise en œuvre d’un programme réformiste par la majorité d’alors ; d’autre part, la faculté du parti socialiste dirigé par François Mitterrand à partir de 1971 de neutraliser ces courants en les absorbant plutôt qu’à les suivre. Deux clés de lecture historique qui donnent à penser pour appréhender la situation que nous traversons actuellement.  

La violence politique perpétrée par l’extrême-gauche depuis plusieurs semaines et l’appel au soulèvement général ne sont en effet pas sans rappeler la France de cette époque. La Gauche prolétarienne, née dans les remugles de Mai 1968, choisit de pratiquer la violence verbale et physique, dans les usines et à l’égard de la police. Notamment au cours des affrontements avec le mouvement d’extrême-droite Ordre nouveau en 1971. La mort du militant maoïste Pierre Overney l’année suivante renforce ce contexte de radicalisation, relayé par des mouvements sociaux emblématiques comme ceux du Joint français (1972) et de LIP (1973). On notera aussi, autre similitude, la tentative de l’extrême-gauche de rallier à sa cause les lycéens, notamment en 1973 lors de la réforme des sursis pour le service militaire initié par le ministre de la Défense Michel Debré. 

Face à cette tentative de subversion, Georges Pompidou veut, tout en faisant respecter l’ordre public (on se souvient de Raymond Marcellin, ministre de l’Intérieur, comme de « Raymond la matraque ») proposer une réelle perspective réformiste. À sa manière, le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas portera haut cette ambition avec son projet de « Nouvelle société » (des hommes venus de la gauche réformatrice, Simon Nora et Jacques Delors, en avaient été les concepteurs). On peut également voir dans la prise en main du parti socialiste par François Mitterrand en 1971 une manière de phagocyter une partie de l’extrême gauche en reprenant à son compte ses thèmes de prédilection ainsi que les aspirations de Mai 68, qu’il s’agisse de l’écologie ou du féminisme. Une partie de celle-ci, maoïste ou trotskiste, à commencer par Jean-Luc Mélenchon, passera ensuite avec armes et bagages au parti socialiste. D’une certaine manière, on peut aussi considérer que le programme réformateur impulsé par Pompidou et poursuivi par Valéry Giscard d’Estaing (notamment la loi Veil et la majorité à 18 ans) a fortement marqué la France de la fin des Trente glorieuses. La droite actuelle serait bien inspirée à ce sujet de se rappeler les élans réformateurs qu’elle portât en 1958 comme en 1974. 

Aujourd’hui, on ne peut que constater le manque de stratégie politique à la fois dans le parti présidentiel et dans le parti socialiste. La France insoumise et les Verts semblent, eux, ne pas vouloir se couper de leurs racines radicales. En dépit de l’épisode Jadot, Europe Écologie paraît en effet toujours attiré du côté de ses origines gauchistes et libertaires. Du côté du camp macroniste, et contrairement à ce que le chef de l’État laissait entendre durant la campagne de 2017, on ne décèle pas une réelle ambition de répondre d’une manière globale aux nouvelles aspirations de la société française, en particulier du point de vue de la transition écologique. L’usage des conventions citoyennes n’a pas été en capacité de proposer de nouveaux modes de relations entre gouvernants et gouvernés. Plus généralement, on ne voit guère émerger un projet de société destiné à répondre aux inquiétudes (légitimes) des Français. L’approche se résume à l’usage répété de formules creuses telles que les références aux « territoires », à la « ruralité » ou bien encore aux « quartiers ». Au regard de son intransigeance assumée, le chef de l’État serait bien inspiré de se rappeler des formules de Pompidou qui voulait incarner « le changement dans la continuité » ou de Giscard d’Estaing qui voulait « décrisper » la société par des réformes intéressant l’ensemble des Français. Comment faire renaitre une politique « incarnée » ? Tel pourrait-être le défi auquel les partis réformistes pourraient s’atteler.

A gauche, la soumission totale du parti socialiste d’Olivier Faure à la ligne radicale imposée par Jean-Luc Mélenchon comme en atteste encore très récemment l’élection partielle en Ariège prive le jeu politique de toute réelle perspective d’alternance politique. De ce point de vue, on serait d’ailleurs bien incapable de déceler le moindre souffle réformiste tel qu’il a pu exister en 1936 comme en 1981. C’est même tout l’inverse dans la mesure où la gauche n’est plus en capacité de porter un projet de société mais se limite à défendre l’existant. 

Pourtant, plus que jamais, au regard des mutations que nous traversons actuellement sur le plan national, mais également pour répondre aux définis internationaux, la France a besoin d’une ligne claire qui dépasse le jeu imposé par les extrêmes qui se figent autour de postures identitaires et d’expressions radicalisées. On constate par exemple aujourd’hui l’impuissance politique des partis de gauche comme de droite à porter devant les Français de manière rationnelle et argumentée le débat pourtant si nécessaire sur la place de l’immigration en France. Pour en terminer avec ces concordances des temps, revenons-en encore une fois encore à la matrice politique commune, à savoir la révolution française. Contre le moment révolutionnaire de 1793 qui s’ouvrit par l’épuration des massacres de septembre 1792 et se clôtura avec la chute de Robespierre en 1794, c’est bien le moment réformiste de 1789 qui donna à la France les clés de sa modernité à venir, en particulier la reconnaissance politique du Tiers État, l’abolition des privilèges et la déclaration des Droits de l’Homme. Aux femmes et aux hommes de bonne volonté de se saisir une nouvelle fois de cet héritage intemporel.  

 

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